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Interview exclusive du Directeur du FITHEB, Pascal Wanou: « A part le ministre de la culture, personne n’a le rapport de l’IGM qui m’accuse »
Publié le mercredi 10 juillet 2013   |  L`événement Précis


Le
© Autre presse par DR
Le Directeur sortant du Festival international de théâtre du Bénin (FITHEB) Pascal Wanou


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Dans cette interview exclusive, le directeur du FITHEB, Pascal Wanou exprime sa part de vérité. Il dit par exemple qu’il n’a jamais vu le rapport de l’Inspection générale du Ministère de la culture (IGM/MCAAT) qui l’accuse de malversations. Révélations…
L’Evénement Précis : Après deux mandats accomplis à la tête du Fitheb, on vous accuse de ne pas présenter un bilan. Pourquoi ?
Pascal Wanou : Merci de m’avoir donné l’opportunité de dire un certain nombre de vérités sur tout ce qui se raconte sur moi. Tout le monde parle, même des gens qui ne connaissent rien du festival parlent. Tout le monde se focalise sur moi pour me discréditer. L’objectif, c’est de tout faire pour me disqualifier, c’est-à-dire le directeur candidat à sa propre succession que je suis. Tout ce qui se dit, donc, se résume en réalité à cela. Sinon, il n’y a aucun problème qui se pose au FITHEB.
Mais le rapport que vous avez présenté il y a quelques jours au Conseil d’administration a été rejeté à l’unanimité par les administrateurs. Ça, par exemple, c’est un problème. Qu’en dites-vous ?
Je rectifie. Le Conseil d’administration n’a pas rejeté mon rapport. Il ne peut d’ailleurs pas en être autrement parce que le Conseil d’administration ne peut rejeter un rapport d’édition. Il faut que les gens comprennent quelque chose. Le rapport de l’édition est un ensemble. Dans la présentation du rapport, il y a la partie technique et la partie financière. Pour quelque raison que ce soit, le Conseil ne peut pas dire qu’il rejette le rapport parce que, ce faisant, il se mettra lui-même en porte à faux avec ses propres décisions antérieures. Comme je vous l’ai dit précédemment, il y a la partie technique et la partie financière dans la présentation du rapport. Dans le partie technique, on y met tout le déroulement des activités de l’édition, depuis les activités en amont jusqu’aux activités en aval. Il y a donc les différentes appréciations qu’on peut faire de l’édition et les différents partenaires qui y ont participé. Bref, le bilan qualitatif de l’édition. Ensuite, découle de cette partie, le bilan financier. On ne peut donc pas dire, tout de go, qu’on rejette tout le rapport.
Quel est alors, selon vous, le vocabulaire approprié pour qualifier l’acte des administrateurs ?
Le problème qu’il y a eu, c’est que la partie bilan financier du rapport souffre quelque peu. Je vous l’explique. Et c’est sur cela que tout le monde se focalise aujourd’hui. Je vais clarifier les choses. Le bilan financier de l’édition 2012 du FITHEB accuse encore, à la date d’aujourd’hui, un gap financier. De quoi s’agit-il exactement ? Le gap financier, c’est un déficit de ressources, c’est-à-dire que les ressources attendues pour financer les activités de l’événement se sont révélées, en fin de compte, insuffisantes pour couvrir toutes les dépenses engendrées par l’édition. Ce n’est donc ni de la mauvaise gestion, ni une malversation financière, ni un détournement un fonds.
Qu’est-ce qui explique donc, selon vous, ce gap financier ?
Je vais vous l’expliquer. Les ressources de l’édition 2012 du FITHEB sont constituées de la subvention du gouvernement béninois et des apports des différents partenaires tant locaux qu’internationaux. Comme vous le savez, nous sommes dans l’événementiel. Il y a donc eu des accords de principe de la part des partenaires et des sponsors. Je crois que vous vous rappelez, vous journalistes, qu’à un moment donné de mon point de presse lors de l’organisation du FITHEB 2012, j’avais indiqué que le financement est bouclé à plus de 95% du budget. C’est parce que la plupart de nos partenaires ont donné leur accord de principe pour le financement de l’événement. C’est pour vous dire que généralement, nous fonctionnons sur la base de promesses. Elles peuvent être écrites tout comme elles peuvent être orales. On considère donc leur accord de principe comme des acquis. C’est donc comme ça que cela fonctionne dans toutes les grandes instances de mobilisations de ressources. Ce qu’il y a eu donc, c’est que la plupart de ceux qui ont promis nous appuyer financièrement n’ont pas encore viré les fonds promis. Il y a en a qui l’ont fait partiellement, ce qui veut dire qu’il reste encore des soldes à percevoir d’eux. Il y en a qui, malheureusement, n’ont pas du tout réagi. Voilà donc comment le gap financier dont on parle s’est constitué.
