A 31 mois de son départ de la tête du pays, le Président Thomas Boni Yayi s’essaye à toutes les formules et recettes miraculeuses pouvant le projeter dans un Bénin dont il a désormais lui seul, les perspectives. La dernière trouvaille -prière laisser la liste ouverte- reste le magistral "10 millions d’âmes, 10 millions d’arbres". Créer un Bénin "vert" en y plantant autant d’arbres que d’habitants. Les couleurs et Boni Yayi, c’est une histoire d’humour, que dis-je, une histoire d’amour.
Par JosPerzo ANAGO
Au Bénin, depuis sept ans, sans exagération aucune, on peut reconnaitre au premier des béninois, de n’avoir pas usurpé son statut. Seul parmi ses compatriotes à faire étalage d’une immense capacité d’invention, le Chef d’État béninois peut se targuer de rendre verts de jalousie, ces pairs de la sous région. Vert, à distinguer de l’autre marche contre la corruption. Le vert c’est la nouvelle couleur dont Boni Yayi a choisi de draper le Bénin depuis le jeudi 11 juillet 2013. Cette opération ou ce projet serait le prolongement du "sommet de la terre" de Rio au Brésil, en 2012. "Dix millions d’âmes, dix millions d’arbres", c’est l’arme fatale du Bénin contre l’avancée du désert et les effets des changements climatiques. Imparable.
Moi, je l’avoue, j’ai été presque séduis par le nouveau projet du Chef de l’État. J’y adhère presque sans condition, contrairement à mon aversion et ma totale opposition à la périlleuse initiative de révision de la constitution. Je me suis surpris à dire que Monsieur le Président a joint l’utile au futile. Car, entre les millions de plants, d’essences variées et véritablement bénéfiques à tous les citoyens, et un projet inapproprié aux contours flous, proposé au forceps à des députés majoritairement pris en otage, le choix du bon sens et de la raison est clair.
La perspective d’un Bénin verdoyant, à la limite d’une Amazonie dans le Golfe de Guinée m’enchante. Sans faire l’injure aux nombreux compatriotes qui ont depuis toujours, anonymement planté (certains) des milliers d’arbres, je dois reconnaître que dix nouveaux millions d’arbres plantés chaque année sur les 112 600 km carré de ce pays n’en feront pas que seulement un pays vert mais mieux que cela.
Seulement, voilà, si le dernier projet du Chef de l’État est d’un vert rassurant, j’ai encore en mémoire, l’autre vert déferlant d’une mémorable marche, sans oublier le blanc-cotonneux de ce précieux fibre dont les nombreuses campagnes tapageuses ont englouti plus de milliards de nos francs qu’elles n’en ont rapportés malgré la présence constante et inutile du Président béninois dans les champs de coton. Ma hantise des couleurs ne fait qu’accentuer mes doutes si je me remémore l’épisode de ce ministre de la République reçu par le Président Boni Yayi au palais de la présidence, brandissant fièrement tel un trophée de guerre, un hypothétique flacon contenant les premiers prélèvement de l’or...noir extrait au Bénin. Depuis, s’est installé un silence abyssal, aussi profond qu’un puits de pétrole en offshore.
Je ne voudrais pas ici, m’attarder sur la couleur rouge latérite du tronçon Akassato-Bohicon, qui a fait place (depuis la pose de la première pierre) au gris bitume promis à la face du monde par Monsieur le Président.
Comment oublier la couleur de ce carton rouge vermeille que Boni Yayi a décerné aux honorables députés pour s’offrir par ordonnance lui-même, un budget sans cadrage, sous prétexte de surmonter "un blocage qui fait peser de graves menaces sur notre jeune démocratie et l’action du Gouvernement". Ce passage en force devrait lui permettre de réaliser des projets majeurs tels que la fameuse protection de la côte à l’Est de l’Epi de Siafato. Ici encore, l’immuable rituel de l’inévitable pose de la première pierre des travaux a été religieusement observé par le Président de la république.
Les travaux ayant "démarré" le 16 juillet 2009, la fin du Projet est prévue pour juillet 2012.
Doit-on rappeler toutes les humiliations qui ont été faites aux honorables députés, traités d’apatrides aux travers d’interminables marches ? Force est de reconnaître qu’en juillet 2013, l’érosion côtière continue de gagner inexorablement de terrain en attendant la concrétisation de cette œuvre de Sisyphe.
Je n’ai rien contre les nombreuses initiatives du Chef de l’Etat du Bénin, encore moins contre ses rêves bien colorés. Seulement, comme de nombreux compatriotes, j’ai légitimement hâte de toucher du doigt.
Monsieur le Président, Il est temps de nous édifier à travers des initiatives porteuses d’actes concrets.
À la réflexion, il a été bien inspiré ce simple d’esprit qui demanda un jour à "Jacob" perché depuis des lustres au sommet du plus haut monument de Cotonou, la tête dans les nuages de descendre sur terre car, avec sa houe, il ne peut labourer là haut...