A l’Office de radiodiffusion et de télévision du Bénin (Ortb), plus rien ne va. La liberté de presse est sévèrement menacée et toute personne qui ose lever le ton dans cette maison (télévision nationale) est systématiquement ‘’assommer’’. Mais, Prévert Noutéhou et Ozias Sounouvou, tous deux, journalistes au sein dudit office, ont accepté se sacrifier pour que cette chaîne de service public retrouve sa liberté.
Ils sont visiblement prêts à tout pour que le peuple béninois et les compatriotes qui paient régulièrement des taxes pour le compte de l’Ortb se sentent fiers de cette maison.
Selon des proches aux journalistes Prévert Noutéhou et Ozias Sounouvou de la télévision nationale, ils sont sereins et comptent sur leurs collègues, leurs confrères et consœurs, et tout le peuple béninois pour les aider à gagner ce ‘’combat’’. Ils ont dit ne pas être ébranlés par cet acte de leur responsable. Si c’est pour sortir cette chaîne de la ‘’patte’’ du Pouvoir, les journalistes victimes se disent prêts.
Contacté hier, lundi 2 février 2015, l’un des deux confrères de l’Ortb a confirmé leur suspension de la présentation du journal télévisé sur la chaîne nationale. « J’étais en congé et j’ai repris lundi. La Rédactrice en chef m’appelle et me dit qu’elle va me sortir de la liste de ceux qui présentent le journal de 20h, sur l’Ortb. Je lui ai demandé la raison, mais elle m’a dit qu’elle doit le faire et qu’elle me positionnera sur n’importe quelle autre édition du Jt. A mon tour, je lui ai dit que je ne me reconnais pas avoir commis une faute professionnelle et je ne sais pas ce que j’ai fait pour que cette décision soit prise dès ma reprise. Effectivement, elle affiche la programmation, sans mon nom ». D’autres journalistes de la télévision nationale ont également confirmé qu’il y a eu une telle décision et qu’en conférence de rédaction, le sujet a été évoqué. La Rédactrice en chef a répété qu’elle « devait le faire », sans évoquer une raison valable. Il en a été de même pour Ozias Sounouvou qui manque son nom sur la programmation des présentateurs affichée à la rédaction de la télévision nationale. Renaud Akakpo, également journaliste de la même chaîne, a été soustrait de la liste des présentateurs depuis longtemps. Nos sources indiquent qu’on l’avait enlevé suite à une situation intervenue entre lui et les responsables de l’Office. En effet, on apprend qu’il avait été informé tardivement qu’il devait animer une émission alors qu’il était programmé le même jour à l’édition du journal. Son intervention pour modifier la disposition sur le plateau de l’émission a entraîné un retard. C’était au moment où Komi Koutché était ministre de la Communication. Sa ‘’sanction’’ a été immédiate. Wabi Boukari, directeur de la télévision nationale, tient une séance ce jour pour apprécier la situation de ses collègues, apprend-on de sources proches de l’Ortb.
Pour rappel, les journalistes Noutéhou, Sounouvou et Akakpo sont ceux qui n’ont pas caché leurs impressions à propos de la participation du Chef de l’Etat à la marche de Paris pour dénoncer l’attaque contre ‘’Charlie Hebdo’’. Ozias Sounouvou qui a lancé un vibrant appel en direct, lors de la présentation du Jt, à l’époque est aussi intervenu dans un organe de presse étrangère (Afrika 7) pour justifier son acte. Prévert Noutéhou a aussi répondu aux questions de Rfi pour maintenir sa position tranchée sur cette affaire. Bien avant cela, il était dans le viseur de ses responsables pour avoir posé des questions professionnelles à deux invités (Le ministre Valentin Djènontin dans l’affaire Yayi-Talon et Eugène Azatassou, dans une crise Fcbe-opposition) en direct dans le journal télévisé. Leur retrait de la liste de présentation du Jt soir sur la chaîne du service public intervient quelques semaines après cette situation dans laquelle ils ont eu le soutien de leurs collègues de l’Ortb.
La position du syndicat de l’Ortb
Interrogé par téléphone, dans la journée d’hier, Angelo Amoussou, responsable du syndicat de l’Ortb, a dit n’avoir connaissance d’aucune décision supprimant les noms de ses collègues de la liste des présentateurs du Jt. « C’est vous qui m’informez. Mes collègues concernés ne m’ont rien dit. J’étais au comité de direction (Codir). Aucune décision du genre n’a été prise. Je suis rédacteur en chef à la radio nationale. Ce que je sais, la programmation se fait de façon hebdomadaire. Ce ne sont pas ces collègues-là, seulement qui présentent le journal télévisé. Je crois qu’on doit se patienter d’abord avant toute réaction », nous a-t-il confié. Il a rassuré de ce que le syndicat réagira si cette décision était officielle et vérifiée.
Selon certaines indiscrétions, le syndicat des travailleurs de l’Ortb semble garder le silence sur cette affaire d’équilibre de l’information revendiquée par les journalistes de la télévision nationale. « Nous avons compris que le syndicat se montre plus proche de l’administration que des travailleurs de l’Ortb. Nous avons donc fait l’option de ‘’collectif’’ pour nous défendre », a déclaré un journaliste, ayant requis l’anonymat. A la question de savoir pourquoi cette ‘’position’’ du syndicat, le même confrère a répondu que personne ne sait réellement ; mais, a rappelé qu’au moment où le syndicat était en mouvement, il a été reçu par le président de la République. Celui-ci, qui, dans les négociations, a accepté la mise en œuvre de la convention collective de cet Office et a souhaité ne jamais entendre parler de cette affaire d’équilibre et de débats contradictoires. Le syndicat a-t-il échangé l’application de la convention collective contre le déséquilibre de l’information à la télévision nationale ? Seuls les responsables peuvent répondre à cette question.
Mobilisation nécessaire de toute la presse et du peuple
Dans ce dossier, le combat que mènent les journalistes Noutéhou, Sounouvou et Akakpo ne doit pas être négligé. Le collectif de l’Ortb joue déjà sa partition. Mais, il reste l’implication effective des syndicats des autres organes du service public, les associations professionnelles des médias et tous les acteurs des médias béninois. L’implication des acteurs de la société civile doit aussi être systématique. « L’Ortb est pour le peuple béninois et nul n’a le droit d’y imposer sa main-mise. Le combat est populaire et, nous avons besoin d’être soutenu », a lancé un des journalistes victimes.
D’après nos informations, une marche de protestation est prévue pour le mercredi 4 février 2015 par des syndicalistes sur l’Ortb. Les travailleurs veulent réclamer leurs droits à des informations équilibrées. Dans le rang des médias, certains s’organisent déjà pour se faire entendre. Le président de l’Union des professionnels des Médias du bénin (Upmb), contacté, a dit qu’il préfère rentrer de son voyage avant d’aller à l’Ortb, s’enquérir de la situation réelle et voir ce qu’il y a lieu de faire.
Félicien Fangnon