Par VIRGILE AHISSOU
Après la publication de la lettre accusatrice du député béninois de l'opposition, Comlan Léon Basile Ahossi, le mis en cause, Karimou Chabi Sika, a fait parvenir à Afrika 7 une lettre dans laquelle il se défend des accusations portées contre lui, dénonçant au passage des manœuvres politiciennes. Afrika 7 vous propose, en l'état actuel des informations à sa disposition, un point de la situation.
Le député Chabi Sika a retenu dans son argumentaire huit points sur lesquels il a cru devoir s'exprimer pour se défendre.
La rédaction d'Afrika 7 en a compté sept, que nous déclinons ci-après : l'accusation portant sur la détention par le député Chabi Sika d'actions à hauteur de 60% dans une société ayant contracté avec l'entreprise GEMALTO SA, basée en France; le contrat de prestation avec Gemalto SA; le rôle du député Chabi Sika dans la Commission des affaires financières du COS/LEPI; les présumées sociétés écran du député Chabi Sika; le non-paiement des ALA, CCA, Coordonnateurs et autres élus locaux; les prédations au sein de CPS/LEPI et les dessous politiques de la lettre du député Ahossi.
De l'actionnariat de Business & Enigineering
Pour ce qui est du premier point relatif aux relations entre le député Karimou Chabi Sika et la société Business Engineering Sarl, le député Ahossi affirme :
"La Société BUSINESS et ENGINEERING SARL, BP 213 Abomey-Calavi, IFU 3201100089819- a reçu un transfert de fonds de GEMALTO S.A, un opérateur technologique recruté par le COS/LEPI dans le cadre des travaux de correction de la liste."
Il précise en outre que Karimou Chabi Sika est actionnaire majoritaire (60%) au sein de cette société.
Le député Chabi Sika, dans la correspondance qu'il a envoyée à Afrika 7 explique: "Pour ma part, je ne suis pas actionnaire dans une quelconque société qui fait affaire avec GEMALTO et je n'ai retiré aucune somme dans le compte indiqué dans sa lettre ouverte."
Afrika 7 a en sa possession, des documents – un extrait du registre du Commerce et du Crédit mobilier - montrant que le député Karimou Chabi Sika est actionnaire associé de la société Business & Engineering, sise Rue Bidossessi, Abomey-Calavi, au Bénin et spécialisée, entre autres, dans les études, réalisations, transferts de technologie, achats et vente de licences de production, etc.
Toutefois, il y a lieu de noter que le député Chabi Sika, ne nie ni ne confirme explicitement être actionnaire à 60% de cette société.
Ce qu'il nie, c'est d'être actionnaire dans une [quelconque] société qui fait affaire avec Gemalto.
In fine, cela revient à dire qu'il est peut-être actionnaire au sein de Business & Engineering (chose qu'il n'a pas explicitement reconnue, ni niée, bien que nous lui ayons posé la question), mais que Business & Engineering n'est pas en relation d'affaires avec Gemalto.
Afrika 7 a contacté la société Gemalto et attend une réponse.
De l'éventuel contrat de prestation entre Gemalto SA et Business & Engineering
Le député Ahossi affirme dans sa lettre que Monsieur Ayeshoro Mahmoud Adamou a déclaré: "l’associé, monsieur Karimou CHABI-SIKA a un contrat de prestation avec GEMALTO S.A basée en France, société qui a un contrat avec l’Etat Béninois pour la correction de la LEPI".
Mais le député Ahossi ne précise pas dans quel contexte cette déclaration a été faite.
Le député Chabi Sika qualifie cette accusation de "criminelle" et "assassine" et s'interroge: "Où est la copie du contrat? Quels types de prestations devrais-je fournir à Gemalto? Quel est le montant du contrat de prestation? Mystère encore."
Afrika 7 a essayé de joindre M. Ayeshoro Mahmoud Adamou, mais ses portables sont constamment fermés.
Du rôle du député Chabi Sika dans la Commission des affaires financières du COS/LEPI
Le député Ahossi écrit dans sa lettre: "Ce qu’il est également important de retenir, c’est qu’au niveau du COS/LEPI, il a été mis en place deux commissions, l’une ayant à charge les questions d’évaluation des besoins en ressources humaines et du recrutement du personnel, la seconde devant s’occuper des questions financières ; c’est cette seconde commission, présidée par un certain Karimou CHABI-SIKA, qui a eu à soutenir en plénière, le recrutement de l’ opérateur technologique, GEMALTO S.A, et l’argument phare bien articulé par le président de la Commission est que c’est l’une des sociétés qui "nous" avaient accompagnés pendant la mise en place de la LEPI et qu’elles connaissent mieux ce dossier."
En réponse, le député Chabi Sika estime que "les Comités techniques de travail sont des structures de réflexion, d’analyse, de proposition et d’appui à l’Assemblée plénière et au Bureau du COS.
En dehors des membres du Bureau, tous les autres membres doivent faire partie des comités techniques de travail. Nul ne peut être membre de plus d’un comité.
Un membre du Bureau peut prendre part aux travaux de tout comité technique.
Les travaux de chaque comité technique sont dirigés par un Président-rapporteur élu par ses pairs.
Les conclusions des travaux des comités techniques sont adressées au Président du COS qui les présente au Bureau pour avis puis à l’Assemblée plénière pour adoption.
En cas de nécessité, le COS peut créer des groupes ad’ hoc de travail."
