La Journée internationale contre les Mutilations génitales féminines (MGF) est célébrée le 6 février de chaque année. Elle constitue une occasion pour prendre conscience des menaces de ces pratiques sur la santé des femmes. Le Bénin fait partie des pays qui s’inscrivent dans la lutte contre le phénomène.
A l’instar de la communauté internationale, le Bénin a commémoré vendredi 6 février dernier, la Journée internationale de la tolérance zéro aux Mutilations génitales féminines (MGF/Excision). Selon le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), les mutilations génitales féminines recouvrent toutes les interventions incluant l'ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme ou toute autre lésion desdits organes qui sont pratiquées pour des raisons non médicales.
Il s’agit d’une pratique «traditionnelle et rituelle qui a des conséquences néfastes sur la santé de la jeune fille et de la femme en général, et sur son appareil reproducteur en particulier», indique la déclaration conjointe de l’UNICEF, de l’UNFPA et de la Confédération internationale des sages-femmes et la Fédération internationale de gynécologie et d’obstétrique, rendue publique dans le cadre de la commémoration de cet évènement.
Considérées comme une violation des droits des jeunes filles et des femmes, les MGF/Excision sont le reflet d'une inégalité profondément enracinée entre les sexes et constituent une forme extrême de discrimination à l'égard des femmes, renseigne la même source.
De graves conséquences
Les MGF/Excision sont dangereuses pour la santé des filles et des femmes qui les subissent. Ces pratiques violent les droits à la santé, à la sécurité et à l'intégrité physique, le droit d'être à l'abri de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que le droit à la vie lorsqu'elles ont des conséquences mortelles. En l’absence de toute nécessité médicale, elles exposent les victimes à de graves conséquences sur leur vie et leur bien-être.
Les mutilations sexuelles féminines peuvent provoquer de graves hémorragies et des problèmes urinaires, et par la suite des kystes, des infections, la stérilité, des complications lors de l'accouchement, et accroître le risque de décès du nouveau-né, relève le ministre en charge de la Famille, Naomie Azaria. En plus des traumatismes psychologiques que cela entraîne, la mutilation est souvent pratiquée à l’aide d’instruments rudimentaires et sans anesthésie. Il peut engendrer chez les femmes des complications telles que des douleurs, un état de choc, la stérilité, des difficultés pendant les règles et l'accouchement et même la mort.
L’OMS estime qu’il survient «entre un et deux décès périnatals supplémentaires pour 100 accouchements chez les enfants nés de femmes ayant subi ces pratiques».
Pour le Fonds des Nations Unies pour la population, l’éradication des MGF fait partie intégrante du combat contre les violences basées sur le genre. Ces pratiques violent également le droit à la protection face aux pratiques traditionnelles dangereuses et le droit des femmes à décider de leur propre reproduction. D’où l’engagement renouvelé de l’UNFPA, de l’UNICEF et du gouvernement béninois à poursuivre leur partenariat avec les autres acteurs pour relever le défi de la « tolérance Zéro » en cette année 2015.
Quelques approches au Bénin
Depuis quelques années, à l’occasion de la Journée internationale contre les Mutilations génitales féminines, l’Organisation des Nations Unies (ONU) et les organisations militantes dénoncent le phénomène, dont environ 125 millions de femmes à travers le monde porteraient les séquelles aujourd’hui.
Compte tenu de ses graves conséquences, le Bénin en prenant la loi 2003-03 du 03 mars 2003, portant répression de la pratique des Mutilations génitales féminines, s’inscrit dans la lutte mondiale marquée par la Résolution du 20 décembre 2012 relative à l’«intensification de l’action mondiale visant à éliminer les Mutilations génitales féminines». Cette loi prévoit des peines d'emprisonnement de six mois à trois ans pour les personnes pratiquant les MGF, ainsi que des amendes pouvant atteindre deux millions de F CFA.
Pour porter assistance aux victimes, le gouvernement du Bénin se propose également de mettre en place une stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre qui prend en compte la prévention, la protection, le relèvement des victimes et la réinsertion des auteurs en vue d’une réduction de ce phénomène.
Aussi, le Bénin a-t-il ratifié la plupart des Conventions et Traités internationaux contre la discrimination des femmes et pour la protection des enfants. Cependant, certaines contradictions subsistent par rapport au droit coutumier, en particulier en ce qui concerne les pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé des filles, relève l’UNFPA.