De source proche du Conseil d’administration, on parle de plus de 50 millions de gap financier. Au niveau des sources proches de l’Inspection générale du Ministère de la culture, on parle plutôt de plus de 25 millions de gap. Combien reconnaissez-vous exactement comme gap financier ?
Avant d’en arriver là, je vous expliquerai davantage ce que j’ai commencé. Alors, quand le gap a été constaté, il était donc question de continuer à faire pression sur les partenaires qui ont donné leur accord de principe afin de mobiliser de nouvelles ressources. Si le partenaire qui avait donné au départ son accord de principe avait dit, par la suite, qu’il ne peut plus honorer ses engagements, qu’est-ce qu’on pourrait faire contre lui ? Lui intenter un procès ? Vous ne pouvez pas. Il a promis et à la fin il dit qu’il ne peut plus. Vous comprenez avec moi que dans ces conditions, ça vous crée des problèmes. C’est ce qui a donc fait que l’étude du rapport a trainé. Ce qui s’est passé, c’est qu’au finish, le Conseil a constaté qu’il y a véritablement eu des difficultés. Mais puisqu’on ne peut pas continuer de trainer sur l’adoption du rapport, le Conseil d’administration a déclaré finalement ne pas pouvoir approuver le rapport en l’état. Les gens font donc exprès de couper les bouts de phrase pour semer la confusion. En l’état, cela veut dire qu’il y a un gap à combler. Ce qui veut dire qu’il y a encore des actions à mener pour mobiliser les ressources et le Conseil en a donc pris acte. Mais, face à cela, les mauvaises langues racontent partout que c’est parce que j’ai détourné de l’argent que je construis des immeubles partout à Cotonou et que j’ai acheté une série de véhicules haut de gamme que le rapport a été rejeté. Et c’est dans les médias que les gens racontent tout ça sans aucune preuve. C’est justement pour mieux comprendre ce qui se passe réellement que l’autorité de tutelle nous a envoyé l’Inspection générale du Ministère pour auditer notre gestion. Ce qui est à mon avis légitime. C’est comme ça que nous avons reçu l’IGM qui, munie de son ordre de mission, a fait son travail. Nous avons mis à sa disposition, toutes les pièces comptables des éditions 2010 et 2012 du FITHEB. Il s’agit des pièces liées non seulement à l’utilisation des fonds qui nous ont été alloués par l’Etat béninois, mais également ceux des partenaires étrangers.
Qu’est-ce qui s’est passé par la suite ?
L’Igm a pris son temps pour étudier, pièces par pièces, les documents que nous lui avons transmis. Elle est même allée au-delà du délai qu’on lui a prescrit dans l’ordre de mission. Mais le problème, c’est qu’une telle mission est aussi réglementée. Et lorsque vous ne respectez pas cette réglementation, votre mission tombe sous le coup de la loi.
Qu’est-ce que cela veut dire concrètement ?
Cela veut dire simplement que l’Inspection générale du Ministère a mal conduit sa mission.
En quoi faisant ?
On a mis à sa disposition toutes les pièces qui justifient les dépenses que nous avons effectuées. Il revient donc à la mission de vérifier pièce par pièce. Et quand on ne comprend pas une pièce, on interpelle pour le besoin d’explications. L’IGM a d’ailleurs la latitude d’interpeller tous les prestataires du FITHEB pour vérifier les factures que nous avons mises à sa disposition. A la fin de la mission, l’IGM devra faire un relevé de ses observations, des dysfonctionnements notés qu’elle devra m’adresser. Légalement, je dispose d’un délai raisonnable pour présenter mes contre-observations. A ma dernière audition, la mission de l’IGM même me l’a dit. Elle m’a dit que j’aurai 15 jours pour produire mes contre-observations sur les points qu’elle m’aura indiqués. On en était là quand le Conseil d’administration, conformément à ses prérogatives, a pris la décision de lancer les appels à candidature pour l’élection du nouveau Directeur du FITHEB. C’était en tirant leçon de ce qui s’est passé en 2010. En tant que journaliste culturel, vous le savez. C’est à deux mois de l’organisation du festival que j’ai pris fonction en tant que nouveau Directeur élu à l’époque. C’est donc pour éviter qu’une telle situation se reproduise que le Conseil d’administration a pris sur lui la décision de faire les choses à temps cette fois-ci.

