Ancien Ministre du gouvernement Mathieu Kérékou de 1998 à 2002, ancien Directeur Afrique du Fonds monétaire international (Fmi), ancien président de la Banque Ouest Africaine de développement (Boad) et actuellement Directeur de Alihadou Consulting International et président du Conseil d’administration du Fonds Africain de Garantie et de Coopération Economique (Fagace), Aboudaye Bio Tchané était hier l’invité de l’émission Zone Franche de la télévision Canal 3 Bénin. Au cours de l’émission, l’homme, tout en levant un coin de voile sur sa personnalité, a fait le diagnostic de la situation socio-économique du Bénin. Les questions relatives aux prochaines élections législatives et présidentielles n’ont pas été occultées au cours de l’émission. A ce sujet, Abdoulaye Bio Tchané, qui est aussi le président de l’alliance Abt s’est voulu très clair. Ladite Alliance prendra part pour la première fois aux élections législatives 2015. Quant aux élections présidentielles de 2016, le président Abdoulaye Bio Tchané, n’a pas caché son intention de briguer encore une fois après 2011 la magistrature suprême. Ceci, parce qu’il a des ambitions pour relever plusieurs défis pour le développement économique et social de son pays. C’est du moins ce qu’il a laissé entendre en faisant des propositions concrètes allant du règlement du déficit énergétique du Bénin à la prise en compte considérable du secteur privé par les politiques publiques en passant par des réformes dans tous les secteurs sur la base du capital humain. La question de la révision de la Constitution du Bénin a aussi été abordée au cours de l’émission. Contrairement aux propos des Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe) qui entendent avoir la majorité au Parlement au cours de la 7ème législature, afin de réviser la Constitution, la position de Abdoulaye Bio Tchané est sans équivoque. Pour lui, il n’est pas question de réviser la Constitution avant les élections présidentielles de 2016. D’autres sujets tels que les infrastructures routières, l’emploi des jeunes et la gouvernance politique ont été abordés au cours de l’émission.
(Lire ci-dessous, quelques extraits des propos tenus par Abdoulaye Bio Tchané au cours de l’émission)
Extraits des propos tenus par Abdoulaye Bio Tchané au cours de l’émission Zone Franche du 1er mars 2011
La gouvernance économique en vue de la création d’emplois
« …Il faut un cadre dans lequel tout le monde peut se parler. Les réformes ne peuvent pas réussir si vous n’avez pas un consensus préalable. Il faut qu’il y ait une concertation permanente. Ça peut se faire dans le cadre d’une conférence économique. Si je suis revenu au pays, c’est parce que j’ai des ambitions pour ce pays. Depuis 2011, j’ai parcouru 60 Communes. Je peux vous dire la manière dont nos compatriotes vivent. La pauvreté s’accroit dans notre pays. Tout gouvernement a besoin de propagande. Mais ce n’est pas juste de dire que la pauvreté recule. Cela ne veut pas dire que rien n’est fait par ailleurs. Le gouvernement fait quelques efforts, mais ces efforts sont nettement insuffisants. En termes d’évolution de la pauvreté, la situation ne s’est pas améliorée. Nous avons de gros chantiers en matière de réformes pour renverser la courbe. Le phénomène du chômage des jeunes n’est pas un phénomène mondial parce que ce n’est pas une fatalité. C’est un danger pour notre pays de ne rien faire sur le plan économique et social. Chaque année, 100.000 jeunes viennent gonfler les chiffres. Tous les ans, le gouvernement recrute près de 3000 à 5000 jeunes. Le reste doit être assuré par le secteur privé. Il faut que le secteur privé soit à l’aise. Combien le gouvernement peut recruter. Il faut former les ingénieurs agronomes qui peuvent aller dans les fermes. Il faut qu’ils soient des gens qui puissent créer leurs fermes. Dans le domaine du tourisme, il faut former des gens. Dans le domaine de la formation professionnelle, nous avons du travail à faire. Nous avons besoin de développer la formation professionnelle, d’orienter ceux qui viennent à l’université et encourager la recherche... »
-L’Alliance Abt va aux élections législatives 2015 pour des réformes
« …En accord avec les partis membres de l’alliance Abt, nous avons décidé d’aller aux élections législatives. Nous avons partout dans les circonscriptions où j’aurais pu être candidat, des gens qui peuvent mouiller le maillot. Nous serons à leurs côtés. Nous ne sortirons pas des élections législatives avec zéro député. Nous espérons qu’avec d’autres, nous constituerons une majorité (…) J’ai salué la création de certaines alliances en espérant qu’elles vont continuer après les élections législatives. Il ne faut pas que ces alliances soient seulement pour cette échéance électorale. Nous avons besoin de consolider l’unité nationale dans notre pays. La meilleure manière de consolider l’unité nationale, c’est de réunir les gens qui viennent d’horizons divers (…) Que le Chef de l’Etat veuille une majorité à l’Assemblée nationale pour la prochaine législature, c’est légitime. Mais de l’autre côté, d’autres forces politiques aussi se battent pour avoir la majorité comme les Fcbe. Ils parlent de la révision de la Constitution. J’espère que la sagesse prévaudra. La