Sous l’œil vigilant de Mgr Antoine Ganyé, archevêque de Cotonou, l’Aumônerie nationale des cadres et personnalités politiques, le Centre de recherches, d’études et de créativité des Jésuites, le Centre Notre Dame de l’inculturation et l’Institut des artisans de justice et de paix/ le Chant d’oiseau ont organisé, samedi 28 février dernier au PLM Alédjo, une conférence-débat. Le clergé et les structures co-organisatrices ont invité pour la circonstance, plusieurs personnalités à suivre un exposé qui a été animé par Me Jacques Migan, ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats du Bénin.
« L’esprit de la Conférence nationale : implication pour le contexte socio-politique actuel». Tel est le thème de la conférence-débat qu’a animée samedi dernier par Me Jacques Migan.
Après avoir fait l’historique des circonstances dans lesquelles la Conférence est intervenue, il y a 25 ans, Me Jacques Migan a loué les qualités du prélat, Mgr Isidore de Souza et celles de l’ancien président de la République, Mathieu Kérékou.
Après un quart de siècle, avec lucidité et recul, loin de l’apologie et des discours enflammés, «Avons-nous su valoriser cet atout envié par d’autres pays, cet acquis historique; avons-nous su le consolider? En termes clairs, de 1990 à 2015, les avancées socio-économique et politique ont-elles permis d’améliorer les conditions de vie des Béninois?», s’est interrogé le conférencier. La réponse est positive, car il ne faut pas oublier la situation socio-économique et politique du Bénin des années 1990 caractérisée par un marasme économique généralisé, la faillite des entreprises publiques, du système bancaire et les difficultés de trésorerie de l’Etat.
Et de poursuivre en s’interrogeant toujours : « Après 25 ans d’expérience démocratique et de libéralisme, la situation socio-économique et politique a-t-elle vraiment changé? La situation socio-politique actuelle permet-elle d’envisager cette époque comme un souvenir ? Sans être péremptoire et avec quelques réserves, nous pouvons répondre non.», a-t-il expliqué, indiquant procéder par une analyse socio-économique d’une part et politique d’autre part.
Au niveau socio-économique, la population a doublé, rappelle Me Jacques Migan, selon qui, l’économie béninoise a tout autant besoin d’enseignants, de médecins, de juristes, d’économistes, d’agronomes que d’ingénieurs et de techniciens. Le décrochage scolaire, le manque de protection sociale et des infrastructures routières, constituent, entre autres, des freins au développement.
Esprit de tolérance
Sur le plan politique, il convient de noter, a poursuivi le conférencier, que ce qui a permis un dénouement heureux de la Conférence des Forces vives de février 1990 réside dans l’esprit de tolérance, d’acceptation de l’autre, du respect de la différence, de la transcendance des considérations régionales, ethniques et tribales. «Mais aujourd’hui, les apports de la Conférence nationale au niveau politique semblent être remis en cause par la montée du régionalisme sur fond de clientélisme politique, par les atteintes diversifiées aux libertés d’expression et de manifestation. », a souligné Me Jacques Migan qui a précisé que face à la grande fragmentation du paysage politique, qu’on assiste à un appauvrissement aigu de la liberté d’expression.
De plus, dans l’arène politique, la qualité du débat politique a fortement baissé, a fait remarquer l’avocat, concluant que les libertés de manifestation, symboles de vitalité de la démocratie ont pris de sérieux coups entamant ainsi sérieusement la bonne santé du "bébé" qui a vu le jour en février 1990.
Par rapport au respect du calendrier électoral, «N’eût été la récente décision de la Cour constitutionnelle, nous ne serions pas plus avancés sur l’organisation des élections. Or le non respect des délais constitutionnels prévus pour l’organisation d’une élection est un frein au développement de la pensée politique et ouvre la voie à la dictature », déduit-il.
Pour Me Jacques Migan, face à toutes ces dérives qui menacent à terme les acquis de notre jeune démocratie, il faut une réelle volonté politique tendant à mettre en œuvre le cadre institutionnel et législatif moderne dont nous disposons.
Une analyse à laquelle adhèrent l’abbé Efoé-Julien Penoukou, l’aumônier national et Mgr Antoine Ganyé, archevêque de Cotonou.
Pour l’abbé, tous les citoyens doivent travailler pour que l’esprit de la Conférence nationale, un don de Dieu prévale quoi qu’il en soit.
Mgr Antoine Ganyé a quant à lui, souhaité que tout le monde ne soit pas pessimiste, car il y a eu un certain éveil de conscience sur le plan politique. «Il faut qu’il y ait plus de dialogue et que la démocratie nous apporte plus d’oxygène sous le leadership des dirigeants d’aujourd’hui et de demain », exhorte-t-il
Didier Pascal DOGUE