Me Raoul Houngbédji ne trouve pas normal que le député Orou Sé Guéné se présente actuellement aux législatives. Selon lui, s’il est vrai que ce député a le droit de se porter candidat puisque son casier judiciaire montre qu’il réunit toujours les conditions fixées par la loi, il n’en reste pas moins que les faits qui lui sont reprochés sont graves. L’avocat au barreau de Cotonou a soutenu que le député devrait attendre la décision de la Cour d’Appel puisqu’il a interjeté appel suite à la condamnation prononcée en première instance. Lire l’interview qu’il a accordée au journal.
Matin libre : Le député Orou Sé Guéné a été condamné à six (06) mois de prison ferme pour «pression sur magistrat» en première instance et le Tribunal a décerné un mandat d’arrêt contre lui. Mais ce mandat n’a jamais été exécuté. Me Raoul Houngbédji, comment appréciez-vous cet état de chose?
Me Raoul Houngbédji : Je pourrais dire que c’est déplorable en ce sens que le mandat d’arrêt émane de l’autorité judiciaire et son exécution ressort de la compétence du Procureur de la République, et donc des forces de sécurité publique. Quand on considère la personne contre laquelle, le mandat est décerné, en l’occurrence un député de l’Assemblée nationale, qui édite les normes applicables à tous les citoyens, on peut trouver déplorable qu’alors qu’un mandat d’arrêt a été décerné contre la personne d’Orou Sé Guéné qu’il soit totalement libre de ses mouvements. Ce qui n’est pas toujours le cas pour les citoyens ordinaires. Il ne faut pas perdre de vue que le mandat décerné l’a été en vertu des dispositions du Code de procédure pénal, lequel code a été voté par l’Assemblée nationale, donc accepté comme loi pour le peuple, applicable au peuple. Laquelle loi est déclarée exécutoire par le président de la République après avis de la Cour constitutionnelle, donc applicable à tous les citoyens y compris les députés. Il appartenait au Procureur de la République de veiller à l’exécution de ce mandat. Mais je pense qu’autant c’est déplorable, autant c’est explicable.
Comment cela est-il explicable?
Ne perdez pas de vue qu’Orou Sé Guéné est député à l’Assemblée nationale, qui plus est de la majorité au pouvoir. Le Procureur de la République en l’état de nos textes a pour supérieur hiérarchique le ministre de la Justice dont il reçoit des instructions quand il faut. Je ne dis pas que c’est ce qui est, mais je n’exclus pas non plus la possibilité que le Procureur de la République ait reçu des instructions lui demandant de fermer les yeux pour le moment quant à l’exécution de ce mandat. D’autant plus que l’Honorable a relevé appel, on pourrait dire que la décision n’est pas encore définitive et qu’il faudrait mieux attendre la censure de la Cour d’Appel.
Orou Sé Guéné a été condamné en première instance, mais il a déjà annoncé sa candidature pour les prochaines législatives. Le député a déjà retiré, à en croire ses dires, son casier judiciaire.
Me Houngbédji, la loi permet-elle à ce député d’agir ainsi?
Le député Orou Sé Guéné est candidat. Il faut s’en référer aux conditions d’éligibilité et d’inéligibilité éditées par le Code électoral. Pour être candidat, il ne faut pas avoir fait l’objet d’une condamnation à une peine d’emprisonnement comportant la déchéance des droits civils et politiques. Ne perdons pas de vue qu’il a relevé appel de la décision de condamnation. C’est donc une décision qui n’est pas encore devenue définitive. Et forcément en l’état, son casier judiciaire ne porte pas encore la trace de cette condamnation parce que la Cour d’Appel pourrait infirmer le jugement si elle estime qu’il y a des éléments qui permettent d’aller dans ce sens. C’est donc normal qu’il ait pu avoir un casier judiciaire à la date d’aujourd’hui qui ne fasse pas mention de cette condamnation.
Et s’il a un casier judiciaire qui ne fait pas mention de cette condamnation, peut-il être candidat?
A mon sens, c’est oui puisque son casier judiciaire atteste en l’état qu’il réunit les conditions fixées par la loi pour pouvoir être candidat.
Mais cela est-il normal?
Lorsque vous avez pour des faits de cette nature, fait l’objet d’une condamnation et que vous avez cru devoir relever appel, le respect des normes voudrait que vous attendiez que la Cour d’Appel se prononce avant de décider. Mais le dossier Orou Sé Guéné ne serait qu’une autre version d’un autre aspect qu’on a déjà vu et vécu. Sans présumer de la culpabilité de qui que ce soit, souvenons-nous que l’Honorable Séfou Fagbohoun était en détention provisoire lorsqu’il a été candidat pour les élections législatives passées, qu’il a été élu et a recouvré sa liberté pour aller occuper ses fonctions de député. Dans ce cas, lui était même en détention provisoire. Seulement, il n’avait pas été condamné. C’est logique que son casier judiciaire n’en portait pas trace. N’allons pas dire que c’est forcément parce que le député Orou Sé Guéné fait partie de la mouvance présidentielle que les choses se passent ainsi. Je ne vais pas le dire. Il y a des règles de procédure. Pour le moment, il est condamné, mais dès lors qu’il a relevé appel, la condamnation ne peut pas produire effet en l’état. Il est donc dans un état de sursis en attendant la décision de la Cour d’Appel.
Propos recueillis par Allégresse SASSE