préoccupation majeure de nos compatriotes n’est pas liée à la révision de la Constitution. Je pense qu’il ne faut pas toucher la Constitution avant les élections présidentielles. Les partenaires ne sont pas contents non pas parce que nous n’avons pas constitutionnalisé la Cour des comptes. Ils ne sont pas contents parce que la Chambre des comptes ne fait pas encore ce qu’elle doit faire. Ils ne sont pas contents parce que le budget général de l’Etat n’est pas un vrai budget. Quand les bailleurs disent ‘’Nous voulons une Cour des comptes’’, c’est de savoir comment l’argent de leurs contribuable est géré. Les partenaires veulent un vrai budget. Après les législatives, tout le monde va se jeter dans la bataille des présidentielles. Je ne crois pas qu’on puisse disposer du temps matériel pour obtenir un consensus autour d’un projet de révision de la Constitution avant les présidentielles (…) Nous députés vont travailler d’arrache-pied pour que les réformes aboutissent… »
Rapport avec le Chef de l’Etat, le président Boni Yayi
« …J’ai un grand respect pour la fonction du président de la République. Donc, j’ai un grand respect pour celui qui l’incarne. Il n’y a pas de haine à avoir à l’endroit d’une institution. Moi, Abdoulaye Bio Tchané, je n’ai aucune haine vis-à-vis du président de la République, Boni Yayi. J’espère que dans un peu plus d’un an, nous aurons un quatrième Chef d’Etat du Bénin. J’espère qu’il peut aller et venir comme il veut. C’est comme ça que notre démocratie va avancer. Il faudrait que nous pensions tous au Bénin. Si on a manifesté le 11 décembre 2014, c’est parce que nous avions pensé au sein de l’alliance Abt qu’il fallait faire quelque chose pour que les élections aient lieu. Je ne suis pas là pour dire tous les jours que le gouvernement fait mal… »
-Les élections présidentielles de 2016
« …Nous sommes dans un pays où la Constitution nous donne le droit d’être candidat et de soutenir le candidat de notre choix. Notre pays est en grande difficulté. Du point de vue des ressources humaines, le Bénin est bien placé sur le plan international. Nous avons ce qu’il nous faut pour développer notre pays. Ce qu’il faut pour développer le Bénin, ce ne sont pas les richesses matérielles. Ce sont les ressources humaines. Le reste, c’est le leadership ; un leadership susceptible de mettre ces ressources humaines ensemble. C’est pourquoi, j’appelle à l’unité nationale. C’est important de combattre le régionalisme si nous voulons que ce pays progresse. Il faut revenir aux fondamentaux. Il faut que nos leaders aillent au-delà de la profession de foi. Si nous voulons construire une Nation, mettons-nous dans les conditions où nous serons capables de résoudre les problèmes. Cela passe par l’unité nationale. Si je suis candidat demain, je veux être le candidat de l’ensemble du Bénin. Je veux être le candidat qui va faire la fierté du Bénin… »
Hommage au Cos-Lépi pour la correction de la Lépi
« …Je voudrais saluer le travail fait par le Cos-Lépi dirigé par Sacca Lafia. Je voudrais également saluer le travail fait par le Centre national de traitement (Cnt). C’est vrai que tout est terminé pour les élections ; mais il y a des gens qui ne se sont pas encore inscrits. Il y a aussi les compatriotes de la diaspora. Je souhaite que pour le prochain Cos-Lépi, tous les Béninois de la diaspora et ceux résidant dans le pays qui n’ont pas pu s’inscrire un peu partout sur le territoire national, puissent le faire… »
-Le point de vue de Abdoulaye Bio Tchané sur l’agriculture et la filière coton
« …Notre agriculture a des problèmes aujourd’hui. Il faut aller au-delà des discours télévisés pour écouter les paysans, analyser les chiffres et les faits. Là aussi, je crois que nous avons besoin de conduire des réformes. Nous avons fait une conférence sur le coton pour dire deux ou trois choses. La première chose est que les paysans qui sont dans le coton ont besoin de gagner beaucoup plus qu’ils ne gagnent aujourd’hui. Et pour qu’ils gagnent beaucoup plus qu’aujourd’hui, l’accent doit être mis sur l’amélioration des rendements. Il faut ensuite améliorer l’encadrement des producteurs et enfin, il faut investir massivement dans l’agriculture en général. Il faut mécaniser l’agriculture en achetant des machines agricoles qui sont adaptées à nos terres. Il faut des pistes rurales. Regardez ce qui est fait dans la filière coton aujourd’hui. C’est un retour à la formule du passé qui n’a pas réussir et ça ne peut pas réussi non plus aujourd’hui. Je viens de Banikoara et de Parakou, je n’ai pas rencontré de cotonculteur heureux. J’ai vu des producteurs en colère contre les prix auxquels le coton est fixé. La bonne gestion de la filière coton, c’est une bonne part au secteur privé… »
-Abdoulaye Bio Tchané promet moins de 5 ans pour régler le déficit énergétique
« …Il me faudrait moins de 5 ans pour régler le déficit énergétique du Bénin. L’Etat n’a plus les moyens d’investir dans ce type d’infrastructure. C’est le secteur privé qui peut le faire. Mais pour le faire, encore une fois, il faut des réformes. Il faut un cadre légal. Il faut des lois permettant au secteur privé de le faire avec toutes les garanties. Il faut la confiance… ».
Propos transcrits par Karim Oscar ANONRIN