La problématique peut être autrement envisagée. En se demandant si le recours massif aux bénéficiaires des nouvelles nominations en conseils des ministres pourrait pallier la défection des Patrice Talon, Samuel Dossou et consorts. Au plus fort des déballages autour de l’affaire de tentative d’emprisonnement du chef de l’Etat, le magnat du coton ne s’est pas fait prier avant de révéler, publiquement, sur une radio internationale, depuis sa cavale en France, qu’il avait mis son "chéquier et son carnet d’adresses" au service du Changement de 2006, de l’Emergence, des KO de 2011 puis de la refondation. D’autres comme Samuel Dossou devraient aussi déchanter dans la foulée après avoir subi des entourloupettes au nom de la boulimie légendaire de la françafrique ; il faut certes de l’argent pour gagner le pouvoir mais il faut, en plus, la bienveillance de la françafrique pour le garder au delà des normes constitutionnelles. Tout cela fait forcément du manque à gagner pour l’objectif 50 députés aux législatives 2015, le projet de révision de la constitution et éventuellement le 3ème mandat. Les Bolloré et compagnie ouvrent certainement des portes à la cellule africaine de l’Elysée mais cela ne se traduit pas par des espèces sonnantes et trébuchantes.
Voilà le prince face à ses premières élections sans ses sponsors traditionnels du moins les plus emblématiques depuis son installation à la Marina. D’où le rappel d’une vingtaine de ministres sur les listes de candidature, d’autant de directeurs de sociétés d’Etat, de maires transhumants, de députés, de conseillers à la présidence, de hauts cadres des régies financières de l’Etat. De quoi faire saigner abondamment le trésor public à travers ces relais. Même les directeurs non positionnés connaissent un exceptionnel regain d’activités en cette période de pré campagne électorale. Le patron de la Sbee en distributeur tous azimuts de compteurs et de poteaux électriques ; son homologue de la Soneb sur les chantiers d’adduction d’eau ; Fonds national de micro finance et Fnpeej ventilant de nouveaux produits dans toutes les régions électoralement en difficulté pour la mouvance. Les ballets incessants d’hélicoptères présidentiels au secours de la misère du peuple viennent en complément. Beaucoup d’argent public dans la logistique, les frais de mission, la propagande médiatique ; les miettes aux populations en résultats concrets.
C’est dans ce contexte que survient la menace gouvernementale à l’encontre des entrepreneurs dits indélicats. Ce fameux communiqué du conseil des ministres du 04 mars 2015 fustigeant les prestataires ayant abandonné leurs divers chantiers après avoir reçu les financements publics prévus à cet effet. Louable intention d’assainissement n’eut été le peu de cas fait des complicités avérées au sein des régies financières du trésor public. Ce qui signifie très nettement qu’aucune suite administrative voire judiciaire n’est envisagée à l’encontre de ces manquements pourtant préjudiciables aux caisses de l’Etat. A peine si on n’y lit pas une sorte de dépit vis-à-vis des plus ingrats de ces entrepreneurs, ceux qui ne daignent pas casser leurs tirelires pour accompagner la campagne pour les 50 députés. Le communiqué gouvernemental stipule non pas de les sanctionner mais de les priver de nouveaux marchés publics. On n’est plus très loin du chantage d’Etat.
Le recours même à ce chantage, en dépit de la mobilisation de tout l’appareil d’Etat dans la campagne Fcbe relance les conjectures sur l’impact des défections des anciens sponsors du régime désormais passés à la "rébellion". A l’époque des K.O de 2011, le grand manitou pouvait se passer royalement de la reconnaissance des petits entrepreneurs vis-à-vis de lui, le bienfaiteur. Des mécènes étaient là pour supporter entièrement tout l’effort de propagande, de mobilisation et de tricherie. Même si par ailleurs, ces derniers devraient bénéficier de montages financiers beaucoup plus dévastateurs sur les deniers publics. De l’avis de certains analystes, l’impact du désamour entre Yayi et les plus gros de ses sponsors se fait sentir à plusieurs niveaux : 1- le nouveau fichier électoral totalement hors contrôle du seul camp présidentiel comme ce fut le cas en 2011 ; 2- l’impossibilité de contenir les mécontents des positionnements au sein de la mouvance ; 3- l’obligation de recourir aussi massivement à des nominations en conseils des ministres ; enfin 4- la peur de nombreux comptables publics d’être rattrapés par leurs gestions à la fin de mandat.
Eh oui, la fin de mandat est déjà bien là...
Par Arimi Choubadé