Dans notre parution N° 4566 du mardi 24 mars 2015, nous écrivions : « Tournée du maire de Cotonou : Xwlacodji en colère contre Nicéphore Soglo ». Le premier citoyen de la capitale économique est revenu sur ce mouvement d’humeur dont il a été victime, le lundi dernier dans ce quartier du 5ème arrondissement. Il estime que c’est le gouvernement qui est responsable de la destruction des biens des populations de Xwlacodji et, de ce fait, c’est contre lui que les victimes doivent retourner leur colère et non sa personne.
Il poursuit sa récrimination en disant : « Xwlacodji a été cassé par le gouvernement. Et, ce que je n’aime pas avec celui qui a été à mes côtés, c’est que Yayi Boni fait la politique de Ponce Pilate. C’est la même situation à Akogbato, s’agissant du dragage… ». Le maire de Cotonou n’a vraiment pas mâché ses mots quant à ce dossier Xwlacodji. Il est allé plus loin….
Je suis allé d’abord sur la berge où il y a des montagnes d’ordures. J’ai en fait reçu un courrier de la part de l’un de mes conseillers. C’est un député, Patrice Tossè. Il y a dénoncé ce que j’appelle : « le scandale sur le chenal et les berges lagunaires de Cotonou ». Les gens vont chercher des ordures pour stabiliser la berge et rétrécir le chenal. La saleté ! Vous convenez avec moi évidemment que c’est dangereux pour la santé et des sociétés ont dû fermer leurs portes. Il y avait une grande société qui s’appelait Crustamer et beaucoup d’autres, qui ont dû fermer ; or ceux qui habitent ces zones là et notamment Xwlacodji, vivent de la pêche … comme ça, le chômage s’est installé. On a dit, pour y redynamiser l’économie, il faut agir. Mais le Gouvernement, comme d’habitude, avait un agenda caché dont il ne m’avait pas parlé. Il voulait casser Xwlacodji. J’ai fait mon enquête parce que je suis inspecteur des finances. Et effectivement, son agenda était différent de ce que nous avons convenu de faire. Ils ont décidé qu’ils construiraient un certain nombre d’équipements : création d’un port de plaisance, construction de bar restaurant etc. ça, ce n’était pas ce qui était prévu. Xwlacodji a été cassé par le gouvernement. Et ce que je n’aime pas avec celui qui a été à mes côtés, c’est que Yayi Boni fait la politique de Ponce Pilate. C’est la même situation à Akogbato, s’agissant du dragage. Les documents sont là. Ça a été piloté de bout en bout par le gouvernement. Quand les promoteurs sont venus nous voir, les nôtres ont dit : vous êtes invités à aller au ministère des mines. Nous avions dit attention : « la présente autorisation est accordée sous réserve du respect strict des règlements en vigueur ». Il y avait à voir évidemment par le gouvernement, les questions d’environnement sans quoi on ne peut rien faire. Dès qu’il y a le moindre problème, on dit que c’est la Mairie. Je sais que j’ai le dos large ; mais ce que je n’ai pas aimé dans l’histoire de Xwlacodji, c’est que les gens savent que j’ai des liens sentimentaux avec Grand-Popo parce que le meilleur ami de mon père, puisque nous vivions au Togo, c’est Coffi Julien. Je crois que ce n’est pas juste d’aller casser les gens à la veille de la saison des pluies. L’un de vos confrères a sorti l’intervention que j’ai faite sur RFI en 2008. Je vais vous dire ceci sur Yayi Boni puisque c’est de lui qu’il s’agit. C’est un membre de notre parti, que j’ai envoyé à la Boad : il a le complexe d’œdipe « tuer le père pour exister ». Je suis un peu surpris mais, c’est dommage. Nous devons à tout prix sauver la démocratie dans notre pays.
