Dix ans déjà qu’elle a implanté au cœur de la ville de Cotonou, la Fondation qui porte son patronyme : Zinsou. Marie-Cécile est l’une des chevilles ouvrières de la promotion de l’art au Bénin. Au nombre des réalisations faites sous l’égide de sa fondation, figure l’événement « Dansons maintenant » qui a pris fin il y a quelques jours. La fille de Lionel Zinsou se prononce sur ce festival et aborde également quelques autres sujets au cours de cet entretien.
Matin Libre : Quel bilan faites-vous de la 3ème édition de " Dansons maintenant " ?
Marie-Cécile Zinsou : Je suis épatée ! Je peux le dire d’autant plus librement que ce n’est pas moi qui ai conçu cet évènement mais Aurélie Lecomte, la Directrice générale de la Fondation Zinsou. Elle a été capable de réunir des talents de tous les horizons et dans plusieurs domaines, 55 danseurs et chorégraphes d’exception, des photographes remarquables et des dessinateurs qui ont croqué cette semaine formidable. Cela a été une semaine de talent pur à la disposition d’un public qui n’était jamais venu aussi nombreux, or la finalité de toutes nos actions est évidemment qu’elles profitent au plus grand nombre. Et j’avoue la présence de plusieurs milliers de personnes donne tout son sens à « Dansons Maintenant ! », que ce soit des gens qui avaient assisté aux précédentes éditions et qui ont développé une passion pour la danse ou bien des parents qui venaient pour la première fois avec leurs enfants, que ce soit les écoliers qui ont participé aux ateliers ou la communauté des danseurs contemporains du Bénin qui s’est INVESTI de manière impressionnante, ce melting-pot est enthousiasmant !
L’hommage que nous a rendu la marraine de l’évènement Germaine Acogny est également l’une des grandes joies de ce festival. Quand la plus grande dame de la danse sur le continent Africain vous adoube, cela dit que le but est atteint.
Pourquoi avoir choisi de faire la lumière sur les danses des années 60, 70 et 80 ?
Les actions de la fondation sont toutes reliées. L’exposition African Records (qui a reçu plus de 3 000 visiteurs la première semaine) a ouvert ses portes en même temps que le festival et il se trouve que c’est un voyage dans l’histoire de la musique africaine. Lier l’exposition et le festival faisait sens. Les mini-bibliothèques ont également été présentes puisqu’elles ont accueilli les déambulations dansées de la compagnie Fabre/Sènou et proposent des livres sur l’histoire des musiques du continent. Ces musiques des années 60, 70 et 80, les danseurs se les sont réappropriés et en ont fait des créations contemporaines, les faisant découvrir ou redécouvrir au public. C’est un lien entre l’histoire et le présent, les musiques permettent de comprendre d’où l’on vient et c’est essentiel de savoir cela pour décider où l’on va.
Qu'est-ce qui justifie le parrainage de Germaine Acogny ? Une façon de lui faire redécouvrir ses racines ?
J’ai été surprise et infiniment heureuse que Germaine Acogny accepte d’être la marraine du festival. Elle n’a jamais coupé les liens avec le Bénin où une partie de sa famille réside encore. Par contre elle n’a pas construit sa carrière ici et c’est le Président Senghor et le Sénégal qui l’ont accueilli, comprenant des années avant tout le monde, l’incroyable aventure qu’elle allait créer avec l’École des Sables. Son retour au pays dans un cadre de danse l’a émue et je crois qu’elle a été très sensible à l’engagement de la communauté des danseurs dans notre pays. Elle a été présente pour chaque évènement et a même accepté de donner un atelier, ce qui est une chance pour les danseurs qui ne peuvent pas s’offrir une formation dans son école. Son solo/prière pour lancer l’évènement a également été un moment d’exception, donnant ainsi la chance au public de la voir danser.
Vous avez fait un récent post sur votre mur facebook où on note votre désolation face aux comportements de certains journalistes. Qu'est-ce qui a pu se passer ?
Je ne reviendrai pas sur des sollicitations qui ne feront honneur à personne et qui ne méritent pas d’être rendues publiques. Elles sont le fait de personnes qui ne m’intéressent pas et avec qui je ne souhaite pas que la Fondation soit en contact. Pour éviter toutes nouvelles sollicitations déplacées, qui nous font perdre un temps précieux, j’ai laissé un message très clair pour inviter les journalistes culturels honnêtes et sérieux à participer à « Dansons maintenant ! » et j’ai prévenu que les autres ne devaient rien attendre de nous. Les personnes professionnelles, qui respectent l’article 5 du code de déontologie de la presse béninoise, ont été présentes et ont relayé notre évènement.
Vous êtes appelée à présenter des excuses publiques. Le feriez-vous ?
Je n’ai pas à présenter d’excuses aux journalistes culturels honnêtes et sérieux puisqu’ils font leur travail de manière professionnelle et que je les en félicite. Il existe un code de déontologie du journalisme au Bénin et les personnes avec qui nous sommes en relation, respectent cela. Je me rends toujours disponible lorsque les journalistes me le demandent et nous leur transmettons des dossiers de presse professionnels lorsqu’ils le souhaitent. Dans ce cadre, je ne suis pas certaine de voir à qui je présenterai des excuses.
Quel est l'avenir de l'événement "Dansons maintenant" ?
« Dansons maintenant ! » était une exposition puis c’est devenu un festival de danse contemporaine. Nous en sommes à la troisième édition. Nous ne nous sommes jamais imposés de dates définies mais l’envie de tous les participants et celle du public me font penser que cette édition est loin d’être la dernière…
Avez-vous déjà pensé au thème de l'édition prochaine?
Non, nous achevons à peine cette édition, il est trop tôt pour annoncer la suite. A la fondation, nous avons une politique simple, nous annonçons nos évènements quand tout est prêt. Les promesses sont trompeuses, nous préférons mettre en avant les actions.
Comment se porte la fondation Zinsou ?
La Fondation Zinsou va bien puisque le public est là et qu’il semble intéressé par nos projets. Nous nous apprêtons à fêter nos 10 ans, le 6 juin 2015. Ce qui paraissait lointain en 2005 est passé tellement vite. Nous nous étions engagés à ouvrir un musée pour les dix ans, nous l’avons finalement ouvert un peu plus vite que prévu (novembre 2013). Nous avions envie d’un lieu permanent pour montrer la création du continent et je suis heureuse que ce lieu existe aujourd’hui. Les mini-bibliothèques, qui ont reçu 117.239 personnes cette année, n’étaient pas prévues dans le programme initial mais nous avons cherché à répondre au besoin exprimé par la population. Finalement plus de quatre millions de personnes sont venues à notre rencontre et je crois que c’est la plus belle et la plus motivante des récompenses, c’est également un bel encouragement à continuer !
Propos recueillis par Yves-Patrick LOKO