La lutte pour occuper le douillet fauteuil de Chef de file de l’opposition au Bénin fait rage. Entre Bruno Amoussou, Président de l’Union fait la Nation, et Adrien Houngbédji, Président du Parti du renouveau démocratique, la guerre froide a déjà commencé.
Un fauteuil pour deux Chefs de file de l’opposition ! C’est le scénario auquel les Béninois sont confrontés depuis la fin de l’élection présidentielle de 2011, qui a porté le Président Boni Yayi au pouvoir.
Battu lors de ces élections, le Président Adrien Houngbédji dont la candidature a été portée par le regroupement politique Union fait la Nation a proclamé haut et fort son appartenance à l’opposition. Bien avant lui, les députés de son parti ont, en marge de l’ouverture de la première session ordinaire du parlement, fait une déclaration politique pour annoncer de façon formelle leur appartenance à l’opposition, conformément aux résolutions adoptées par le 3ème Congrès Ordinaire du parti les 11 et 12 février 2012 et entérinées par le bureau politique le 07 avril 2012. Cette déclaration a été lue par le porte-parole du Prd l’honorable Charlemagne Honfo en présence des députés Augustin Ahouanvoébla, Raphael Akotègnon, Edmond Zinsou et Joachim Adantinnon. Pour terminer, le porte-parole du Prd parlera du dépôt d’une proposition de loi modificative de la loi n°2001-36 portant Statut de l’opposition (voir déclaration ci-dessous).
Après, les choses sont allées vite. Le samedi 1er septembre 2012, lors de la 3è édition de l’Université de vacances de son parti, Me Adrien Houngbédji déclare : « Le PRD est une composante essentielle de l’opposition ». Poursuivant ses propos, il a ajouté : « Le PRD est un parti libre et non un parti centriste ».
Mais très rusé, le Président Bruno Amoussou n’a pas attendu la réaction du Président Houngbédji pour rendre officielle la position de l’Union fait la Nation. Contrairement à une déclaration, il a saisi le ministre de l’intérieur, comme l’a prescrit le statut de l’opposition pour déclarer l’Union fait la Nation comme étant un parti d’opposition. « Conformément à la Loi N° 2001-36 du 14 Octobre 2002, portant statut de l’opposition, au nom et pour le compte de l’« Union fait la Nation », je viens, par les présentes, porter à votre connaissance la déclaration officielle et publique de son appartenance à l’opposition », écrivait-il dans sa lettre du 11 mai 2012 (Voir lettre ci-dessous).
Depuis, plus aucune ligne n’a bougé. Mais à en croire certaines indiscrétions le Président Bruno Amoussou pourrait être investi bientôt par l’UN, Chef de file de l’opposition, coupant ainsi l’herbe au pied du Prd qui n’aurait pas fait la formalité du ministère de l’intérieur. Ceci ferait partie de l’une des grandes décisions prises par l’UN au cours de sa 3è convention nationale.
Une question s’impose. L’UN est-elle une formation politique ? Voilà qui pourrait donc relancer les débats dans les jours à venir, histoire d’oublier un peu ces affaires d’empoisonnement et de coup d’Etat qui ont jusque-là pourrit la vie des Béninois.
Ce que dit la loi
Pour être un parti de l’opposition, selon l’article 6 de la loi 2001-36 il faut : être un parti politique, une alliance de partis ou un groupe de partis politiques régulièrement enregistrés ; faire une déclaration officielle et publique de son appartenance à l’opposition et la faire enregistrer au ministère chargé de l’intérieur. Ce dernier transmet, dans un délai de deux (02) mois au plus tard, l’enregistrement au journal officiel pour publication ; la publication au journal officiel peut aussi se faire à la diligence du parti politique concerné ; développer pour l’ essentiel des positions et des opinions différentes de celles du gouvernement ; ne pas accepter un poste politique à un niveau quelconque du pouvoir. Mieux, l’article 7 de la même loi indique clairement : « Est considéré comme l’un des chefs de l’opposition, tout chef d’un parti politique de l’opposition dont le nombre de députés à l’Assemblée Nationale constitue de façon autonome un groupe parlementaire. Est également considéré comme l’un des chefs de l’opposition, tout chef d’un groupe de partis de l’opposition constitué en groupe parlementaire à l’Assemblée Nationale. Est enfin considéré comme l’un des chefs de l’opposition, tout chef de parti, alliance de partis ou groupe de partis de l’opposition représentés ou non à l’Assemblée Nationale mais ayant totalisé à l’issue des dernières élections législatives, 10% des suffrages exprimés ».
PARTI DU RENOUVEAU DEMOCRATIQUE (P.R.D)
DECLARATION OFFICIELLE ET PUBLIQUE D’APPARTENANCE A L’OPPOSITION (Loi n°2OOl-36 du 14 octobre 2O02 portant statut de l’Opposition ; Décret n°2OO8-649 du 2O novembre 2OO8)
Béninoises, Béninois, Chers compatriotes,
Depuis l’historique Conférence des Forces Vives de la Nation de février 1990 qui avait redonné confiance et espoir au peuple béninois, le Parti du Renouveau Démocratique (PRD) a toujours œuvré pour la consolidation de notre processus démocratique en jouant sa partition sur l’échiquier politique national.
