Accueil    Shopping    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Benin    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article



 Titrologie



La Presse du Jour N° 2312 du 2/2/2015

Voir la Titrologie

  Sondage



 Nous suivre

Nos réseaux sociaux



 Autres articles



Comment

Société

Affaire Ahossi-Chabi Sika : Le juge Houssou appelle Yayi à déférer le dossier devant la justice
Publié le mardi 3 fevrier 2015   |  La Presse du Jour




 Vos outils




Suite à la lettre ouverte de l’honorable Léon Comlan Ahossi sur un délit d’initié au Cos-Lépi et avec la réaction de la présidence de la République, le juge Angelo Houssou a, à son tour, adressé une lettre ouverte au Chef de l’Etat dans laquelle il exprime son regret de ne jamais voir la justice se charger des nombreux scandales sous le pouvoir en place depuis 2006. Au sujet de l’affaire Ahossi-Chabi Sika, le juge demande à Yayi de la déférer devant la justice béninoise. Lire la lettre.

Lettre ouverte à son Excellence Monsieur le Président de la République
Excellence Monsieur le Président de la République,
C’est un devoir quasi sacré pour tout citoyen de saisir le chef de l’Etat quand la République est en péril. Oui, notre pays est, aujourd’hui plus qu’hier, menacé par le cycle infernal des scandales financiers et les actes de parjure commis par des hommes et femmes choisis par le peuple pour le diriger. Le dernier scandale en date est celui révélé par le député Léon Basile Comlan AHOSSI dans la lettre qu’il vous a adressée en septembre 2014 et dont il a récemment publié le contenu à la face du monde.
Cette lettre met en cause l’un de vos plus proches alliés et parents, le député Karimou CHABI-SIKA. Les faits dénoncés par le député AHOSSI, dont je salue ici le courage politique, sont d’une gravité qu’aucun gouvernement soucieux de transparence ne saurait cautionner. Le sulfureux scandale dit CHABI-SIKA est une occasion pour votre gouvernement de montrer sa bonne foi dans la lutte sans parti pris contre la corruption. Au contraire, aussi curieux et paradoxal que cela puisse paraître, la Présidence de la République, la plus haute administration du pays, s’est plutôt écartée de l’essentiel en rétorquant au député AHOSSI par un texte atypique aux allures de lettre vengeresse empreinte de représailles à peine voilées. Votre réplique, endossée maladroitement par Madame Inès ABOH HOUESSOU, n’honore pas l’institution et l’autorité que vous êtes censé incarner. Elle a, au contraire, sur l’échiquier international, jeté du discrédit sur notre pays en le couvrant davantage de ridicule.
Excellence Monsieur le Président de la République,
Le communiqué de la Présidence a manqué de hauteur et d’élégance administratives. Surtout, il a raté l’occasion historique d’effrayer les doigts cupides habitués aux attouchements indécents sur les caisses publiques. Plutôt que de s’embarrasser de questions de forme et de politesse, votre gouvernement se doit de se hâter de faire cesser, par tous moyens, les faits de malversation commis au préjudice de l’Etat et portés à sa connaissance. C’est ce pourquoi vous avez été élu par le peuple. C’est d’ailleurs le sens de votre serment. L’attitude contraire serait synonyme de parjure et de complicité.
La lettre ouverte du député AHOSSI,la réaction du député Karimou CHABI-SIKA ainsi que le communiqué de la Présidence de la République, révèlent, s’il en est encore besoin, l’ampleur du pillage des ressources nationales et l’immense défi que Exécutif et Judiciaire doivent relever pour mettre fin à l’impunité dans notre pays.
Personne n’est dupe de la libre prédation à laquelle sont habitués certains citoyens chargés d’une fonction publique ou élus à une fonction politique. Personne n’est non plus surpris de la honteuse couverture dont jouissent ces hommes du fait du silence coupable de votre régime censé pourtant protéger les caisses publiques et mettre les délinquants économiques et financiers hors d’état de nuire !
Excellence Monsieur le Président de la République,
Si de tels agissements qui ont fini par mettre à terre le pays ne constituent plus une surprise, je peine cependant à m’habituer à la douleur que m’inflige l’incidence de ces inconduites sur la misère des populations. Quand allons-nous réaliser qu’un franc détourné éloigne nombre de nos concitoyens de l’accès aux services sociaux de base ?
