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L`événement Précis N° 1128 du 19/7/2013

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Edito: L’effondrement culturel
Publié le vendredi 19 juillet 2013   |  L`événement Précis




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Le kpayo a son pendant dans l’art. C’est la piraterie dont les ravages ne se comptent plus. Et c’est ainsi que 12 225 CD piratés ont été arraisonnés mardi dernier par le Bureau béninois du droit d’auteur et des droits voisins (BUBEDRA). La colère des artistes ainsi volés était à la mesure du forfait, mais surtout du drame que vit la production des œuvres de l’esprit au Bénin. C’est une vraie tragédie.

S’il vous a été donné ces temps-ci de le voir, certains de nos artistes sont obligés de vendre eux-mêmes leurs CD. Nous assistons à des scènes insoutenables de Pipi Wobaho et compagnie qui se mettent au beau milieu des grands carrefours pour distribuer eux-mêmes leurs productions. Johnnie Ahossi en fait de même, lui qui depuis de nombreuses années a été contraint de se balader de quartier en quartier pour vendre lui-même ses productions. Comme un vulgaire vendeur de CD. Images de l’art en décadence, de l’œuvre d’esprit profanée jusqu’à sa valeur…

Dans le même temps, la plupart des artistes sont obligés, pour survivre, de se vendre à gauche et à droite lors des séminaires et autres colloques. Pour survivre. Chaque fois que l’on assiste à ces événements, il y a comme un déchirement intérieur : que vient chercher le show-biz au milieu de la réflexion sur l’eau ? Que cherchent les déhanchements lubriques d’une Pélagie la Vibreuse au milieu d’un colloque scientifique sur les criquets ?

Nous assistons dans chacun de ces cas aux manifestations de la mort programmée de l’industrie culturelle béninoise. Sous les fourches caudines de la piraterie, elle s’effiloche en éteignant au passage le génie de nos créateurs. La conséquence numéro un, visible et palpable, c’est la fermeture de toutes les salles de cinéma au Bénin. Les salles obscures ont toutes disparu dans une grande ville comme Cotonou. Sous les coups de boutoir de la piraterie, les films sont vite copiés, multipliés à l’envi et circulent dans tous les ménages et dans les hameaux. Ceci est sans doute redevable aussi aux mutations technologiques qui ont fourni des gadgets sophistiqués propres à déboussoler le génie des créateurs.

Mais là où la question se pose, c’est que ces technologies qui tuent l’art ici, existent également ailleurs, sans provoquer l’hécatombe que nous voyons. En France, aux Etats-Unis et dans tous les pays développés, les industries culturelles sont en plein essor et drainent des chiffres d’affaires faramineux. Le cinéma seul constitue un puissant vecteur de création d’emploi et de richesse. L’exemple le plus proche, c’est le Nigeria même où le cinéma tend à devenir une part essentielle de l’économie au point de mobiliser des fortunes colossales.

Tout récemment, l’économiste Rhétice Dagba, retraité de la BCEAO et ancien conseiller technique du ministre des finances, n’a pas hésité, lors d’une conférence publique, à considérer l’industrie des loisirs comme le socle des changements économiques qu’il souhaite pour le Bénin. Mais il a oublié que les œuvres d’art au Bénin sont soumises à la rude concurrence du faux.

En dehors du cinéma, la chanson et le théâtre sont aussi durement touchés. Et l’on peut toujours se demander où nos créateurs trouvent des moyens pour produire chaque fois leurs œuvres. Derrière leur ténacité se cachent sans doute des misères et beaucoup d’humiliations, même pour les plus illustres d’entre eux. Beaucoup se font malmener pour avoir les maigres subsides du Fonds d’aide à la culture, là où ailleurs, les artistes brassent des milliards au point d’acheter des avions et de vivre sur des iles paradisiaques. On peut voir aussi à intervalles réguliers comment de grands noms de la musique et de l’art se réunissent pour « soutenir » le Chef de l’Etat. Derrière ces générosités hypocrites, est érigée bien souvent une funeste soif de gain. Si l’on ne saurait empêcher un artiste de faire de la politique à sa manière, quelle idée tout de même de se mettre collectivement au service d’un Chef d’Etat !!!

Tout en s’exposant à la dévaluation de leur art, les artistes qui se voient contraints à ces extrémités n’ont malheureusement pas tort. Ils n’ont pas tort de chercher à vivre ou à survivre.

Par Olivier ALLOCHEME

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