Il estime en outre que son "collègue [le député Ahossi, NDLR] a été mal inspiré dans ses accusations."
Des "multiples sociétés écran" du député Chabi Sika
Le député Ahossi écrit dans sa lettre: "Par ailleurs, il est à retenir que Monsieur Karimou CHABI-SIKA est l’actionnaire majoritaire de la société BUSINESS ENGINEERING SARL comme dans les multiples sociétés écran qu'il gère et qui ont la plupart des marchés dans nos ministères".
Dans sa réponse, Chabi Sika écrit:
"Lorsqu'on parle de multiples sociétés écran, le minimum pour la crédibilité des accusations est d'en citer tout au moins deux. Les cadres des ministères connaissent bien ceux qui ont de multiples sociétés écran dans le pays. Ceux-là ne gênent pas les intérêts politiques de Monsieur AHOSSI pour mériter d'être cités. Il n'est pas un moralisateur de la vie publique, mais bien un politicien enragé qui veut à tout prix me régler des comptes."
Afrika 7 a consulté des documents authentifiés dans lesquels la société Business & Engineering, répondant à un avis d'appel d'offres, est représentée, entre autres, par le député Chabi Sika. Il ne peut néanmoins être établi, sur la base de ces documents, que le député dispose de plusieurs sociétés écran "qu'il gère et qui ont la plupart des marchés dans nos ministères." La validité d'une telle accusation ne peut être établie que par une commission d'enquête dûment mandatée et dotée de pouvoirs d'investigation.
Du non paiement des Commissaires Communaux d’Actualisation (CCA), Agents Locaux d’Actualisation (A.L.A) et autres coordonnateurs et élus locaux associés.
Dans sa lettre ouverte, le député Ahossi écrit: "Pendant que le COS/LEPI par des acrobaties, tourne en rond Commissaires Communaux d’Actualisations (CCA), Agents Locaux d’Actualisation (A.L.A) et autres coordonnateurs et élus locaux associés à la gigantesque œuvre de reprise totale de la LEPI, les citoyens les plus zélés, les plus méritants de votre système organisent le pillage des ressources publiques, se mettent en connivence avec des opérateurs technologiques associés au processus, opérateurs qui ont créé les pires difficultés au COS/LEPI, et offrent leur tête à couper en s’illustrant négativement dans le processus. Tout le monde sait aussi au COS/LEPI que c'est bien mon collègue Karimou CHABI SIKA qui est votre ambassadeur près le COS/LEPI, et votre dernier communiqué anti COS/LEPI honteusement lu par le Secrétaire Général du Gouvernement et appelant à la rébellion contre le COS, les structures co-gestionnaires du processus de remise en ordre du calamiteux document réalisé par votre ministre des Affaires Etrangères et pompeusement baptisé LEPI, trahit parfaitement les prises de positions de cet "honorable" député. La CPS/LEPI aurait connu les mêmes prédations, mais avec un peu plus de bonheur car les traces n’ont pas été à ce jour retrouvées en raison du temps relativement long qui nous sépare de l’évènement."
Le député Chabi Sika répond ainsi à ces accusations:
"Toutes les insuffisances du COS/LEPI sont du fait de Karimou CHABI-SIKA. Mesdames et Messieurs les ALA, CCA, Coordonnateurs et autres élus locaux, le pécheur est désormais identifié. C'est à cause de Karimou CHABI-SIKA que vous n'êtes toujours pas payés. Il va falloir définitivement lui couper la tête pour que la République se transforme en paradis terrestre. Mais pardonnez, après le verdict du juge. Etat de droit oblige!"
Des prédations à la CPS/LEPI
Dans sa lettre, le député Ahossi écrit:
"La CPS/LEPI aurait connu les mêmes prédations, mais avec un peu plus de bonheur car les traces n’ont pas été à ce jour retrouvées en raison du temps relativement long qui nous sépare de l’évènement."
Cette accusation ne vise pas directement le député Chabi Sika, mais ce dernier choisit quand même d'y répondre ainsi:
"Mon brave collègue écrit, citation:
Le volume d’affaires avec GEMALTO S.A. est estimé à plus de Deux Cent Millions (200.000.000) de francs CFA, attendus dans le cadre de la réalisation de la LEPI.
C'est vrai que mon collègue, ex-membre à part entière de CPS/LEPI, a contribué à sa façon à la réalisation de la LEPI. Monsieur AHOSSI sait très bien que les interventions de GEMALTO S.A. ont été gérées à travers le panier commun des interventions des partenaires au développement et du Gouvernement. A quel titre et par quel mécanisme aurais-je pu faire un tel chiffre d'affaires? J'ai du mal à suivre le déferlement de la méchanceté!"
Les dessous politiques de l'affaire
Le député Chabi Sika, bien avant le président de la République, a écrit: "J'ai commis l'outrecuidance de soutenir un mouvement politique membre FCBE dans la Commune d'Athiémé. La construction du pont sur le fleuve Mono est le principal cheval de bataille de ce mouvement politique. Les descentes incessantes du Dr. Boni YAYI ont fini par emporter la rage d'en découdre avec moi. Le peuple a besoin de savoir plus sur cette affaire rocambolesque. La justice de mon pays l'y aidera. Même si certains compatriotes me reprochent d'être favorable aux lois liberticides, je crois moi que la justice béninoise me rendra justice."