A moins de trois ans de la fin de son mandat, Yayi Boni ne songe pas encore à choisir son dauphin. Bien au contraire, il bataille contre ses plus proches collaborateurs, Pascal Koupaki en tête. Tous ceux qui tentent de sortir la tête des épaules pour s’afficher sur l’échiquier politique national sont sur la liste noire. Ils sont persécutés et réduits à leurs fonctions actuelles de membres du gouvernement ou de cabinet présidentiel. Seul, le chef de l’Etat règne en seigneur.
Tout ça pourquoi ? Parce qu’il n’a pas véritablement l’intention de quitter le pouvoir en 2016. Yayi à gauche. Yayi à droite. Yayi en bas. Yayi en haut. Yayi au milieu. Le globe-trotter président béninois qui a déjà fait la moitié de son deuxième et dernier mandat constitutionnel est tout le contraire d’un chef d’Etat qui veut réellement passer le témoin en 2016. A moins de trois ans de la fin de son règne jonché de contradictions au sommet de l’Etat, le voilà très entreprenant et occupant de plus en plus le devant de la scène politique.
C’est maintenant qu’il compte finir ce qu’il n’a pas achevé depuis sept ans. Il donne l’impression même d’oublier qu’il s’en va finir son mandat et qu’il doit commencer par montrer dans le clan présidentiel celui qui va lui succéder. Il est présent sur tous les fronts. Comme d’habitude d’ailleurs. Dans la multiplication de ses gestes de séduction, le non-dit est le suivant : il est décidé à ne céder aucun espace politique à de probables dauphins.
A vrai dire la compétition avec l’opposition s’est déplacée depuis un moment. Elle est devenue une affaire entre Yayi Boni et ses ministres présidentiables. Il se charge lui-même de les anéantir. On en reparlera. Aujourd’hui, entre l’opposition et ses collaborateurs, Yayi Boni craint le plus ces derniers. Accroché au Pouvoir, il ne laisse aucun espace à ses potentiels dauphins, Pascal Koupaki en tête, suivi de Nassirou Bako-Arifari, Robert Gbian, Marcel de Souza. Ils n’ont pas les couilles d’aller sur le front politique pour leur propre compte au risque de se faire broyer par le turbo de Tchaourou.
Pascal Irené Koupaki
Que diantre allait-il chercher dans cette galère ? Banquier de bonne réputation, il est considéré comme le cerveau du gouvernement. Il était aimé par le chef parce que face aux errements de ce dernier, il arrive à coordonner à sa manière les actions du gouvernement. Ministre sans discontinu, puis n°2 de l’équipe gouvernementale en sa qualité de premier ministre kpayo, (ce poste ministériel n’est pas prévu dans la Constitution béninoise), il a voulu démissionner à plusieurs reprises, mais Yayi Boni réussit à le persuader toujours de ne pas déposer les charges. Le chef de l’Etat a su le dompter tout le temps par tous les moyens.A tel point qu’aujourd’hui, Pascal Koupaki ne peut plus parler, ni démissionner. Il ne peut pas être dissocié de Yayi Boni quant au bilan de celui-ci.
En réalité c’est avec le temps que Koupaki a découvert la vraie face de Yayi Boni. Il sait que rien n’est jamais sûr avec son chef. Il sait que derrière le visage angélique que présente le président de la République, il existe un autre être. Après lui avoir promis son costume de dauphin naturel, Yayi Boni démontre aujourd’hui qu’il n’est plus en mesure de lui faire l’échelle en 2016 et qu’il ne verra pas d’un bon œil sa candidature pour ce scrutin. Laisser le pouvoir au très fidèle premier ministre en 2016 n’est plus à l’ordre du jour parce que Yayi Boni continue de lui faire ombrage et l’empêche de gagner du terrain au plan politique. Prenant pour parole d’évangile, la promesse de Yayi Boni, Pascal Koupaki s’est lancé dans la conquête des sympathisants en prenant sur un plateau d’or la présidence du parti Union pour le développement d’un Bénin nouveau (Udbn).
Servi par l’honorable Claudine Prudencio, fille spirituelle de l’ancien président Emile Derlin Zinsou et très proche du richissime homme d’affaires Samuel Dossou, le premier ministre avait les moyens de se mettre en évidence pour 2016. Il a même entrepris un périple à l’intérieur du pays pour venter les avantages de la Refondation. Sa cible était bien entendu la jeunesse. Seulement, il a été très vite arrêté dans son élan. Il en a été dissuadé par Yayi Boni. C’est ce qu’est devenue la promesse de ce dernier à son premier ministre. Depuis lors, Pascal Koupaki s’est recroquevillé dans son coin, attendant la main au menton ce qui va se passer.
Après le traumatisme des manœuvres de déstabilisation provenant de son patron à cause de ses accointances avec certaines personnalités en disgrâce vis-à-vis du Pouvoir, il doit faire face à cette persécution. Un conseil : du moment où ce n’est plus la bonne camaraderie entre le président de la République et lui, son seul avenir, c’est de réussir à quitter cet enfer pour prendre ses marques s’il veut avoir de sérieuses chances en 2016.
