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Fraternité N° 3773 du 12/1/2015

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Déploiement des volontaires dans les établissements secondaires Les Centrales syndicales condamnent et affûtent leurs armes
Publié le vendredi 30 janvier 2015   |  Fraternité


Paul
© Autre presse par DR
Paul esse iko, syndicaliste


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L’opération de déploiement des volontaires d’expertise professionnelle dans les établissements secondaires, démarrée depuis quelques semaines, tourne déjà au vinaigre. Un millier de vacataires sont remerciés au profit des volontaires, qui selon les partenaires sociaux, n’ont pas la qualification requise pour enseigner. Et déjà, certains établissements contestent la mesure. A ce sujet, la Cosi-Bénin pense à une conspiration contre le système éducatif béninois. Selon cette confédération syndicale, le ministère de l’enseignement secondaire interpellé, affirme n’avoir pas été associé à ce dossier et trouve que c’est l’Agence nationale pour l’Emploi et le programme de volontariat d’expertise professionnelle qui ont mené l’opération de manière solitaire. A en croire le Secrétaire général de la Confédération syndicale des travailleurs du Bénin, Kassa Mampo Naïmi Gilbert, il y a une confusion qui risque de conduire le système éducatif béninois vers le déclin. Selon lui, pendant que les institutions en charge du déploiement parlent de ‘’Renforcement’’, les établissements, quant à eux, sont confrontés au ‘’Remplacement’’ des vacataires.

Dieudonné Lokossou, Sg/Csa


Le gouvernement doit bien jouer sa partition parce que ces vacataires ont été comme des vaches à lait qu’on a trait tout le temps, et j’estime que s’il doit y avoir une priorité dans l’enseignement, on doit pouvoir tourner un regard vers eux, qui ont fait un travail patriotique durant des années, et ce au prix de lourds sacrifices. Ils n’ont pas été toujours payés à la hauteur de leurs prestations. Je sais aussi qu’à ce niveau, il y a des insuffisances, notamment la formation, qui sont des problèmes fondamentaux que l’on contourne et que l’on n’a jamais cherché à régler. S’agissant des volontaires, ils sont aussi des Béninois qui ont également droit au travail. Il ne s’agit pas de les prendre pour de substituer aux vacataires. Il ne faut pas qu’on oppose les jeunes entre eux. Donc, c’est un problème crucial qu’il faut régler la tête froide et ne pas créer d’injustice sociale, parce qu’en voulant offrir du travail à tout le monde, on crée encore des chômeurs. Je ne pense pas que ce soit une démarche pédagogique saine. Ensuite, à la décharge du Gouvernement, c’est désormais l’Anpe et le Programme de volontariat d’expertise professionnelle qui envoient ces volontaires. Le processus est-il fait de concert avec le gouvernement ? Si c’était le cas, on ne doit pas assister à une confusion, à la cacophonie à laquelle nous assistons en ce moment. J’ai été interpellé par un vacataire qui a été remercié à Lobogo dans le Mono. Je crois que c’est une situation que nous devons aborder avec les autorités.
Il y a aussi un problème de formation des volontaires. Parce que les vacataires ont acquis au fil des années un certain nombre d’expériences qu’il faut nécessairement capitaliser. En cherchant à les remercier de cette façon, je pense que ce n’est pas normal. Nous devons alors prendre langue avec les autorités pour trouver les solutions, non pas en faisant du tapage, mais à travers un dialogue franc et fécond.
On a beau faire des fora, des tables rondes, des états généraux. Mais si l’on ne prend pas à bras le corps les problèmes essentiels, le système aura toujours des faiblesses. Parce qu’il ne s’agit pas seulement d’envoyer les gens sur le terrain, il faut qu’on s’assure de leur aptitude. Le problème de pré définition des programmes a conduit les gens dans des improvisations. Ce qui n’est pas un point positif pour le gouvernement. Parce que lorsqu’on parle de la qualité dans l’enseignement, on ne doit pas encourager la médiocrité. Procéder de cette façon, c’est l’option suicidaire d’une médiocrité certaine.

