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La Presse du Jour N° 1927 du 11/7/2013

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Eventuelle participation de la Caisse au budget de l’Etat : Lucien Glèlè craint pour la Cnss
Publié le jeudi 11 juillet 2013   |  La Presse du Jour


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La Caisse Nationale de Sécurité Sociale


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Dans cette lettre ouverte adressée au Gouvernement, au Conseil national du patronat et à toutes les centrales syndicales, M. Lucien Glèlè a dit sa crainte de voir la Caisse nationale de sécurité sociale (Cnss) couler si la réforme selon laquelle elle doit contribuer aux dépenses de l’Etat était effective. « Ce serait une nouvelle manière de la pomper au risque de nous ramener à la lugubre situation de 1988 », prévient l’ancien président du Conseil d’administration de la Cnss. Lire sa lettre.



Lettre ouverte au Gouvernement, au Conseil National du Patronat et à toutes les centrales syndicales du Bénin

Le vendredi 05 juillet 2013, surprenant une émission où le Ministre du développement, Monsieur Marcel de Souza, faisait part, à la presse et au peuple, sur les ondes de certaines nouvelles réformes que le gouvernement voudrait entreprendre. Ces reformes concernent les sociétés et offices d’Etat parmi lesquels il a cité la Caisse nationale de sécurité sociale (Cnss). J’ai ouï dire aussi, au cours de la même émission qu’il faut trouver des financements à ces structures d’Etat dont la Cnss pour améliorer leur performance en vue de participer au budget de l’Etat. Je suis inquiet et j’invite le gouvernement à dissocier la Cnss de ces structures d’Etat dont les statuts ne sont pas les mêmes.
Pour avoir été témoin, en tant qu’administrateur de la même Caisse, dans les sombres années de 1987, 1988, et de 1989 pendant lesquelles, nous avons assisté, impuissants, aux drames humains qui avaient eu lieu sous nos yeux. Il s’agissait des usagers qui venaient chercher leur pension de retraite avec leurs enfants malades, ordonnances en mains. Faute de ne pouvoir les payer, ces enfants mouraient dans les bras de leurs parents. Les mêmes drames s’étaient reproduits sur les usagers eux-mêmes, qui, manquant de moyens pour se soigner, faute de non payement de leur pension, mouraient facilement de leur maladie, parce que les caisses de la Cnss étaient vides. Vides parce que pillées. Vides à cause de sa très mauvaise gestion. Et ces drames se répétaient.
Pour assainir donc cette structure, nous avons eu recours aux partenaires au développement, en particulier, à la Banque mondiale et au Bureau International du Travail (Bit) qui, à la demande du Ministre du travail d’alors Madame Véronique AHOYO, avait dépêché sur les lieux, son actuaire principal Monsieur Lambert GBOSSA pour un audit en profondeur de ladite Caisse. Les résultats de cet audit ont donné lieu à des recommandations qui ont imposé, aux cotisants aussi bien qu’aux usagers, de lourds sacrifices. C’est ainsi que nous avons vu des pensions indument calculées de plus de deux millions (2.000.000 FCFA) par trimestre plafonnées dans le respect de la réglementation à trois cent milles (300.000 FCFA) et les cotisations des employeurs et des travailleurs ont connu une augmentation. Le Conseil d’administration qui était de 21 membres à l’époque était réduit à 07 membres. C’est sous cette réforme que nous avons fonctionné jusqu’au vote de la loi N° 98-019 portant code de sécurité sociale en République du Bénin. C’est au prix de ce lourd sacrifice, consenti de part et d’autre, que notre Caisse a commencé à relever la tête au point de devenir la Caisse de la sous-région qui a le mieux respecté les règles pour l’équilibre financier afin de garantir le payement des prestations. Ceci a suscité un cas d’école au point que le Directeur Afrique du Bit basé à Abidjan nous a invités à livrer aux Caisses de la sous-région le secret de notre réussite spectaculaire. A cette époque, une délégation composée du président du Conseil d’Administration que j’étais, accompagné du Directeur technique d’alors, Monsieur KEMOKO Allassane, pour répondre aux préoccupations de nos amis. Au cours de mon exposé au Bit à Abidjan, je leur ai démontré que le miracle n’est pas dû à autre chose qu’aux lourds sacrifices consentis de part et d’autre en donnant comme exemples que moi-même Président du Conseil d’Administration (Pca), j’avais comme jetons de présence cent cinquante mille (150.000 FCFA) pendant que mes collègues des autres pays touchaient quatre fois, cinq fois plus que ce que je touchais. Ce n’était qu’un exemple pour convaincre mes invitants, que ce n’est qu’à force de sacrifices librement consentis par tous les concernés de la Caisse et les retraités eux-mêmes, qu’on est arrivé à ce résultat. Je dois rappeler qu’à cette époque, l’Etat devait à la Caisse onze milliards ou un peu plus sous le régime du Parti de la Révolution populaire du Bénin (Prpb) que la Caisse n’a jamais pu recouvrer jusqu’à ce jour.