Nassirou Bako-Arifari
Pour beaucoup, l’actuel ministre des Affaires étrangères a été récompensé après avoir réussi à mettre en déroute l’opposition qui s’était mobilisée pour faire échec à une Liste électorale permanente informatisée (Lépi) non consensuelle qui a facilité le K.O à Yayi en 2011. Même considéré tel et jugé très proche du président de la République, Nassirou Bako-Arifari est en froid avec ce dernier. Il s’est brouillé avec le pasteur Yayi. A l’origine, le très sensible dossier relatif à l’expulsion manquée de l’ex-ambassadeur de France près le Bénin, Jean-Paul Monchau. Le ministre des Affaires étrangères s’y était opposé. Une réaction qui n’a pas été du goût de Yayi Boni. Depuis que cette information a fuité dans la presse, les relations entre les deux hommes se sont détériorées.
Le temps est passé pour que cette vieille querelle soit vite oubliée. Elle n’est donc pas la raison de l’acharnement contre Nassirou Bako-Arifari. Le président de la République s’est fâché contre son ministre parce qu’il sait que l’homme est un présidentiable. Certaines langues racontent que Yayi Boni lui faisait confiance, mais que les donnes ont changé. Le péché de cette ancienne figure de proue du G13 dont on a déjà tourné la page, c’est d’avoir été approché par ses « frères » pour se présenter à la prochaine présidentielle. Yayi Boni ayant eu écho de cela a commencé par former l’étau autour de ce potentiel candidat. Lui qui ferraillait dur dans le premier cercle du chef de l’Etat semble ne plus bénéficier des mêmes privilèges. Il fait partie de cette fameuse liste noire concoctée par le locataire de la Marina.
Pourquoi lui en vouloir si tant ? Parce que Yayi Boni veut toujours rester au pouvoir au-delà de 2016. Après que le chef de l’Etat s’est servi de l’ancien Coordonnateur de la Cps/Lépi pour reprendre le pouvoir en 2011, il le combat parce que ses services de renseignement présentent le ministre des Affaires étrangères comme un cheval partant. Ce qui démontre que Yayi Boni a une idée derrière la tête en voulant réviser la Constitution.
Robert Gbian
Ancien intendant du Palais de la République, le général Robert Gbian et le président de la République entretenaient d’excellentes relations. Les deux se connaissent et ont beaucoup de choses en commun. Seulement à la date d’aujourd’hui, le général a pris ses distances vis-à-vis du président de la République. A titre d’exemple. Robert Gbian est resté à Cotonou pendant que Yayi Boni se promenait au Nord la semaine dernière. Chose inhabituelle entre les deux personnalités. Ce qui alimente cette division, c’est encore la question de la candidature du général Gbian. Yayi Boni qui de sa propre inspiration a avancé cette idée dans le but de contrecarrer Abdoulaye Bio Tchané sur le terrain au Nord, estime qu’il n’en est plus question. Or dans bien de milieux dans la partie septentrionale surtout en pays bariba, où Gbian est plus que populaire, sa candidature à la présidentielle de 2016 est devenue sujet de préoccupation.
Chaque jour que Dieu fait, des appels suscitant cette candidature se multiplient. Il ne fallait pas plus que ça pour voir Yayi Boni sortir de ses gonds. Il en a fait son combat personnel parce que pour lui, Gbian ne doit pas rêver de briguer la Magistrature suprême. Face à ses intrigues, le militaire ne s’est pas fait prier pour se ranger. Avant que cette brouille n’intervienne, il continuait de servir le chef de l’Etat au cabinet militaire bien qu’étant admis à la retraite. Mais, les volte-face successives du président de la République ont précipité son départ du Palais. En clair, plus rien ne va entre eux. Le général Robert Gbian est désormais dans le viseur de Yayi Boni qui veut toujours rester au pouvoir au soir de ses deux mandats constitutionnels. Son acharnement contre les dauphins traduit son obsession pour le fauteuil présidentiel.
Marcel de Souza
A l’exception des trois autres, ce beau frère du chef de l’Etat est toujours en odeur de sainteté avec Yayi Boni. Il a le privilège d’être l’homme le mieux écouté en ce moment par Yayi Boni. Marcel de Souza ne cache pas la vérité au Pasteur St Thomas. Son nom se trouve sur la liste des personnalités pressenties dans le clan présidentiel pour se lancer dans la course en 2016. A l’abri de la brouille entre dauphins et président de la République, le ministre du Développement, s’il était coopté apparaîtra comme une mauvaise pioche. Pour deux raisons. La première, c’est que beaucoup au sein de la famille présidentielle auront du mal à accepter sa candidature. Marcel de Souza candidat, est aussi un mauvais point pour Yayi Boni. La deuxième raison, c’est qu’en réalité, le ministre du Développement ne pourra pas faire le poids face aux ténors des autres.