Les nouveaux Sages de la Cour constitutionnelle ont presque condamné les propos tenus par le président Yayi Boni le 1er août 2012 lors de l’interview très controversée accordée à la presse. C’est peut-être une première marque de l’indépendance de cette nouvelle équipe qui la démarquera de la dernière mandature qu’a dirigée Me Robert Dossou.
La nouvelle équipe de la Haute juridiction veut affirmer une certaine indépendance dans l’accomplissement de ses obligations constitutionnelles. En tout cas, depuis le 7 juin 2013, date de son installation, elle a pris un certain nombre de décisions qui révèlent pour le moins le nouveau rôle qu’elle entend désormais jouer. Dans sa décision Dcc 13-071 du 11 juillet 2013, les 7 Sages ont ouvertement laissé croire qu’ils peuvent dire non au chef de l’Exécutif. Ils ont en effet démontré l’inconstitutionnalité des propos excessifs tenus par le président Yayi Boni lors de l’entretien du 1er août 2012. Selon eux, Yayi Boni a méconnu l’article 36 de la Constitution en déclarant la guerre à ses opposants.
La Cour a désapprouvé des propos tels que « je leur opposerai les miens du Bénin profond et ils vont s’affronter » et « je peux leur faire mal, ces petits-là qui m’insultent tous les matins » contenus dans l’interview décriée. Près d’un an après avoir tenu ses propos belliqueux et incendiaires, le président Yayi a donc été désavoué. Un camouflet pour toute la famille présidentielle qui soutenait pratiquement les déclarations divisionnistes de leur leader. A l’époque, elle faisait passer les déclarations de Yayi Boni pour des réponses aux critiques de l’opposition et de la Société civile.
Mais la Cour du Professeur Holo a souligné la dangerosité de l’interview controversée. Ceci à la différence de la 4ème mandature. L’équipe dirigée par Me Robert Dossou n’a pu se prononcer sur ce sujet qui intéressait particulièrement le Chef de l’Etat. Si en 12 mois, Me Robert Dossou n’a pas pu se pencher sur cette question, cela montre combien de fois, l’homme évitait de prendre des décisions qui pourraient choquer la susceptibilité de Yayi Boni. La nouvelle Cour prend donc ses marques. Mais il faut noter que déjà, le 24 juin 2013 la Cour constitutionnelle a annoncé les couleurs dans la décision Dcc 13-060 en débarquant du rang de ses membres, le magistrat Euloge Akpo alors nommé par le chef de l’Etat. Sa nomination en qualité de magistrat membre de la 5ème mandature de la Cour constitutionnelle n’est pas conforme à la Constitution.
Et si cette tendance se confirme tout au long de l’actuelle mandature, la démocratie béninoise se portera mieux. En effet, l’actuelle équipe de la Cour constitutionnelle pourrait bien prendre ses distances avec Yayi Boni qui finit dans moins de trois ans son dernier mandat. La Haute juridiction pourrait également bien jouer le rôle d’arbitre en dissuadant le président de la République qui s’obstine à réviser la Constitution du 11 décembre 1990. Seulement, les avis divergent sur l’impartialité de la Haute
juridiction face à ce sujet qui déchaine les passions. Si certains observateurs affirment que la Cour du Professeur Holo pourrait travailler dans l’intérêt du peuple, d’autres estiment que l’influence du politique sur cette juridiction est toujours à craindre.