Le scandale financier au Conseil d’orientation et de supervision de la liste électorale permanente informatisée (Cos-Lépi) défraie la chronique depuis la publication le 27 janvier 2015 de la lettre ouverte du député Léon Basile Ahossi. Ce dernier accuse son collègue Karimou Chabi-Sika d’être au cœur d’une affaire de malversations et de détournements de plusieurs dizaines de millions FCFA. Dans un communiqué du Gouvernement en date du 28 janvier, le Secrétariat général de la Présidence révèle que l’honorable Ahossi est aussi impliqué dans les malversations au sein de l’institution. D’autres sources indiquent que plusieurs autres députés membres du Cos-Lépi sont aussi irréprochables dans le scandale financier. Des centaines de millions de francs CFA auraient été détournés des fonds qui devraient servir à la correction et l’actualisation de la liste électorale permanente informatisée.
L’affaire de détournement des fonds du Cos-Lépi a été évoquée pour la première fois par « Jeune Afrique », dans sa publication hors série N° 2816-2817 du 28 décembre 2014 au 10 janvier 2015. Le journal paraissant à Paris a révélé que deux députés béninois seraient dans le collimateur du TRACFIN (Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers Clandestins), Organisme du Ministère des Finances de la France chargé de la Lute contre le blanchiment d’argent.
Mais déjà, le député Basile Ahossi dans sa lettre en date du 09 septembre 2015 adressée au Chef de l’Etat l’informait que deux députés proches de lui seraient responsables de mauvaise gestion au sein du Cos-Lépi.
Le 27 janvier 2015, il revient à la charge avec une lettre ouverte au Président Boni Yayi. Dans son courrier, le député accuse ouvertement son collège Karimou Chabi Sika d’avoir détourné les fonds du Cos-Lépi par une société écran. Il s’agit de l’entreprise Société BUSINESS et ENGINEERING SARL dont il serait actionnaire à 60%. Son associé serait le sieur Ayeshoro Mahmoud AMADOU avec 40% des actions.
La Société BUSINESS et ENGINEERING SARL aurait reçu un transfert de fonds de GEMALTO S.A, un opérateur technologique recruté par le COS/LEPI dans le cadre des travaux de correction de la liste électorale.
« Le volume d’affaires avec GEMALTO SA est estimé à plus de Deux Cent Millions (200.000.000) de francs CFA, attendus dans le cadre de la réalisation de la LEPI », précisé le député Ahossi dans sa lettre.
Il explique qu’un transfert a été fait de Paris sur le compte ECOBANK BENIN de la Société BUSINESS et ENGINEERING SARL le 13 Juin 2014 d’un montant de 105.390.525 francs CFA et que cette somme a été vidée du compte avant le 18 Juin 2014.
L’honorable Ahossi souligne aussi que c’est son collègue Karimou Chabi-Sika qui préside au Cos-Lépi la commission des affaires financières. Il a soutenu en plénière, le recrutement de l’opérateur technologique, GEMALTO S.A, et l’argument phare bien articulé par le président de la Commission est que c’est l’une des sociétés qui "nous" avaient accompagnés pendant la mise en place de la LEPI et qu’elles connaissent mieux ce dossier, a dévoilé le député de l’opposition.
Levée d’immunité parlementaire
En réaction à la lettre ouverte, le député Karimou Chabi-Sika réfute les accusations de son collègue et demande l’introduction d’une proposition de résolution conjointe sous leurs deux signatures afin que leurs immunités parlementaires soient levées.
« Je ne suis pas actionnaire dans une quelconque société qui fait affaire avec GEMALTO et je n’ai retiré aucune somme dans le compte indiqué dans sa lettre ouverte », a déclaré Karimou Chabi-Sika, lors d’un point de presse à Parakou.
Mais les arguments du député proche du Président Boni Yayi sont loin de convaincre l’opinion publique.
Le communiqué de la Présidence de la République révèle que le député Ahossi aussi n’est pas blanc comme neige dans le scandale financier du Cos-Lépi.
Le document indique que l’inspection diligentée par le Ministre en charge des Finances a bien noté l’existence de problèmes de gouvernance au sein de COS-LEPI par rapport à la location par certains membres du COS-LEPI de leurs propres véhicules à des prix élevés. « Monsieur AHOSSI n’est pas épargné car semble t-il, il a loué un groupe électrogène à COS-LEPI à travers « OPEN-VISTA TECHNOLOGY » dirigé par son frère. Ce groupe électrogène ne fonctionne pas et pourtant le loyer est régulièrement perçu », précise le communiqué signé par Inès Aboh Houessou, Secrétaire Générale du Gouvernement.
Selon des sources dignes de foi, plusieurs autres députés membres du Cos-Lépi seraient aussi mêlés à des malversations et des détournements au sein de l’institution.
Plus de 13 milliards de francs CFA ont été débloqués par le gouvernement pour la correction et l’actualisation de la Lépi. Malgré cela, des agents ayant travaillé pour le Cos-Lépi sont restés impayés jusqu’à ce jour.
Voilà un dossier intéressant pour le Front des organisations nationales contre la corruption (Fonac), l’Autorité Nationale de Lutte contre la Corruption (Anlc), l’Inspection générale d’Etat (Ige) et la Haute Cour de Justice.
Au cas où ces malversations et détournements seraient avérés, les élus du peuple impliqués dans ce scandale pourraient voir leur candidature invalidée aux prochaines élections.
Ce scandale vient s’ajouter à la longue liste de ceux qui ont terni l’image de la gouvernance du pays au cours des neuf dernières années. Il s’agit de affaires Cen-Sad, Icc-Services, Centrale thermique de Maria-Gleta, Lépi 2011, Port sec de Tori, Construction du nouveau siège du Parlement, PVI-Ng, Sodeco, Machines agricoles, Avion présidentiel, Dangnivo, Martin Assogba, Juge Coovi et autres.