En résumé, qu’est-ce que l’IGM vous reproche ?
J’y arrive. Dès que l’appel à candidatures est lancé, selon les textes statutaires du FITHEB, il est notifié à l’autorité de tutelle qu’est le ministre de la culture qui, dans un délai de deux semaines, donne son avis. S’il ne dit rien dans ce délai, cela suppose qu’il n’a pas d’objection par rapport au processus. Et c’est ce qu’il a fait. Il n’a donc pas réagi à la notification de l’appel à candidatures qui lui a été faite par le Conseil d’administration. Ce qui a fait que le Conseil d’administration a publié son appel à candidatures conformément aux textes. Subitement, à 48 heures de la clôture du dépôt des dossiers, le ministre appelle pour dire qu’on arrête le processus. Donc, on ne doit plus dépouiller les dossiers de candidatures comme le prévoient les textes. L’argument évoqué, c’est qu’il y a un rapport de l’IGM sur la gestion du FITHEB. Et c’est justement là où le bât blesse.
Comment ?
Je vous le dirai. C’était le lundi 13 mai que le dépouillement des plis des dossiers de candidatures devrait être fait. Le vendredi 10 mai, à midi, remarquez-le bien, l’IGM m’envoie une lettre pour me notifier les dysfonctionnements observés par sa mission. Elle me dit que j’ai jusqu’à lundi midi, c’est-à-dire le 13 mai où les dossiers seront dépouillés par le Conseil d’administration pour déposer mes contre-observations. Voyez-vous-mêmes. Vendredi midi, lundi midi. Ce même lundi, à 18 heures, le ministre de la culture devrait rencontrer les membres du Conseil d’administration. Faites bien la lecture vous-même. C’est là je me suis étonné de ce qu’au lieu de deux semaines, on me donne 24 heures pour produire mes contre-observations. Et dans le listing des observations qu’on m’a faites, on ne me donne aucune référence pour me situer. C’est de là que, sur le champ, j’ai écrit à l’IGM pour lui rappeler que comme il me l’a promis, je dois disposer d’un délai de deux semaines pour produire mes contre-observations. C’est donc le délai raisonnable que la loi me donne.
Quelle réponse vous a-t-elle donné ?
Elle ne m’a pas répondu. On en était là quand le lundi 13 mai à 18 heures, le ministre avait demandé à rencontrer les membres du Conseil d’administration et moi-même. C’est à cette rencontre là que subitement, le ministre sort le rapport de l’IGM et l’exhibe devant tous les administrateurs pour leur dire qu’il a un rapport accablant sur la gestion de l’institution par le Directeur du FITHEB que je suis. Ensuite, il leur a dit qu’il ne pouvait pas avoir une telle chose et rester les bras croisés. C’est de là qu’il a demandé qu’on aille en journée de réflexion à Grand Popo pour réfléchir sur l’avenir du FITHEB. C’est ce même jour qu’il a demandé aux membres du Conseil d’administration d’arrêter le processus d’élection du nouveau directeur en attendant les recommandations des assises de Grand Popo tout en commettant un huissier pour réceptionner les dossiers reçus.

De façon résumée, que vous reproche l’IGM ?
Il y a d’abord eu des observations sur la nature et le fonctionnement de l’institution par rapport aux textes qui la régissent. Elle a donc incriminé un certain nombre de dispositions de ces textes-là. Rappelez-vous. Le décret portant statuts du FITHEB a été pris en1999. Moi, je suis venu à la tête du FITHEB en 2010. Ce qui veut dire que, par rapport à ce point, je n’ai rien inventé et je n’ai fait que suivre ce que les textes ont dit. Dans une seconde partie, l’IGM a évoqué le gap financier de 52 millions dont le Conseil d’administration parle. Ensuite, l’IGM a souligné qu’il y a certaines de mes décisions qui ne respecteraient pas les procédures établies par les textes. Elle a également parlé du non respect du principe de la concurrence et de factures gonflées, pour n’avoir pas respecté le répertoire des prix des commandes dont dispose l’Etat. C’est en réunissant tout ça qu’elle a parlé de préjudices d’environs 25 millions qui auraient été faits à l’institution. Précisément, elle parle de légèretés ayant occasionné des préjudices d’un montant d’environs 25 millions. Ce qui est aussi différent de malversations, de mauvaise gestion dont parlent les gens. Quand on fait des affirmations de ce genre et qu’on ne donne même pas la preuve de ses allégations, on doit donc souffrir que celui que l’on incrimine dispose du temps nécessaire pour vous répondre et apporter les preuves contraires. Les membres n’ont même pas attendu de recevoir mes contre-observations et déjà, le ministre brandit le rapport. Il y a un problème. Aucun rapport n’est valable s’il ne contient les contre-observations de la personne auditée.

