Des trous béants que personne ne ferme et remplis d’eau, des espaces de dégradation du sol à jamais perdus pour les activités économiques ou rurales et pour les habitations… c’est le spectacle désolant qu’offre la traversée de Pahou, labourée, saccagée et laissée comme des blessures indélébiles du sol et du paysage, à cause des exploitants de sable d’un autre genre. Ce drame environnemental est la conséquence de l’exploitation artisanale du sable. Une activité qui s’est rapidement développée à Pahou, suite à la fermeture unilatérale et autoritaire des sites de dragage de Cotonou et environs et leur militarisation par le gouvernement de Boni Yayi. Une décision jugée irrationnelle, anti économique et antisociale par les opérateurs privés et dont les conséquences mettent le gouvernement en position délicate, à l’approche des législatives, face aux populations et au secteur privé.
L’environnement se détruit en silence à Pahou. Un passage sur la grande voie de déviation qui traverse la localité de Pahou en allant vers Ouidah et le spectacle est dramatique sur des sites de prélèvement artisanal de sable. Il s’agit de trous béants comparables à des domaines marécageux. Ce dégât environnemental n’est que la conséquence d’un prélèvement non contrôlé du sable dans une zone qui n’est pas du tout destiné à une telle activité. Tout juste derrière l’huilerie de "Ahozon", la présence des camions chargés de sable, témoigne de l’extraction clandestine sur un site qui ne dispose d’aucun panneau signalétique. Un vaste domaine, qui au premier regard peut être considéré, comme une partie intégrante de la forêt classée de Pahou.
Une thèse que réfute un ouvrier rencontré sur les lieux. Selon M. Théodore, « Ce domaine ne fait pas partie de la forêt classée. C’est une propriété privée » nous a-t-il expliqué. Selon lui, deux grandes entreprises dont il a refusé de nous donner les noms exploitent le site.
Destruction silencieuse de l’environnement pour des projets hypothétiques
Pour mieux comprendre, nous nous sommes rapprochés d’une responsable qu’il nous a indiquée. Des explications de cette dernière, il n’y a pas d’entreprise sur les lieux. Mais ce sont des exploitants qui sont des propriétaires des domaines « Oui ici, c’est un domaine privé » a-t-elle insisté avant de poursuivre. « Nous sommes plusieurs sur ce domaine privé. Chaque propriétaire exploite légalement sa partie. » Qui autorise donc une telle destruction flagrante de l’environnement sans inquiétude ? « Tous autant que nous sommes, nous avons reçu l’autorisation de la mairie de Ouidah et l’accord d’exploitation attribué par le ministère des mines. » a-t-elle répondu.
Si cette affirmation était avérée, les autorités béninoises seraient donc responsables d’une telle destruction de l’environnement. Elle va plus loin : « A la fin de l’exploitation, chaque exploitant doit transformer les béants trous laissés par le prélèvement du sable en lieux de pisciculture. ». Une autre déclaration qui suscite une interrogation.
Pourquoi jusque-là les premiers exploitants n’ont pas entamé l’élevage du poisson sur les sites abandonnés ? Au regard des grandes superficies détruites, une activité d’élevage de poissons en ces lieux sonne comme un argument derrière lequel se cache ces exploitants à la limite de clandestinité pour détruire l’environnement.
Le gouvernement, qui prétextait des problèmes environnementaux, soulevés par un conseiller proche du régime et activiste contre les responsables de la municipalité de Cotonou, pour fermer des sites - provoquant la réduction de l’offre de sable et donc une montée de la demande que certains veulent combler à tout prix, même par des exploitations clandestines ou artisanale - est ainsi en porte-à-faux avec sa propre logique.
Risque de prolifération des sites artisanaux sauvages
L’exploitation du sable sur ce site se fait à l’aide d’outils artisanaux sans l’utilisation d’aucun équipement moderne. Seulement un ou deux tracteurs sont visibles sur les sites que nous avons visités.
La grande majorité utilise la pelle pour creuser la terre et charger les camions. « Dès que nous atteignons une certaine profondeur nous changeons d’emplacement parce que la nappe d’eau est très proche. » nous a expliqué un ouvrier. C’est comme si on faisait de la culture itinérante ! On creuse on enlève le sable et on abandonne le trou. Un grand danger environnemental aux conséquences lourdes pour cette zone. Malheureusement, compte tenu de la forte demande, le nombre de sites ne cessent d’augmenter. Depuis quelques semaines dans la zone de Pahou, la prolifération de sites de prélèvement de sable devient inquiétante. Tout le monde essaie dans la localité de devenir exploitant de carrière de sable au grand mépris de la protection de l’environnement.
En d’autres termes, les carrières ouvertes clandestinement à Pahou de toute pièce ne répondent à aucune norme environnementale. « Ce sont des dangers parce que c’est la terre est directement creusée et il n’y a pas une réserve naturelle pour combler le vide causé par le prélèvement. A la longue, ce sera un grand trou. » Nous a confié un conducteur désespéré par la situation. D’ailleurs les cas d’accidents sont légions et aucune disposition n’est prise pour y remédier.
Le silence de l’Etat et la grande contradiction
C’est la fermeture des sites de sables de Cotonou et environs par le gouvernement qui est à la base de cette situation de prolifération de sites de prélèvement artisanale de sable. A l’époque, sans les preuves d’une expertise en la matière, le gouvernement se cachant derrière de prétendus soulèvements des populations a pris cette décision unilatéralement. Lesdites populations se seraient plaint de dégâts environnementaux causés par les sociétés de dragage de sable agrées par l’Etat. Dans le même temps, un conseiller du parti Frap, était monté au créneau pour dénoncer les prétendues conséquences environnementales créées par l’activité de dragage de sable dans la zone de Cotonou et environs.
Un ensemble de dénonciations qui auraient motivé la décision du gouvernement. Mais face au drame qui a lieu à Pahou, on est en droit de s’interroger sur la bonne intention du gouvernement à l’époque. Comment se fait-il que le même gouvernement qui a procédé, de façon unilatérale à la fermeture de sociétés de dragage de sable agréées, par elle-même, pour a-t-il dit vouloir protéger l’environnement reste sourd et muet face à la dégradation de l’environnement qui se joue à Pahou ?
Tout semble confirmer que cette décision du gouvernement loin d’être réfléchie à l’époque était une décision politique tel que soutenu par une certaine opinion. Le gouvernement pour montrer la justesse de sa décision et rester cohérent doit prendre des mesures urgentes pour mettre fin au prélèvement artisanal de sable à Pahou. Pour ce qui concerne les sociétés de dragage de sable agréés par l’Etat et fermées par le gouvernement, il est indispensable de rencontrer leurs responsables pour entamer le dialogue. Cette démarche permettrait de trouver une porte de sortie pour la reprise de leurs activités.
Etant donné quelles au moins, détiennent des équipements appropriés pour le dragage de sable et sont installés sur des sites agréés par l’Etat dans le cadre de cette activité. La reprise de leurs activités sur la base de conditions consensuelles, sauveraient les populations du danger environnemental qui a lieu à Pahou, de la dégradation de certaines voies toujours causée par l’exploitation anarchique du sable, de la flambée des prix du sable dénoncée par les populations qui expriment leur ras-le-bol.
Béatrice KOUMENOUGBO