La famine tape avec insistance à la porte des maisons d’arrêt du Bénin. En effet, pour non paiement de leurs émoluments, les prestataires de l’Etat en alimentation ont décidé, dès le 5 février prochain, de ne plus nourrir les détenus de toutes les prisons civiles du Bénin. Ainsi, en plus d’être privés de liberté, les prisonniers feront aussi face à la faim si les autorités béninoises ne réagissent pas promptement pour donner une réponse adéquate aux prestataires en alimentation. Et pour cause, le collectif des prestataires en alimentation des détenus des prisons civiles du Bénin menace de suspendre leurs services pour non-paiement de plusieurs mois de prestations. Réuni en Assemblée générale le 27 janvier dernier, ce collectif a évalué le coût de ces prestations à trois milliards trois cent quarante huit millions six cent vingt un mille six cent cinquante huit (3.348.621.658) FCfa. « Année 2012, janvier à avril 2013, les infructueux du 1er mai 2013 au 31 décembre 2013 et les résidus des années antérieures à 2012 s’élèvent à deux milliards cinquante millions (2.050.000.000) Cfa. Toute l’année 2014, un milliard deux cent quatre vingt dix huit millions six cent vingt un mille six cent cinquante huit (1.298.621.658) Fcfa », a expliqué Jérôme Koffi, secrétaire du collectif. A l’en croire, toutes les prestations du mois de janvier 2015 n’ont pas été payées et se sont donc ajoutées à l’ardoise déjà salée existante. Et d’après ses explications, les dettes de l’Etat pour le mois de janvier s’élèvent à un montant de cent huit millions deux cent dix huit mille quatre cent soixante douze (108.218.472) F Cfa. « Pour les micro-entreprises que nous sommes, il s’agit là d’un coup dur pour nous car, beaucoup de nos entreprises ont fermé. Certains prestataires parmi nous qui ont fonctionné sur la base des prêts auprès des institutions bancaires, n’ayant pas honoré à leurs engagements, ont vu leurs biens mis en garantie saisis et ces derniers vivent aujourd’hui dans le désespoir total », a expliqué le secrétaire.
La source du problème
Selon la lettre adressée au garde des sceaux, ministre de la justice par l’Assemblée générale du collectif des prestataires, depuis trois ans, les engagements pris au niveau du ministère sont largement supérieurs aux crédits disponibles dans les budgets successifs. Cette situation aurait alors entraîné le glissement des dettes d’une année sur une autre. « En début d’année, des dotations budgétaires sont utilisées pour payer une partie des dettes antérieures pendant que de nouveaux engagements sont pris », a expliqué Jérôme Koffi.
Pas de fondement juridique
Toujours d’après le Secrétaire général, le collectif des prestataires en alimentation des détenus des prisons civiles du Bénin offre ses services sans aucune garantie juridique. Car, a-t-il déploré, les prestations sont faites à partir des lettres adressées à chaque prestataire tous les mois depuis l’annulation de l’appel d’offres lancé en 2012. « L’appel d’offres ouvert qui devrait aboutir à la désignation des prestataires en alimentation des détenus pour l’année 2012 a été annulé. Ainsi, du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012 et du 1er janvier 2013 au 30 avril 2013, les anciens prestataires au titre de l’année 2011 ont été reconduits sur la base du contrat de 2011. Des lettres de poursuite des prestations signées du ministre de la justice d’alors, ont été régulièrement adressées aux différents prestataires, leur demandant de poursuivre les prestations jusqu’à l’aboutissement de la procédure d’appel d’offres. Par la suite, les résultats de l’appel d’offres ouvert ayant été concluants, des prestataires ont été désignés et des contrats leur ont été signés. Sur la base desdits contrats, les prestataires ont ainsi travaillé du 1er mai 2013 au 31 décembre 2013. Pendant l’année 2014, alors qu’on devrait renouveler à leurs détenteurs les contrats, cela n’a pas été effectué tôt. C’est seulement quelques contrats qui ont pu être renouvelés le 30 décembre 2014. Malgré le peu de contrats signés et la prévision budgétaire, aucun prestataire n’a pu être payé jusqu’à ce jour. Nous avons été non seulement surpris du fait que nous n’ayons pas été payés avant fin 2014, mais surpris surtout de la reprise de poursuite des prestations pour janvier 2015, cette fois-ci non sur la base des lettres, mais sur un simple coup de téléphone. Nous ne saurions continuer de fournir des prestations sans fondement juridique », a laissé entendre le Secrétaire général du collectif.
Et d’ajouter que ne pouvant pas poursuivre ses services sans être payés et sans une base juridique, le collectif des prestataires a décidé donc de suspendre ses activités. « Nous souhaitons qu’avant de lancer les appels d’offres pour l’année 2015, que toutes les procédures qui consisteraient à nous demander de poursuivre les prestations en alimentation des détenus des prisons civiles soient faites sur la base d’un contrat et non des lettres d’une durée d’un mois renouvelable. Si rien n’est fait pour le paiement de nos dettes, monsieur le garde des sceaux, vous nous aurez ainsi contraints à ne plus fournir les prestations en alimentation des détenus à compter du jeudi 5 février 2015. Ainsi, malgré notre volonté de bien vouloir satisfaire ces âmes sensibles que constituent les détenus, c’est avec consternation que nous les priverons de nourriture », a déclaré le collectif.
C’est dire que la menace de la faim est désormais une épée de Damoclès qui plane sur la tête de tous les prisonniers du Bénin.
Isac A. YAÏ