Que comptez-vous faire alors ?
Je constate d’abord qu’il y a une cible désignée à abattre. C’est donc ma personne. Comme on le dit, pour noyer un chien, il faut l’accuser de rage. Parce qu’il y a eu trop d’acharnement contre ma personne. L’une des preuves, c’est qu’aussitôt la rencontre du ministre avec le Conseil d’administration finie le 13 mai, le 15, le ministre m’envoie une lettre portant recommandations de la mission de l’IGM et on me demande de rembourser la somme que l’IGM met sur mon compte.
Qu’avez-vous répondu à cette lettre du ministre de la culture ?
Je vais rembourser sur la base de quoi ? Puisque je n’ai même pas eu le document par lequel on m’accuse. Je veux parler du prétendu rapport de l’IGM.
Je ne comprends pas. Voulez-vous dire que vous n’avez pas reçu le rapport de l’IGM qui a audité votre gestion ?

C’est bien cela que je vous dis. Jusqu’à la date d’aujourd’hui, je n’ai pas le rapport de l’IGM à ma disposition pour comprendre réellement ce qu’on me reproche. Pire, j’ai saisi le Conseil d’administration qui est l’organe suprême du FITHEB pour me plaindre de cela. Le Conseil d’administration lui-même a saisi le ministre par écrit pour lui demander de lui produire la copie du rapport. Jusqu’à ce jour, le Conseil d’administration qui est, selon les statuts du FITHEB, l’organe suprême de l’institution ne l’a pas reçu. Ce qui veut dire que personne, à part le ministre, n’a ce prétendu rapport. A partir de ce moment là, comment voulez-vous que je réagisse par rapport à la lettre du ministre qui me demande de rembourser les prétendus préjudices que j’aurais occasionnés ? Malgré tout ça poliment, j’ai quand même produit mes contre-observations sur les points de dysfonctionnement soulignés par l’IGM qui m’ont été envoyés à travers une lettre. J’en ai fait ampliation au ministre lui-même tout en dénonçant le fait qu’on ne m’ait pas permis de produire dans les règles, mes contre-observations. Et ça, personne n’en tient compte. Et on continue toujours de parler de rapport accablant. En quoi le rapport est alors accablant au regard de ce que je viens de vous expliquer ?

Malgré cette vague de polémiques, vous avez encore décidé de déposer votre candidature alors que vous avez déjà fait deux mandats. Qu’est-ce qui motive alors votre candidature ?
C’est vrai qu’en janvier prochain, je vais boucler mes deux mandats à la tête de l’institution. Mais si on doit dire vrai, j’ai initié pas mal de choses pendant mon mandat. Et si des gens doivent être honnêtes, ils doivent pouvoir me reconnaître cela. Je suis donc candidat pour poursuivre les actions que j’ai engagées pour le rayonnement du FITHEB.
Vous avez tantôt dit qu’il y a de l’acharnement contre vous tout simplement parce que vous déposez votre candidature pour briguer un nouveau mandat à la tête de l’institution. Pourquoi ne retirez-vous pas votre candidature pour calmer le jeu ?
Pourquoi justement, ça devrait être ça ? Si ce n’est pas de la méchanceté gratuite, pourquoi ma candidature doit gêner si tant ? Les gens ne sont soucieux que d’une seule chose. C’est le fauteuil, parce que tous disent qu’au FITHEB, il y a à manger. Et ils ne voient que ça.

Depuis quelques jours, le processus d’élection du nouveau directeur a été suspendu. Quel appel avez-vous à lancer au ministre et aux acteurs du théâtre ?
Je voudrais demander que tous les acteurs culturels, les cadres du Ministère de la culture et notre autorité de tutelle respectent les textes qui régissent le FITHEB ; parce que la vérité, c’est le non respect des textes qui crée des problèmes au FITHEB. Même si ces textes sont mauvais, je pense qu’il faut les respecter, quitte à les améliorer après.

Entretien réalisé par Donatien GBAGUIDI

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