Le pays va mal. Ce n’est plus un secret pour personne. Aujourd’hui, tout le monde pointe un doigt accusateur sur le président Boni Yayi. Mais à y voir de près, il n’est pas le seul responsable et la crise était prévisible... « Ce pays va mal. Il s’enlise et va vers une destination inconnue », a déclaré récemment Wallis Zoumarou pour décrire le climat qui prévaut actuellement au Bénin.
La situation socioéconomique est un indicateur. Le dernier classement de la Banque Mondiale place le Bénin parmi les derniers pays les plus pauvres d’Afrique et du monde. Le rêve du président Boni Yayi d’atteindre une croissance à deux chiffres se volatilise de jour en jour. La croissance économique du pays tourne depuis plus de sept ans autour de 3 et 5%, selon les statistiques officielles. Même la Côte d’Ivoire qui est sortie de la guerre civile n’a pas eu du mal à dépasser une croissance de 8%, avec l’arrivée au pouvoir d’Alassane Dramane Ouattara. Nicéphore Soglo, à son arrivée au pouvoir en 1991 sans les douze mois de son poste de Premier Ministre de la transition, décrivait le Bénin comme un pays qui venait de sortir d’une guerre. Il a quand même pu atteindre une croissance de plus de 5% avant la fin de son mandat en avril 1996.
La situation actuelle du Bénin montre que les réformes économiques et institutionnelles entreprises par le gouvernement du Dr Boni Yayi n’ont pas donné les fruits escomptés.
Mais il faut comprendre que la crise était prévisible. En 2006, l’arrivée au pouvoir du banquier Boni Yayi a suscité beaucoup d’espoir au sein des populations, surtout les plus défavorisées, lassées de la gestion du Président Mathieu Kérékou. Même le challenger du candidat Yayi n’a pas attendu la proclamation définitive des résultats par la Cour constitutionnelle pour le féliciter. Une première au Bénin ! Au cours du premier quinquennat, Dr Boni Yayi a entrepris de nombreuses réformes pour relancer l’économie nationale. Sous le label du changement, le nouveau concept a reçu au départ une adhésion populaire. Mais très tôt, le désenchantement n’a pas tardé à revenir au galop.
La plupart des promesses et des projets sont devenus, selon les critiques, des éléphants blancs. Au bout du compte, la croissance à deux chiffres promise par le chef de l’Etat n’a pas été au rendez-vous. La filière coton sur laquelle le gouvernement comptait en y engloutissant des milliards de francs CFA s’est soldée par des échecs successifs. Au même moment, le panier de la ménagère ne cesse de se dégrader avec la cherté de la vie et surtout des produits de première nécessité. C’est dans ce contexte que le premier quinquennat du changement s’est achevé avec un goût amer. Mais malgré cette situation, le président Yayi a été réélu par KO au premier tour de la présidentielle de 2011. L’opposition est montée au créneau pour dénoncer un hold-up électoral. Mais le vin est déjà tiré, il faut le boire jusqu’à la lie.
La nouvelle trouvaille du gouvernement, c’est de passer du changement à la refondation. Et comme on pouvait s’y attendre, la situation ne s’est guère améliorée. Au contraire, elle se dégrade de jour en jour. Beaucoup d’entreprises, dépassées par la crise et sous la pression fiscale ont dû fermer leurs portes, abandonnant des centaines d’employés dans le chômage.
A moins de trois ans de la fin du second quinquennat du Président Boni Yayi, l’avenir est toujours incertain pour les populations.
Aujourd’hui, beaucoup de citoyens rejettent la responsabilité sur le chef de l’Etat et son entourage. Pour d’autres, la faute incombe à l’opposition qui n’a pas su bien s’organiser pour l’empêcher de revenir au pouvoir. Il y a aussi les syndicats et autres organisations de la société civile qui ne sont plus actifs comme aux temps du Président Kérékou pour dénoncer les dérives du pouvoir et faire des propositions concrètes de sortie de crise. Mais pour les plus avertis, la situation que traverse le Bénin aujourd’hui était prévisible. Il était dit que le premier mandat de Boni Yayi allait bien se passer et que le second serait marqué par des crises et des tensions à issue imprévisible. Les preuves sont déjà là. Et comme l’a souligné M. Zoumarou : ‘’Ce n’est pas en fin de mandat qu’on cherche à réaliser les promesses non tenues’’.