Kassa Mampo Naïmi Gilbert, Sga/Cstb
Tout le monde sait que lors de la dernière grève générale des travailleurs, l’une des revendications était la question du règlement de la précarité de l’emploi des enseignants que l’on appelle communément ‘’vacataires’’, qui font plus de 80% des enseignants des secondaires. Vous savez que ces enseignants sont recrutés dans les collèges. Et au départ, les vacataires pouvaient aller jusqu’à 18 heures de cours, mais à un moment donné, on a commencé par les recruter comme des manœuvres, des tâcherons où on ne leur donne qu’au maximum 9 heures de cours. Certains ont 3 heures, d’autres ont 6 heures. Ce qui fait que là où on devrait recruter normalement un certain nombre de professeurs, on n’en recrute plus. Par exemple, là où on doit recruter un professeur dans un établissement, il faut en recruter jusqu’à 3 parce qu’on ne peut pas donner 20 heures ou 18 heures. Donc, ces enseignants vacataires qui font la majorité des enseignants du secondaire revendiquaient l’amélioration de leurs conditions. Ils parlaient de la sédentarisation. Ils veulent qu’on sécurise leur emploi. Mais que s’est-il passé ? Lors des négociations entre confédérations syndicales et Gouvernement, ce problème a été posé. Et il a été créé une commission qui était chargée de recenser ces vacataires et de proposer des solutions définitives à soumettre à la commission nationale de négociation. Cette commission avait commencé par travailler, et puisque le ministère de l’enseignement secondaire avait déjà fait un recensement, il suffisait de prendre ces chiffres et d’aller regarder les résultats de payements au niveau des recettes perceptions pour pouvoir avoir le chiffre définitif ou approximatif pour présenter les résultats à la commission afin de trouver une solution à ce problème des vacataires qui influence beaucoup la qualité de l’enseignement secondaire. Il vaut mieux prendre ceux qui sont là depuis des années, les former, les sécuriser, pour qu’ils soient stables et mieux productifs. La commission s’est réunie une ou deux fois et c’est fini. Cela a été suspendu, la rentrée scolaire est venue. Et au lieu de régler le problème des vacataires, on a encore créé d’autres problèmes. On a affecté des enseignants…Aujourd’hui, ce qu’on apprend et qui est grave, c’est qu’on a recruté des volontaires pour venir remplacer les vacataires. Nous avons appris qu’on a recruté 681 volontaires qui doivent être gérés par le ministère de la jeunesse. …Et ceux là viennent pour remplacer les enseignants vacataires qui étaient là depuis un certain nombre d’années et qui ont eu à accumuler des expériences en matière de pédagogie. Vous savez que l’approche par compétence est compliquée à enseigner. Ceux qui ont déjà eu à apprendre cela au cours des animations pédagogiques au cours de l’année, on veut les chasser pour les faire remplacer par ceux qui n’ont rien appris sur le plan pédagogique, pour recommencer à zéro.
Normalement, ce sont les vacataires qui ont déjà une grande expérience, vu le nombre d’années que certains ont passé dans l’enseignement, qui doivent être titulaires de classes et si les jeunes volontaires arrivent, ils seront des stagiaires à côté des titulaires. Donc, on ne peut pas venir leur donner les classes. Je n’ai rien contre les volontaires mais de façon générale, nous constatons que le gouvernement veut les utiliser pour lutter contre les vacataires qu’on veut chasser. Mais ils ne pourront pas régler les problèmes parce que aujourd’hui, les vacataires sont plus de 80%, ce n’est pas moi qui le dis c’est le gouvernement même qui le dit. Donc si plus de 80% doit partir, eux, ils viennent pour faire quoi ? Et ils vont apprendre auprès de qui ? Normalement, ils devraient venir apprendre auprès des autres jusqu’à ce que l’expérience leur permette de postuler pour être désormais enseignants à plein temps. Si on a appris que les gens sont arrivés et qu’ils ne savent même pas dans quelle matière ils vont enseigner ; quand on leur confie une matière et ils estiment qu’ils ne peuvent pas et qu’ils préfèrent une autre matière et ainsi de suite, ils tâtonnent ; cela veut dire qu’en fait, le gouvernement ne sait même pas ce qu’il veut. Le gouvernement veut ensevelir l’école. Or, pour sauver l’école aujourd’hui, il y a un certain nombre de problèmes qu’il faut régler, notamment la question du personnel. Et comme les vacataires sont déjà là, il faut régler leurs problèmes, sécuriser leur emploi pour qu’ils soient beaucoup plus tranquilles et mieux travailler, pour que les élèves qu’ils vont encadrer se trouvent dans les bonnes conditions pour pouvoir bien évoluer. Ainsi de suite, on va recruter d’autres professeurs en bonne et due forme pour compléter l’effectif. C’est ce qu’il faut faire et non aller toujours d’improvisation en improvisation. C’est sérieux et c’est dangereux pour notre pays. La gouvernance de ce côté est encore catastrophique et il faut un changement du système de gouvernance….
En fait, il n’y a pas inactivité au niveau des centrales syndicales. Nous avons déjà condamné le fait. Si vous regardez dans toutes nos déclarations, la Cstb a condamné. Même dans la dernière déclaration que nous avons faite en parlant des questions de mutation punitive, nous avons encore posé le problème. Nous avons demandé aux enseignants de se mobiliser pour le règlement du problème des vacataires. Tous les enseignants et les parents d’élèves ont été invités pour soutenir les vacataires dans le règlement de leurs problèmes. Nous avons invité tous les enseignants à se mobiliser parce que ce n’est pas le problème des vacataires seuls, c’est le problème de tout le monde. Et si l’enseignement est de mauvaise qualité, les parents auront dépensé inutilement. Donc, la Cstb, à toutes les occasions, n’a pas manqué de les soutenir. Et ils étaient en Assemblée Générale ici. On était encore avec eux pour les soutenir le dimanche dernier. Donc, la Cstb est restée aux côtés des vacataires parce que c’est un problème national, c’est un problème sérieux parce que plus de 80% des enseignants sont des vacataires. Donc, on doit pouvoir se mobiliser pour les soutenir pour que les choses se passent mieux.

