Le Coordonnateur national des Forces démocratiques unies (Fdu), Mathurin Nago a appelé samedi 14 mars 2015 à la mise sur pied d’un front républicain contre les Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe) lors des prochaines élections. La majorité présidentielle est porteuse selon lui d’un projet nuisible pour la République. Mais beaucoup trouvent que le président de l’Assemblée nationale qui a perdu depuis peu l’estime du pouvoir joue sa survie politique.
Le président Mathurin Nago s’est montré très engagé et très combattif ce samedi au palais des congrès face aux militants de l’Alliance Fdu et membres des partis et alliances de partis amis. Le Coordonnateur des Fdu a été en effet intraitable envers le gouvernement. « Si le projet de révision de la Constitution ne nous posait aucun problème fondamental au début, les manœuvres et manipulations diverses observées, ajoutées aux informations graves apportées régulièrement par plusieurs personnalités très proches du pouvoir, ont fini par me convaincre qu’il fallait prendre du recul par rapport à ce dossier devenu délicat et encombrant… C’était un dossier mal ficelé, improvisé, précipité comme à l’habitude», a-t-il martelé. Le Professeur Nago a poursuivi : « Autant, je me suis battu pendant la 5ème législature pour faire respecter les principes démocratiques, autant je me battrai corps et âme pour que cette révision opportuniste n’intervienne pas. Cette révision ne sera pas. Un seul individu ne peut décider du sort d’un peuple. Nous allons nous battre avec le peuple». Il finira en exprimant sa détermination : « Ceux qui auront peur de parler sont ceux qui ont des cadavres dans les valises. C’est ceux qui ont des choses à se reprocher. J’ai travaillé honnêtement, sincèrement et fidèlement au péril de ma vie». Des propos qui confirment le nouvel engagement dont est animé le président de l’Assemblée nationale à quelques mois de la fin du mandat du Chef de l’Etat. Seulement à analyser de près, ce retournement politique de Mathurin Nago est incommodant. Il y a certes bien des choses à blâmer dans les 10 ans de gestion de Yayi Boni mais le professeur Nago n’est pas la figure politique la plus indiquée pour faire ces déclarations plutôt chocs. Il s’est longtemps accoquiné avec le régime et tirer beaucoup de profits de ce lien pour s’en démarquer aussi facilement, selon ses détracteurs. Nago a en effet été l’homme de confiance du Chef de l’Etat au Parlement. Il s’était montré parfois plus royaliste que le roi. Les Béninois ne perdront pas de vue de sitôt les événements malheureux ayant opposé Nago au député Ahouanvoébla en février 2011. Pour rappel, le Parlement s’est réuni à la veille de la présidentielle de 2011 pour la désignation des membres des Cec et des Cea suite à une injonction de la Cour Constitutionnelle. Mais la séance avait tourné au vinaigre. Une altercation a eu lieu entre le député Augustin Ahouanvoébla et les militaires de l’Assemblée nationale. Le président Nago a voulu coûte que coûte lire la décision controversée de la Haute juridiction. Ce qui n’était du goût du député Augustin Ahouanvoébla. C’est alors qu’il a menacé de retirer le document des mains du président Nago. Il s’avançait vers le perchoir quand, Maturin Nago a ordonné à ses agents de protection rapprochée de «le prendre en charge». C’était un épisode bien sombre de l’histoire politique nationale. Tout comme cet évènement, la position de Mathurin Nago par rapport à la révision de la Constitution marquera également les Béninois puisqu’il avait aveuglément soutenu l’initiative du gouvernement.
Insincérité…
Aujourd’hui, certains citoyens n’arrivent toujours pas à accorder de crédibilité aux prises de position du professeur Nago. Pour eux, si le président de l’Assemblée nationale était vraiment sincère et «n’agissait pas en manipulateur», il aurait dénoncé les dérives ainsi que les dérapages réels et/ou supposés suffisamment tôt. Beaucoup confient qu’il se serait montré brave et proche du peuple plutôt que d’avoir attendu pratiquement la fin du deuxième mandat pour tourner casaque. Les différentes positions du président Nago ne les convainquent guère. Certains observateurs soutiennent par ailleurs que le président joue sa survie politique. Ses termes de campagnes, son raidissement ainsi que l’appel à la mobilisation contre les Fcbe font partie des choix ultimes qu’il croit pouvoir vendre aux électeurs pour se maintenir au Parlement. Le moment est bien difficile pour l’ancien doyen de la Faculté de sciences agronomiques de l’Université d’Abomey-Calavi. Il joue le tout pour le tout. Sur le terrain, il a trouvé un allié de taille, le maire de Lokossa qui va peut-être peser lourd dans les législatives dans la 18ème circonscription électorale. Le maire Dakpè Sossou jouit d’une popularité certaine qui pourra influer sur le scrutin du 26 avril prochain. Mais l’appui du maire de Lokossa désormais dans le collimateur du pouvoir, suffira-t-il pour sauver le soldat Nago tenaillé par les Fcbe même à Bopa, sa commune natale? L’Alliance Fdu est-elle la parade nécessaire à la vague des cauris annoncée par la majorité présidentielle? Dans cette bataille, rien n’est encore gagné.
A.S