Les organismes internationaux recommandent au gouvernement d’adopter une politique nationale sans équivoque et de prendre des mesures concrètes en vue de l’abolition des MGF au Bénin. Ces mesures devraient inclure des campagnes d’éducation et des programmes de sensibilisation pour les praticiennes et le public en général afin de parvenir à un changement d’attitude et de comportement favorable à l’abandon des MGF.
Le ministère en charge de la Famille soutient déjà la section nationale des ONGs dans leurs campagnes d’information en ce qui concerne les effets des MGF sur la santé. Il est aussi actif sur le terrain à travers les Centres de promotion sociale qui mettent progressivement en place des sentinelles de dénonciation.
Par ailleurs, l’OMS aussi est très engagée pour l’élimination des mutilations génitales féminines. L’organisation a d'ailleurs lancé une vaste campagne de sensibilisation auprès des professionnels de la santé des pays où ce phénomène a cours. Car, indique-t-elle, si les mutilations étaient traditionnellement effectuées de façon "artisanale", il y a une tendance vers une pratique de plus en plus "professionnelle".
Même si, renseigne la même source, la sensibilisation sur les dangers des MGF a provoqué une certaine prise de conscience au cours de ces dernières années, la tradition demeure fortement ancrée par endroits et plutôt que d'éliminer la pratique, on tente parfois de la "sécuriser" en se tournant vers des professionnels.
C’est pour cette raison que vendredi dernier, les représentations de l’UNFPA et de l’UNICEF au Bénin ont lancé un appel à la mobilisation des travailleurs sanitaires du monde entier contre les MGF. Pour ces organismes onusiens, le soutien des travailleurs sanitaires à l’effort universel pour mettre fin à la MGF est d’importance capitale ; car étant de première ligne, ils ont une connaissance intime de la dynamique sociale des communautés qu’ils servent et des normes sociales qui perpétuent la MGF. Par conséquent, ils peuvent accélérer le déclin rapide de l’appui accordé à cette pratique et faire l’objet de pressions très insistantes pour lutter contre les MGF.
Réduire les MGF
L’un des meilleurs moyens pour réduire la pratique des mutilations génitales féminines est de combiner la sensibilisation à des moyens législatifs. Cela implique le vote et l'application des lois pour interdire de telles interventions, tout en prévoyant des sanctions pour les personnes qui continuent à les pratiquer.
Les normes sociales, notamment dans les communautés fermées peuvent soumettre à une effroyable contrainte des vies individuelles. Mais elles peuvent aussi changer quand les individus font usage de leur pouvoir…
Pour le bien-être de la femme africaine en général et de la femme béninoise en particulier, pour la préservation de l’intégrité physique et morale des filles et des femmes, pour le bonheur des ménages qui rêvent d’avoir des enfants en bonne santé, il est temps pour les travailleurs sanitaires, les dirigeants, les experts, les filles et les familles de s’engager dans la tolérance zéro à la Mutilation génitale féminine.
Beaucoup de victimes
Le phénomène touche plusieurs millions de filles chaque année. Pour l’UNICEF, la mutilation génitale féminine viole les droits humains et ruine la santé et le bien-être d’environ trois millions de filles chaque année. Plus de 130 millions de filles et de femmes en Afrique et au Moyen-Orient ont subi une forme quelconque de MGF et son impact sur leurs vies est énorme.
Bien que de nombreux pays aient interdit cette pratique, l’ablation des organes génitaux persiste à certains endroits où elle représente un rituel ancien lié à des facteurs culturels, religieux et sociaux en vigueur au sein des familles et des communautés.
Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), quatre-vingt-six millions de jeunes filles à travers le monde risquent de subir des mutilations sexuelles d'ici à 2030.
Le Bénin n’en est pas épargné. Les départements du Borgou/Alibori et de l’Atacora/Donga constituent les zones où cette pratique sévit le plus. Il existe également des zones de prévalence où les victimes des MGF dépassent la moitié de la population. Or, commente le ministre en charge de la Famille, Naomie Azaria, cette pratique n’est basée sur aucun fondement scientifique ou religieux.
Il existe en effet différents types de MGF classés par l’OMS. Le type I est une excision du prépuce avec ou sans excision partielle ou totale du clitoris. La seconde forme est une excision du clitoris avec excision partielle ou totale des petites lèvres et la troisième est une excision partielle ou totale des organes génitaux externes et suture/rétrécissement de l’orifice vaginal (infibulation). La forme la plus courante de MGF pratiquée au Bénin est le deuxième type.
Maryse ASSOGBADJO