La rage de vouloir tuer le père
Ce que je n’ai pas aimé dans ce qui s’est passé à Xwlacodji, c’est que dans la rage de vouloir tuer le père, on a fait une chose que je trouve inacceptable. Nous devons respecter les croyances de chaque personne. Moi, je suis catholique, mes enfants sont musulmans. Dans ce pays, nous avons la tolérance. Vous connaissez ça ? (montrant un numéro de l’hebdomadaire Jeune Afrique avec un titre) « Jésus connections ». Je vais vous parler de cet article de l’hebdomadaire au sujet duquel, mes camarades de promotion à l’Ena m’ont demandé ceci à Paris : « où est-ce que vous avez trouvé ce pasteur ? » (Parlant de Yayi Boni). Ils sont allés à Xwlacodji. Ils ont détruit les lieux sacrés. Est-ce que c’est normal ça ? C’est Boko Haram qui agit ainsi. Pourquoi aller casser les lieux des religions traditionnelles ? il y avait évidemment à mon arrivée à Xwlacodji, quelques provocateurs manipulés par les politiciens… Mais les gens de Xwlacodji, les vrais gens de Xwlacodji me connaissent, je ne parle pas des gens à qui on a donné de l’argent à l’exemple du Chef de Quartier, un Rb. Comme la situation est difficile et nous sommes en période électorale, il a fait ce que beaucoup de gens font. Ce que j’appelle l’ « adogocratie ». Le Chef du quartier a donc emmené quelques jeunes manipulés comme lui. Car c’est la manipulation politique à Xwlacodji. Moi, je ne vais pas en découdre avec eux. Je suis allé à Xwlacodji pour voir dans quelles situations vivent ces valeureux à qui le gouvernement a rendu la vie difficile. Moi, je suis en train de travailler. Je suis en tournée dans la ville. Quand certaines parties de mes arrondissements ont des problèmes, j’essaie d’avoir des financements spécifiques de mon organisation, là où je travaillais : la Banque Mondiale ou alors l’Union Européenne. Nous avons des projets : un programme d’Appui de l’Agglomération de Cotonou. Nous avons Paris-Cotonou- Abidjan. Nous avons Ouagadougou-Cotonou. Si le gouvernement ne fait rien à Xwlacodji, il faut que nous puissions monter un mécanisme de réaménagement de la zone. Donc moi je suis serein. Tout ce qui s’est passé, ça fait partie de la campagne électorale. Tout le monde sait. Ce que j’aime dans ce pays, c’est ce que disait Paul Dossou (paix à son âme) « on se connait dans ce pays ». Nous avons des dossiers sur tout ce qui a été fait. Moi je suis un homme de dossiers. Même s’il y a des problèmes partout, c’est un travail de longue haleine. Et nous sommes des développeurs.
Je vous remercie.
Pourtant, c’est vrai
Comparer Yayi Boni à Ponce Pilate n’est pas sans originalité. Nicéphore Soglo, chrétien, a bien rappelé qu’il a juste trouvé qu’en cette période pascale, l’expression appropriée pour désigner celui qui décline toute responsabilité après vous avoir livré à la mort, c’est « Ponce Pilate ». Dans l’histoire romaine, ce légendaire personnage, (peu favorable aux Juifs qui réclamaient la mort de Jésus-Christ, mais craignant d’être disgracié par l’empereur), livra le Messie et déclara, en se lavant les mains : « Je suis innocent du sang de ce juste ». En quoi, Yayi Boni et Ponce Pilate se ressemblent-ils ? Doit-on se demander. Le premier a la culture de déni permanent. Il n’assume jamais la responsabilité de ses fautes ou erreurs. Quand bien même celles-ci finissent par être établies, il refuse de reconnaître les actes qu’il pose lui-même, alterne entre le visage angélique et celui diabolique, crucifie ses citoyens avant de s’en laver les mains. Le second a quelque chose de fondamentalement identique au premier. Ceci, du fait d’avoir refusé d’assumer ses responsabilités. Or, Jésus, lui, a été crucifié sous Ponce Pilate. Comme Yayi Boni, Ponce Pilate décline toute responsabilité. Selon Nicéphore Soglo, le déguerpissement intervenu au niveau de la berge lagunaire de Xwlacodji est une œuvre de l’Exécutif. Yayi Boni devrait l’assumer au lieu de s’en laver les mains. C’est ce que lui reproche le maire de Cotonou. Nicéphore Soglo ne s’est pas embarrassé de scrupules pour accuser le régime de le livrer aux populations de Xwlacodji, alors qu’il n’est nullement responsable de leur malheur. Ce n’est pas pour la première fois qu’on accuse le chef de l’Etat de telles manœuvres. Deux exemples parmi tant d’autres édifient davantage. Dans les dossiers Programme de vérification des importations (Pvi) nouvelle génération, découpage territorial, Yayi Boni a livré ses ministres et s’est lavé les mains. N’est-ce pas un Ponce Pilate ?
Fidèle Nanga