Vingt-deux (22) ans après le début de cette exaltante expérience marquée surtout par six (6) élections législatives et cinq (5) élections présidentielles, les attentes de nos laborieuses populations, les acquis et les avancées résultant de notre combat pour la consolidation de notre démocratie ont été pratiquement réduits à néant, ne laissant plus que la peau sur les os, une coquille vidée de son contenu. En effet, il est loisible à tout observateur objectif de l’évolution de notre pays de relever le caractère persistant et marqué des dérives suivantes du régime en place:
1 – La dégradation de la gouvernance politique et économique du Bénin ;
2- la détérioration du niveau de vie des populations en termes de pouvoir d’achat ou l’amenuisement du panier de la ménagère, au point où ce n’est plus que la lutte pour la subsistance qui préoccupe aujourd’hui un nombre grandissant de nos concitoyens;
3- la tendance prononcée à l’autocratie, la disparition ou l’assassinat de citoyens non élucidés et le recul dangereux des libertés publiques, notamment les libertés syndicales;
4- la perte de l’indépendance des institutions républicaines et de contrepouvoir qui devraient assurer un bon équilibre social et politique; de toute évidence, ces institutions, par leur inféodation à l’Exécutif, ne garantissent plus d’espace d’expression de différences, encore moins de contestations ;
5- la confiscation et l’achat des moyens de communication surtout audiovisuelle qui rendent aphone toute parole jugée indésirable ou professant une approche discordante de celle du pouvoir;
6- la privation arbitraire et illégale du droit de vote de centaines de milliers de citoyens et leur exclusion du processus d’élection des dirigeants de leur choix par l’imposition d’une Liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI) tronquée et non consensuelle ;
7- la corruption généralisée en dépit de la marche réalisée au sommet de l’Etat contre elle, des déclarations officielles tonitruantes de tolérance zéro contre ce phénomène qui gangrène notre société, détruit la valeur du travail et s’amplifie à l’occasion des activités électorales ;
8- l’impunité des proches du pouvoir érigée en règle de gouvernement ; les semblants d’initiatives du gouvernement pour engager des poursuites contre certaines personnes apparaissent comme des mises en scène politiques en trompe l’œil, puisque les résultats sont nuls;
9- la promotion du gain facile qui a provoqué dans notre pays la ruine de milliers de compatriotes, abusés par des comportements équivoques de hautes autorités et de leurs proches au côté d’escrocs, ce qui a fait perdre des sommes faramineuses à de braves citoyens ruinés à jamais ;
10-l’improvisation, avec l’instabilité décisionnelle qui en découle, érigée en règle de gestion gouvernementale ;
11-le harcèlement, la fragilisation et l’asphyxie d’opérateurs économiques créateurs de richesses et d’emplois ;
12-la violation des droits acquis des travailleurs, notamment ceux des enseignants ;
13- la politisation à outrance de l’Administration d’Etat prenant pour base le régionalisme et le népotisme;
14-la mauvaise gestion de nos finances publiques et les réformes hasardeuses qui ont pour effet de fragiliser le budget de l’Etat;
15-l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques et l’acharnement du pouvoir à réaliser son inféodation à l’exécutif;
16-La volonté du pouvoir de procéder à une révision clandestine et opportuniste de la Constitution.
Chers Compatriotes,
De la politique du Changement proclamée en 2006 à la politique de Refondation annoncée en 2011, en passant par la politique fumeuse du Bénin Emergent, force est de constater que le bilan est peu reluisant, caractérisé qu’il est par la mauvaise gestion économique, politique et sociale.
Face à l’impasse et les revirements spectaculaires observés à tous les niveaux, le PRD est déterminé à œuvrer pour une meilleure gouvernance et pour l’alternance démocratique.
C’est pourquoi et conformément aux résolutions adoptées par son 3ème Congrès Ordinaire des 11 et 12 février 2012, entérinées par son Bureau Politique le 07 avril 2012, le PRD déclare par la présente être formellement dans l’opposition, en attendant le dépôt d’une proposition de loi modificative de la loi n°2001-36 portant Statut de l’opposition.?
Porto-Novo, le 12 Avril 2012
La Lettre de Bruno Amoussou au Ministre de l’Intérieur
Cotonou, le 11 Mai 2012
Le Président
A
Monsieur le Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité Publique
Cotonou
Objet : Déclaration officielle et publique d’appartenance à l’opposition
Monsieur le Ministre,
Conformément à la Loi N° 2001-36 du 14 Octobre 2002, portant statut de l’opposition, au nom et pour le compte de l’« Union fait la Nation », je viens, par les présentes, porter à votre connaissance la déclaration officielle et publique de son appartenance à l’opposition.
Je vous prie, en conséquence, d’enregistrer cette déclaration et considérer désormais « l’Union fait la Nation », comme un parti politique de l’opposition.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, mes meilleurs sentiments.