La corruption est une gangrène qui a envahi tout le corps social : tout autant elle est au cœur de nos ménages, elle a perverti le fonctionnement de nos institutions. Comment y mettre fin ? C’est la préoccupation majeure aujourd’hui, Monsieur le Président de la République. Et il n’y a pas à fixer de date pour commencer à sévir. C’est maintenant qu’il faut commencer !
Excellence Monsieur le Président de la République,
En 2007, vous avez choisi de marcher contre la corruption au Bénin. Cet événement jamais enregistré sous le règne et la houlette d’un chef d’Etat de notre pays a donné de l’espoir au peuple. En vain. C’est pourquoi, je voudrais vous proposer désormais de marcher sur ce phénomène destructeur sans lequel vous auriez eu des ressources non négligeables pour construire durablement le Bénin. Marcher sur la corruption, c’est de systématiser la punition qui décourage et les délinquants d’aujourd’hui et ceux de demain. Or, c’est sur ce segment de la punition que votre régime a montré toute son incurie, traînant les scandales financiers comme un boulet. On en perd le souvenir et son latin quand on commence par citer les crimes économico-financiers sur lesquels nous attendons que votre gouvernement déclenche une procédure ferme :
– L’odieux gâchis de Maria-Gléta dont les auteurs circulent librement sur les pavés de Cotonou ;
– Les contrats abjects liés à la construction des routes : Parakou-Djougou (lot 1) ; Comè-Lokossa-Dogbo ; Savalou-Tchetti-frontière du Togo ; Logozohè-Glazoué ; Bodjécalli-Madécalli-Illoua-frontière du Nigéria (Lot 2) ; Akassato-Bohicon dénoncés par les syndicats des Travaux publics ;
– Les malversations des maires, dont la majorité provient des rangs des FCBE, dénoncées par l’Inspection Générale d’Etat et récemment encore par une commission d’enquête parlementaire ;
– La scandaleuse passation de marchés publics à la SOBEMAP révélée par le FONAC en mai 2014 ;
– Les concours frauduleux à la fonction publique annulés sous la pression des centrales syndicales ;
– Les affaires liées à la gestion de la CCIB par un cacique de votre régime où le délit d’initié et la surfacturation ont régné en maîtres ;
– Les machines agricoles où l’auteur des faits qui s’est réfugié à l’Assemblée Nationale, y est devenu le chef de file des députés de la mouvance et surtout défenseur de son collègue Karimou CHABI-SIKA,
– Etc.
Excellence Monsieur le Président de la République,
Dans toutes ces affaires dont le listing souffre de notre faiblesse à garder l’ignoble en mémoire, peu de gens ont été véritablement inquiétés. Votre gouvernement se doit de déférer ces affaires à la justice et donner à cette dernière les moyens et la paix pour situer le peuple et placer les auteurs devant leur incontournable responsabilité.
Nous ne savons pas pourquoi, le gouvernement, à chaque saison de scandale, nous donne l’impression, par son silence et sa tendance à amuser la galerie, d’être le commanditaire du crime ou d’en être le parfait complice. Nous ne savons pas pourquoi…
Aujourd’hui, Excellence Monsieur le Président de la République, le peuple béninois est encore pessimiste d’autant plus qu’aucune lumière ne sera faite sur l’affaire Karimou CHABI-SIKA ni sur celle où votre propre administration met en cause le député Léon Basile Comlan AHOSSI. Le peuple a encore peur que rien ne sera fait ou que tout sera fait pour que les choses en restent là. Voilà l’une des horreurs qui justifient l’urgence d’une véritable rupture ! Sans cette rupture, le Bénin périra ! Mais conforté par l’opinion grandissante d’une masse critique de Béninois, je voudrais vous assurer et vous rassurer que nous ne laisserons jamais notre cher et beau pays que nous aimons d’un amour sans partage, périr de la goinfrerie de quelques-uns. La lutte contre la corruption est possible ; elle peut donner des résultats pour peu que votre gouvernement décide de sévir et de s’allier à la Justice de façon indéfectible. Si vous voulez rentrer dans l’histoire comme Thomas SANKARA, Jerry RAWLINGS, etc. soyez intraitable voire impitoyable avec ceux qui utilisent leur génie pour distraire le patrimoine commun.
Veuillez recevoir, Excellence Monsieur le Président de la République, l’expression ma très haute considération.

New York, le 31 janvier 2015
Juge Angelo D. HOUSSOU

 Commentaires