Depuis 6 lunes toutes entières, l’école béninoise est en train de dormir. Dormir, pas parce que les classes sont closes. Mais parce que le gouvernement de Yayi Boni l’a voulu ainsi. Il accuse du retard dans l’envoi des subventions dans les écoles maternelles et primaires publiques du Bénin. Les conséquences d’une telle attitude sont nombreuses et désastreuses
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, depuis 6 mois que la rentrée scolaire 2014-2015 a été effective, aucune école primaire publique au Bénin n’a reçu les subventions (financières) annuelles de la part du gouvernement de Yayi Boni. Et pourtant, le chef de l’Etat et sa machine gouvernementale parle de la gratuité de l’école primaire, comme s’il suffit de la décréter du bout des lèvres, sans un regard prospectif sur l’avenir. Sans ressources financières, en effet, depuis septembre 2014, les directeurs des écoles primaires publiques, désabusés et ne sachant à quel saint se vouer, achètent les fournitures scolaires à crédit, en témoignent les propos de Clément Gbaguidi, directeur du groupe C, à l’école primaire publique de Godomey-Centre. Selon lui en effet, « l’école béninoise fonctionne à crédit ». Dans le pire des cas, c’est de leurs propres poches qu’ils sortent les sous pour faire tourner les classes. Et à Clément Gbaguidi d’exprimer son amertume : « on ne comprend rien. Si un directeur ne met pas son salaire dans le fonctionnement quotidien de son école, la machine est enrayée et les enfants peuvent rester des heures sans rien faire », se désole-t-il. Damnation ! On se croirait à une époque moyennnageuse. Pourtant, c’est bien au cœur du 21ème siècle qu’un Etat indépendant est incapable d’assurer et d’assumer l’éducation de ses enfants. Et pour surprendre les autorités étatiques, Clément Gbaguidi, directeur du groupe C, à l’école primaire publique de Godomey-Centre, remet les pendules à l’heure en ces termes, « l’année passée, on a parlé des grèves pour justifier le retard. Cette année, il n’y a même pas eu l’ombre d’une grève, pourtant les subventions ne viennent pas ». Et voilà qui est bien dit car, les années antérieures, ce sont les enseignants qui sont rendus responsables du retard de l’envoi des subventions. Cette année-ci, aucune grève n’est venue ébranler véritablement le système éducatif national. Le drame à ce niveau est que « c’est pendant les vacances qu’on appelle les directeurs pour retirer une souple subvention de 900.000 francs CFA. Comment est-ce possible ? », s’interroge, sous anonymat, une enseignante. Mais si visiblement la peur de dire la vérité lui tord les boyaux, la directrice de l’école primaire publique de Godomey-Savi, Marie Garba épouse Alavo ne l’entend pas de cette oreille. Pour elle, « c’est inadmissible qu’elle soit obligée de demander un prêt à son épouse avant de faire tourner son école. Le groupe A de Godomey-Savi qui est à sa charge ne doit pas faire profil bas. Il faut sauver la face devant les deux autres du même complexe, chacune avec ses fortunes. Aller demander de prêt donc à son mari comme le fait la directrice, Marie Garba Alavo est une obligation ou même un pis aller. Mais c’est sans compter avec son épouse qui s’étonne de l’attitude du gouvernement en ces termes : « vous n’avez pas de ressources financières pour accomplir votre mission et vous continuer par y aller jusqu’à être contraint de demander des prêts ».
L’agonie de l’école béninoise
Cette situation triste, malencontreuse et irresponsable de la part du gouvernement et de son chef est pareille sur l’étendue du territoire national. Joint au téléphone depuis Comé, Noël Gagnon, président des parents d’élève de l’école primaire publique Comé Gare se désole de la situation. « On a l’impression que Yayi Boni nous a oubliés », a-t-il lancé. Résidant seulement à 63 kilomètres de la capitale économique Cotonou, il pense que c’est seulement son école qui est oubliée. Mais lorsqu’on lui apporte l’information que c’est pareil sur toute l’étendue du territoire national, il perd d’abord sa langue au téléphone ; et c’est après quelques secondes de silence qu’il lance dans un profond soupir, « que Dieu nous aide et protège nos enfants ». Enfin, affecté de Parakou pour Cotonou depuis quelques semaines, un enseignant rencontré à l’Epp Godomey-Centre témoigne, sous anonymat, que l’école de son pays est en agonie, si elle n’est pas encore morte. Tout compte fait, poursuit-t-il, « il ne reste qu’à chanter son requiem avec en pôle position le président Yayi Boni qui doit apprendre à se définir des priorités. On ne peut pas tout faire à la fois ». Ce qui ramène à la réflexion du directeur de l’Epp Godomey-Centre, « qui tout embrasse, mal étreint ». Déjà, des protestations s’observent dans les départements du Borgou-Alibori.
Victor Nongni