Dans un article publié sur le site de l’hebdomadaire Jeune Afrique le 20 mars 2015, il est fait état de ceux que l’auteur appelle pompeusement « Ces députés adeptes de la transhumance politique ». L’article a été illustré par une photo de l’honorable Claudine Prudencio, député, Première Secrétaire parlementaire de la législature sortante. De même, une partie de l’article lui est consacrée. L’auteur croit donner la preuve de ce que l’élue de la 6e circonscription électorale est une transfuge de sa famille politique originelle.
Il est vrai que Claudine Prudencio, Présidente de l’Union pour le Développement du Bénin nouveau (Udbn), a été élue sur la liste de l’alliance Forces Cauris pour un Bénin Emergent (Fcbe) en 2011. En 2007, c’était plutôt l’Union nationale pour la Démocratie et le Progrès (Undp) qui porta sa candidature aux législatives. Et il est tout aussi vrai qu’en cette année 2015, c’est l’Union fait la Nation (Un), la plus grande force politique de l’opposition, dont elle arbore les couleurs. Ce parcours accrédite-t-il la thèse de la transhumance politique ? Avant de s’essayer à une réponse, il faut clarifier deux préalables : le premier, la définition du concept de transhumance politique ; le second, le parcours idéologique de Claudine Prudencio. Empruntée au vocabulaire pastoral, la transhumance désigne la migration périodique des troupeaux à la recherche d’espaces plus favorables à leur sustentation et à leur épanouissement. Transposée à la vie politique, elle renvoie à l’attitude de l’homme politique qui migre d’un parti politique auquel il appartient au moment de son élection vers un autre parti, pour des intérêts personnels.
Quant au parcours de Mme Prudencio en politique, notamment au contact de Boni Yayi, il est celui d’une ancienne Directrice des Marchés Publics au Ministère des Mines, de l’Energie et de l’Hydraulique qui, dans le cadre de ses fonctions entre 2003 et 2006, a été approchée par celui qui était alors Président de la Banque Ouest-africaine de développement (Boad) et qui ambitionnait déjà de se porter candidat à la présidence de la République. La suite est un long chemin parcouru ensemble. A commencer par l’introduction du futur candidat auprès du Président Emile Derlin Zinsou dont Claudine Prudencio est la nièce, jusqu’à la construction de l’image du candidat « neuf et immaculé » à laquelle elle a participé activement. La suite c’est aussi le soutien qu’elle a apporté à l’homme pour son élection à la tête de l’Etat en 2006, sa réélection en 2011 et aussi ses actions. La suite, c’est également une entrée au gouvernement en 2010 puis l’élection au parlement en 2011 avant l’avènement de la brouille à partir de la fin de l’année 2013. La suite, c’est enfin la rupture. Une rupture très clairement formulée en octobre 2014 et, par conséquent, la candidature de l’honorable sur la liste Un à l’occasion des élections législatives d’avril 2015.
Quand on fait le parallèle entre la définition de la transhumance politique et le cheminement suivi par Claudine Prudencio jusqu’à sa présence sur la liste d’un parti d’opposition en 2015, il est totalement inconvenant de faire le lien que se sont empressés d’établir mes confrères de Jeune Afrique. Si l’élue de la 6e circonscription électorale a fini par quitter les Fcbe, ce n’est certainement pas pour « trouver son bonheur ailleurs ». D’abord, elle était contestée et combattue de l’intérieur, notamment par les autres responsables Fcbe de sa circonscription électorale. Ensuite, elle a été citée parmi les soutiens supposés de l’opérateur économique Patrice Talon, au plus fort de la crise qui opposait ce dernier au Président Boni Yayi dans l’affaire « tentative d’empoisonnement et tentative de coup d’Etat ». Alors même qu’elle n’a fait que tenter une conciliation. De même, le Président Boni Yayi a cru voir sa contribution au vote secret par lequel le budget de l’Etat, exercice 2014 a été rejeté en décembre 2013 au parlement. Sans jamais pouvoir le prouver. Et enfin, quand elle a pris toute la mesure du sort fait aux opérateurs économiques nationaux, délestés au profit des étrangers, elle n’a pas gardé sa langue dans sa poche. Je n’ose pas croire que l’on puisse accuser une personne qui a connu un tel parcours, de transhumance politique. Il n’existe pas un seul homme, si fidèle soit-il à un idéal, qui soit capable de continuer à soutenir une famille politique où il est ainsi traité, aussi peu écouté et résolument poussé vers la sortie. En conséquence, ne serait-ce que par défi, par opiniâtreté et par conviction, Claudine Afiavi Prudencio, devait se porter candidate et mener le combat pour la 7e législature sur une liste des forces d’opposition. Le mener et le gagner. Car le peuple n’est pas dupe, qui sait de quoi retournent les attaques contre elle. Si après ça, quelqu’un veut encore parler de transhumance politique, libre à lui. Il ne sera pas très difficile de comprendre qu’il est en mission commandée.
James-William Gbaguidi(Coll)