Noël Chadaré (Cosi-Bénin)


Je dois vous dire que nous avons eu l’information comme tout le monde. C’est une décision qui va à l’encontre de ce que nous attendions, parce qu’au niveau de la Commission permanente des négociations Gouvernement-Centrales syndicales, on avait envisagé la possibilité de sédentariser les vacataires. C’était un des points de nos revendications. Et une commission a été mise sur pied pour proposer les différentes pistes à explorer pour trouver une solution afin que les vacataires soient sédentarisés. Parce qu’il en va de la qualité de l’enseignement. Les gens qui vivent du nomadisme professoral, on ne peut attendre grand-chose d’eux. S’ils sont fixés quelque part, c’est le système qui gagnera. Et donc, on a mis un comité sur pied qui devrait nous proposer des pistes. Au nombre des pistes, il y a bien sûr, selon nos représentants au sein de ce comité, le volontariat d’expertise professionnelle. Malheureusement, nous n’avons pas pu épuiser ce point, car on était bloqué au point 2 qu’est la question des 1,25... Si cela devait se faire comme ça, on devrait se rapprocher de nous. Finalement, nous n’avons pas été approchés. On a seulement constaté les faits. Ce qui est bien dommage pour le système. Je vous parle en tant qu’enseignant. En envoyant un volontaire dans un collège, on doit faire partir 3 ou 4 vacataires pour que le volontaire puisse avoir un emploi du temps complet de 18 ou de 20 heures. Nous avons un système qui est l’Approche par compétence. Ne va pas enseigner l’Apc qui le veut ou qui s’improvise enseignant, mais qui peut. Les vacataires qui sont là ont suivi une série de formations avec les Conseillers pédagogiques et les Inspecteurs. Ils ont fait des casses avant d’être à ce niveau, et donc, sont devenus avec le temps comme le dit cet adage : « le vin n’est bon que quand il est vieux ». Ils ont donc acquis des expériences, mais on va chercher des gens qui ne connaissent rien de la chose et qui n’ont même pas le diplôme. Selon les informations, lorsque les directeurs réclament les diplômes de ces volontaires, ils détalent. Ça a été un jeu de népotisme et de favoritisme. Nous ne sommes pas restés sans réaction. Nous avons interpellé les cadres du ministère de l’enseignement secondaire. Ils nous ont dit qu’ils n’ont pas été associés. La liste des volontaires a été seulement mise à disposition. Donc, c’est l’Anpe qui a géré toute seule ce dossier, oubliant que le système actuel est différent de celui qu’on avait. Avant, c’était la pédagogie frontale. Mais aujourd’hui, c’est l’Approche par compétence. Il faut pouvoir aller vers les structures qui sont spécialisées, les directions départementales, les directions de l’inspection pédagogique et les syndicats pour pouvoir harmoniser les points de vue. C’est bien dommage, parce qu’on est en train de détruire le système avec ceux qu’on a recrutés, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas la qualité nécessaire pour appliquer l’Apc. Ainsi, nous aurons des résultats catastrophiques. Et on dira plus tard que c’est les grèves qui ont occasionné ces résultats, or c’est l’Anpe et autres institutions qui y ont contribué.
Normalement, c’est dans le vivier des vacataires et celui de ceux qui sortent des écoles normales avec des diplômes professionnels qu’on doit puiser, et non des aventuriers pour venir mettre le système en péril. Le bon sens recommande que l’Anpe et le programme de volontariat priorisent les vacataires et non ces gens qui n’ont pas la qualification requise. Ils ont procédé un peu comme une société secrète. Donc, la Cosi-Bénin condamne cette pratique qui sera nuisible au système éducatif, qui va enfoncer davantage le niveau de l’enseignement. Le Chef de l’Etat doit pouvoir vite réagir, parce que ce qui se fait dans le système n’est pas bon. Nous nous sommes déjà plaints auprès du ministère de l’enseignement secondaire qui n’a pas non plus été associé... »
Propos recueillis par Patrice SOKEGBE

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