Depuis l’année 2000 jusqu’à ce jour, nos états financiers n’ont connu que des résultats positifs ascendants d’année en année. Tout ceci, pour dire que les ressources de la Cnss sont des ressources extrêmement sensibles, parce que d’origine sociale et dont la gestion obéit aux recommandations du Bit et aux textes de la Conférence inter-africaine de prévoyance sociale (Cipres), une structure supra-nationale à laquelle toutes les caisses, celles de la zone francophone ont adhéré et ratifié les textes. Notre code de sécurité sociale actuelle a prévu des ratios sur la manière de gérer ces fonds. Aujourd’hui, la Cnss ne bénéficie d’aucun financement parce que son équilibre financier est assuré. Au contraire, elle est le seul office d’Etat qui respecte ce principe sur la place. La seule règle à respecter, c’est de vérifier peut-être, tous les trois ans ou tous les cinq ans par des études actuarielles, si les prescriptions en vigueur sont respectées. C’est ce que le Conseil d’Administration qui vient de terminer son mandat, dès le début de sa prise de fonction n’a jamais cessé de réclamer sans succès. C’est le résultat de cette étude actuarielle, le respect des ratios, les réserves techniques et l’équilibre des branches qui la composent qui déterminent la bonne santé et le meilleur fonctionnement de la Caisse.
Je m’étonne, en écoutant sur les antennes, il y a de cela quelques semaines, le Directeur Général de ladite Caisse qui rassurait les usagers que la Caisse pouvait les payer pendant 20 ans sans aucune difficulté. Cela prouve encore l’ignorance des textes, des mécanismes qui fondent le bon fonctionnement de la Caisse nationale de sécurité sociale.
Mais là où je manifeste vivement mes inquiétudes à propos de ces dites réformes, c’est lorsqu’on parle de rendre performants ces structures et offices d’Etat aux fins de leur participation aux dépenses et au fonctionnement de l’Etat.
Je pense pour ma part et sous le contrôle de tous mes collègues, employeurs et travailleurs, que la Cnss, qui est une structure à caractère strictement sociale ne fonctionne que sur les cotisations des employeurs et des travailleurs, et ne doit donc pas être alignée ou associée aux autres sociétés et autres offices d’Etat dans lesquels l’Etat a mis des capitaux. Le souci majeur qui a été le nôtre (le Conseil sortant je m’entends) a été comment gérer le placement de ces fonds qui constituent les ressources fondamentales et essentielles de la Caisse. C’est soucieux de cette situation que, lorsque que j’étais le Président du Conseil d’Administration, j’ai été interpellé par les commissaires aux comptes pour la gestion de ces fonds qui devenaient de plus en plus importants, et m’invitaient à mettre en place une politique de gestion de ces fonds. C’est alors que j’ai sollicité d’abord, craignant une éventuelle dévaluation le Ministre des finances d’alors Monsieur Grégoire Laourou, pour nous aider à placer nos fonds hors de la zone Uemoa. C’est dans ce même souci et pour la même cause que par la suite, j’ai rencontré à Lomé, accompagné de Monsieur Arouna Aboubakar, Directeur Général de la Caisse en ce moment, le président Boni Yayi, président de la Boad pour nous aider à trouver une solution dans la gestion de nos fonds. C’est ainsi que, sur ses conseils, nous avions créé le Fonds ouest-africain pour l’investissement (Foai) actuellement dénommé Sicav Abdou Diouf dont la société de gestion est la Soaga avec son siège à Cotonou. C’est pour sauvegarder et fructifier les fonds de la Caisse que j’avais entrepris toutes ces démarches en ces temps-là.
Si aujourd’hui, au nom d’une réforme quelconque, on va commencer à exiger de la Cnss sa contribution aux dépenses de l’Etat, ce serait une nouvelle manière de la pomper au risque de nous ramener à la lugubre situation de 1988. Il n’est que de constater la gestion peu orthodoxe que nous observons du budget de l’Etat pour justifier nos craintes. Je crie mon désarroi pour que la Cnss soit retirée de cette dite réforme. Nous ne parlons pas au hasard car, nous avons de sérieuses raisons de penser que l’Etat est trop regardant sur les fonds de la Caisse au lieu de se soucier de sa bonne gestion. C’est le lieu d’affirmer que dans ce pays, on ne met jamais l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. (…) La gestion s’apprend. La seule chose dont souffre cruellement cette maison, c’est le parachutage de certains cadres étrangers, sous l’œil complice des cadres de la caisse, réfractaires à toutes idées innovantes, qui prennent le contrepied de toutes les règles de bonne gestion de cette maison. Tant qu’on fera de cette Caisse un lieu de placement politique, nous ne serons pas à l’abri des mauvaises gestions que nous dénonçons aujourd’hui. Cette structure doit obligatoirement obéir, pour sa bonne gestion, à la recommandation N° 22 de la Cipres qui donne la possibilité au Conseil d’administration de faire appel à candidatures pour les postes sensibles, en l’occurrence le poste de directeur général et le poste de directeur financier, qui seront responsables devant le conseil. C’est l’irrespect et l’ignorance volontaire de cette recommandation qui nous ont conduits aux déconvenues actuelles et qui fait étaler dans le public les tares de cette maison. Il faut, autant que possible, dissocier la gestion de ces fonds de la gestion du budget de l’Etat. Tant qu’on ne respectera pas le principe et les recommandations de la Cipres, tant que c’est le gouvernement qui doit nous parachuter un directeur général, nous continuerons toujours d’avoir les mêmes difficultés de gestion. Le rapport de fin de mandat du dernier conseil d’administration est assez édifiant. J’invite donc humblement le Chef de l’Etat à bien en saisir le contenu pour mettre fin aux désordres qu’on observe dans cette maison depuis un certain nombre d’années.
Ma réaction ne s’inscrit que dans la droite ligne de la défense et de la sauvegarde des intérêts des usagers de la Caisse nationale de sécurité sociale (Cnss).

Monsieur Lucien G. GLELE (Ancien Président du Conseil d’administration et administrateur sortant)

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