Voilà qu’une lueur d'espoir de recul de la maladie se dessine en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone, près d'un an après l’épidémie d'Ebola la plus meurtrière jamais vécue. Mais, malgré les efforts de confinement en cours, la bataille est loin d'être terminée. Le prochain obstacle est de contenir les effets socio-économiques dévastateurs de l'épidémie dans les trois pays.
Les perspectives économiques des trois pays, à la suite des réformes, étaient prometteuses en 2013 ; en fait, la Sierra Leone et le Libéria étaient les deuxième et sixième économies les plus dynamiques dans le monde. L'épidémie d'Ebola qui a frappé dur a freiné la reprise économique post-conflit de ces pays et menace une reprise de gains réalisés à la fois sur le plan social et économique.
Avant l'apparition du virus de la maladie d'Ebola, les taux de croissance réelle pour 2014 en Guinée, Libéria et Sierra Leone étaient estimés à 4,5 %, 5,9 % et 11,3 %, respectivement, comparativement à 1,3 %, 1 % et 6,6 % après l'épidémie. Cela est le résultat de la baisse des ventes, des activités dans les restaurants, hôtels et transports publics, dans la construction et les entreprises étrangères. Les répercussions ont été la baisse de la demande dans les services et le ralentissement des activités commerciales connexes. Les prix des produits de première nécessité sont également à la hausse tandis que les approvisionnements en denrées alimentaires diminuent et les emplois se perdent. En outre, les restrictions nationales en matière de transports aérien, maritime et routier, ainsi que la fermeture des frontières, ont gravement affecté le commerce avec les pays voisins et autres pays.
Les effets qui en résultent sont dévastatrices pour les finances publiques, entraînant ainsi une baisse des recettes fiscales et une augmentation des dépenses, en particulier dans les secteurs de la santé. Ainsi, le déficit budgétaire se creuse et affaiblit à la fois la capacité des gouvernements à contenir la maladie et renforcer l'économie grâce à des mesures de relance budgétaire. Un ralentissement de la croissance économique devrait se poursuivre à moins que des contre-mesures sérieuses soient prises.
Le soutien de la communauté internationale est important et nécessaire pour aider à combler les lacunes financières. Cependant, la majeure partie de cette aide représente des prêts ainsi le fardeau de la dette des trois pays ne fera que s’alourdir. Par exemple, en fin novembre 2014, des 157 111 429 millions de dollars américains d’engagements supplémentaires approuvés pour le Libéria, 60 % des 60 604 272 millions de dollars américains qui ont été versés sont des prêts.
A cela, vous ajoutez la dette extérieure de la Guinée, du Libéria et de la Sierra Leone en 2013 qui s’élève à 1,2 milliard, 542 millions et 1,4 milliard de dollars américains, respectivement, soit un total de 3,1 milliards de dollars américains. Cela représente environ 190 %, 320 % et 180 % des exportations de ces pays et illustre clairement que les exportations sont très en dessous de leurs titres de créance. Le fardeau de la dette extérieure de ces trois pays est déjà très lourd. En accumulant davantage de dettes en l'absence de flux financiers importants, ce qui signifie se surendetter, ces pays ne seront pas en mesure d’épurer leurs arriérés et donc de satisfaire leurs besoins budgétaires et balance des paiements.
Le véritable soulagement serait l'annulation
L’appel de la Commission économique pour l’Afrique, en ce qui concerne l’annulation de la dette extérieure des trois pays les plus touchés par l'épidémie d'Ebola, donnera la marge de manœuvre dont ils ont besoin pour relever les défis de développement social et économique complexes auxquels ils sont confrontés aujourd'hui.
L’annulation de la dette a déjà été appliquée dans le passé pour soutenir les pays gravement touchés par des chocs soudains tels que des catastrophes naturelles ou des épidémies. Haïti, par exemple, en a bénéficié après le tremblement de terre de 2010. L’annulation de la dette pour ces trois pays leur donnerait la possibilité de réorienter et d'investir les ressources financières destinées au remboursement de la dette en vue de renforcer les systèmes de soins de santé fragiles en milieux rural et urbain, y compris la formation des professionnels de la santé ; les secteurs stratégiques de l'économie les plus durement touchés qui en bénéficieraient sont l'éducation, l'agriculture et la sécurité alimentaire et des services.
Il ne fait aucun doute qu’une plus grande capacité budgétaire permettrait aux trois pays d'atteindre leurs objectifs de développement social et économique à long terme dans le contexte du programme de développement post-2015, renforcerait leur croissance et leurs perspectives de reprise et ils arriveraient à payer régulièrement le service de la dette.
La bonne nouvelle est que l'appel de l'annulation de la dette extérieure n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd car d'autres grandes institutions internationales telles que l'Union africaine et, plus récemment, le Fonds monétaire international (FMI) entament le même dialogue. Les actions du FMI, un soutien de 100 millions de dollars américains pour alléger la dette des trois pays au cours des deux prochaines années grâce à un fonds d'affectation spéciale pour la prévention et l'intervention en cas de catastrophe, constitue une première étape, appréciée, dans le processus d'annulation de la dette. Il définit non seulement un précédent, mais offre l'espoir d'ouvrir les portes pour des accords similaires avec d'autres créanciers bilatéraux et multilatéraux.
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