La littérature béninoise découvre depuis 2010, un jeune écrivain très prolixe et polyvalent. Déjà connu avec la nouvelle, le théâtre et l’essai, c’est avec le roman que Daté Atavito Barnabé-Akayi s’ouvre au public depuis samedi 14 février dernier à l’Institut français de Cotonou. Un roman atypique à maints égards, paru aux éditions Plumes Soleil et qui pose des problèmes aux narratologues les plus attitrés. Et pour cause.
C’est le maître de Conférence Tossou Okri qui déjà, dans sa note préventive à l’ouvrage, lance les hostilités en n’arrivant pas à situer l’œuvre dans un genre précis. Récit, compte-rendu, cahier, journal, journal intime, pamphlet, faits divers, sottie, poésie, "Errance Chenille de mon cœur, ouvrage de 200 pages", se perd dans une catégorisation fixe. Et c’est le professeur Pierre Medéhouègnon qui malgré l’hésitation, tranchera le débat en proposant le genre roman, un roman de jeunesse. La raison évoquée, l’âge de la narratrice, une jeune élève finalement devenue étudiante à l’âge de 18 ans et qui raconte une vie tumultueuse qui ne se prive pas de faire des commentaires sur les faits sociaux actuels.
"Errance Chenille de mon cœur’’ est donc un roman de jeunesse dont la héroïne se prénomme Saniath Zamba. Névrosée, puisque suivie par un psychologue, elle a été encouragée par son professeur de français afin de tenir un cahier de journal, à l’instar de Toundi dans "Une vie de boy". Mais pour une jeune élève de son âge, les frasques sexuelles sont si nombreuses et décrites avec tant de dextérité, de passion et de détails que le professeur Pierre Medéhouègnon n’a pas hésité à la comparer à une "nymphomane". Elle est sortie successivement avec plusieurs garçons dont Léopold, Léon, Akim,… et a fini par être folle amoureuse de son professeur de français puis de Daté Barnabé-Akayi, devenu lui-même personnage du texte.
C’est justement ce dernier qui, par un jeu narratologique discret, s’est substitué à Saniath Zamba vers la fin de l’ouvrage. En témoigne, les adjectifs mis au masculin, et surtout le niveau de réflexion qui ne pouvait plus être celui de Saniath trop jeune, pour porter par exemple des avis construits et argumentés sur la littérature et la politique béninoises actuelles, sur la politique africaine avec en prime, le départ de Blaise Compaoré et sur des colloques internationaux de professeurs de français…
"Errance Chenille de mon cœur", c’est enfin un roman vrai. Vrai, au-delà de la vraissemblablité dans le réalisme de Gustave Flaubert à travers "Madame Bovary". Vrai comme l’espace, le temps et l’onomastique utilisés par Ahmadou Kourouma dans "Allah n’est pas obligé" à travers le narrateur M’Birama, puisque, non seulement le narrateur ici s’est promené de Cotonou à Tanguiéta, mais surtout, il lui est proposé une onomastique partant du gratin de la jeune génération de la littérature béninoise, tels Apollinaire Agbazahou, Habib Dakpogan, Amour Gbovi etc...
Vrai ensuite de par un style atypique, totalement oralisé comme Mabanckou dans "Verre-Cassé" qui s’est permis de se passer de la ponctuation point (.). Ici, le style oral est en plus renforcé par le recours à la diglossie par l’abondance des expressions telles que ‘’Ayé mi o… Azé….Agbavia…’’ etc. La particularité de ce style se retrouve cependant non seulement dans l’usage abondant du langage ‘’sms’’, mais aussi de tout ce qui est langage technologique notamment Facebook dont les messages entiers de forums sont rapportés. C’est enfin un livre qui a la particularité de contenir en son sein les premières impressions de ses premiers lecteurs. Un jeu narratologique presque inédit qui tourmentera les grands critiques pendant longtemps encore.
Qui est Daté Atavito Barnabé-Akayi ?
C’est un jeune enseignant béninois des Lettres modernes. Il est notamment auteur de manuels scolaires et d’ouvrages littéraires de plusieurs genres (théâtre, poésie, nouvelle, essais). On peut citer, entre autres, «Les confessions du PR», «Quand Dieu a faim», «Lire cinq poètes béninois», «Tes lèvres où j’ai passé la nuit», «Obama et nous».