Par 60 voix pour, 02 contre et 00 abstention, les députés ont adopté hier lundi 16 mars à l’Assemblée nationale, la loi n°2015-17 modifiant et complétant la loi n°2013-06 du 25 novembre 2013 portant Code électoral en République du Bénin. La modification touche cinq articles de cette loi électorale dont certains ont été assouplis et d’autres corsés par le législateur.
Les artiles 28, 392, 393 et 465 de la loi n°2013-06 du 25 novembre 2013 portant Code électoral en République du Bénin sont désormais modifiés. Leurs dispositions ont changé depuis hier à la faveur de la séance plénière des députés tenue à l’Assemblée nationale. Une séance plénière au cours de laquelle le président de l’Assemblée nationale, Mathurin Nago a rappelé les accords de la CEDEAO auxquels le Bénin est partie prenante et qui interdisent la modification des lois électorales à six mois des élections. Sauf s’il y a un large consensus. Tenant compte de cette obligation légale, il a expliqué tout le travail de fourmi qui a été réalisé tant au niveau du bureau, de la Conférence des présidents que de la Commission des Lois, de l’Administration et des droits de l’homme pour obtenir un large consensus autour de la proposition de loi dérogatoire à certains articles de la loi électorale déposée par le député Augustin Ahouanvoèbla et autres.
Mathurin Nago a souligné que la modification des articles cités supra a fait l’objet d’un large consensus au niveau des organes de l’Assemblée nationale. Il est impossible pour la plénière de donner suite à certains députés qui exigent que la modification soit étendue à d’autres articles de la loi électorale.
Les juristes privilégiés
Ainsi les quatre articles du Code électoral ayant fait l’objet de consensus des députés seront revisités. Certains de ces articles se sont vus corsés et d’autres assouplis par les députés. C’est le cas de l’article 28 qui a été renforcé pour garantir la transparence du scrutin au Bénin. Cet article 28 traite des modalités de désignation des coordonnateurs d’arrondissement chargés de gérer les élections à la base. Ici, il est fait désormais à la Commission électorale nationale autonome de recruter ces coordonnateurs d’arrondissement prioritairement par les magistrats en fonction ou à la retraite, les avocats, les greffiers en chef et les greffiers. A défaut de magistrats, d’avocats et de greffiers, les coordonnateurs d’arrondissement peuvent être choisis parmi les administrateurs civils en fonction ou à la retraite et les cadres de la catégorie A ayant 5 à 10 ans d’expérience professionnelle en fonction ou à la retraite. L’article 28 nouveau met l’accent sur l’ordre de priorité que la CENA doit observer dans la sélection des agents électoraux. Ce qui n’était pas précisé dans l’ancien Code électoral. Cette mesure des députés favorise plus les magistrats, les avocats et le corps des greffiers qui sont désormais privilégiés dans le choix de ces agents électoraux. «Pour une élection libre et transparente, les magistrats, les avocats, les greffiers en chef, les greffiers, les administrateurs civils ainsi que les cadres de la catégorie A ou équivalent tel qu’indiqué ci-dessus doivent être d’office et obligatoirement réquisitionnés par la Commission électorale nationale autonome (CENA). En cas de doute ou de vérification nécessaire, seuls le ministre en charge de la Justice, le Bâtonnier de l’Ordre des avocats et le ministre en charge de la Fonction publique apportent la preuve de leur inscription dans les différents corps», précise la nouvelle loi.
Les coordonnateurs d’arrondissement sont déployés sur le terrain 7 jours avant le scrutin. Et leur mission s’achève également 7 jours après les élections.
A l’article 392, il est corsé que nul ne peut appartenir à plusieurs listes à la fois dans la même circonscription électorale, cumuler un mandat local et national ; ne pas être suppléant de plusieurs titulaires dans différentes circonscriptions électorales.
Les candidats analphabètes aux élections locales sauvés
L’article 393 clarifie la question de l’illettrisme des candidats. Les députés ont assoupli cette disposition. Désormais, seuls les conseillers municipaux et communaux doivent savoir parler et écrire le français. Les conseillers locaux, quant à eux, sont désormais dispensés de cette mesure. La nouvelle loi, si elle est validée par la Cour constitutionnelle, autorise les candidats analphabètes aux postes de conseillers locaux, à se jeter dans la course pour les prochaines élections locales.
La dernière modification au Code électoral a été portée à l’article 465. Ici, il est fait obligation aux candidats à l’élection des membres des conseils de village ou de quartier de ville, de fournir en plus du certificat de résidence et de la copie certifiée conforme de la carte d’électeur, un acte de naissance ou un jugement supplétif ou à défaut toute preuve justifiant que le candidat a demandé l’établissement de son jugement supplétif. L’avantage de l’article 465 modifié est qu’il permet aux candidats aux élections locales sans un acte de naissance ou un jugement supplétif de déposer leur candidature pourvu qu’ils disposent d’un commencement de preuve par rapport à leur état civil.
Presqu’à l’unanimité, les députés ont trouvé juste l’initiative du Parlement de corriger cette loi électorale qui comportait plusieurs dispositions contraignantes. Ce qui s’est d’ailleurs remarqué dans le verdict du vote sanctionné par 60 voix pour, 02 contre (Epiphane Quenum et Candide Azannaï) et 00 abstention. Epiphane Quenum a désapprouvé cette initiative de correction. Etant donné que, selon lui, le Bénin est déjà en pleine période électorale. On ne saurait changer les règles du jeu en cours de jeu. Par conséquent, il menace de saisir la Cour constitutionnelle. Pour lui, le large consensus exigé par le Protocole de la CEDEAO ne serait pas obtenu avec ce vote de 60 voix pour, 02 contre et 00 abstention. «Consensus ne veut pas dire unanimité», estime le député Djibril Mama Débourou.
Après le vote de la loi, les députés ont ensuite adopté la procédure d’urgence du contrôle de sa constitutionnalité par la Cour constitutionnelle. Ce vote devra permettre à la haute juridiction si elle est saisie par le gouvernement, de voir si les quatre articles modifiés sont conformes à la Constitution.
Thibaud C. NAGNONHOU