A quelques semaines des élections législatives, Abdoulaye Bio Tchané, figure de proue de l’Alliance Abt, se prononce sur la période délétère que traverse le Bénin. A travers un entretien, il revient aussi sur la précarité que vivent ses concitoyens, sans oublier les attentes de son alliance politique à l’issue des Législatives. Les femmes étaient également au cœur des échanges avec son engagement à apporter des solutions durables à leur autonomisation et leur promotion. Lire l’entretien.
Le Matinal : Monsieur le président, comment vous vous portez et quelles ont été vos activités ces dernières semaines ?
ABT : Merci pour l’opportunité que vous m’offrez d’intervenir au sujet de l’actualité nationale. Dans le contexte électoral que traverse notre pays, il est important qu’il y ait des débats permettant d’éclairer nos concitoyens. Votre journal fait partie des acteurs de la presse qui favorisent la pluralité d’information et je vous en félicite. Pour en venir à votre question, je me porte bien par la grâce du Tout-Puissant qui nous prête vie et nous donne la santé. Je partage mon temps entre les nombreuses visites que je fais dans les Communes de notre pays, mes responsabilités politiques au sein de l’Alliance pour un Bénin Triomphant et mes activités de conseil aux entreprises et gouvernements du continent africain. De manière plus précise, les dernières semaines ont été surtout marquées par nos activités politiques sur le terrain : notre famille politique est sur la ligne de départ pour les Législatives et je consacre toute mon énergie à notre réussite, aux côtés de nos candidats.
Le 8 mars dernier à l’occasion de la Journée internationale de la femme, vous avez adressé un message aux femmes du Bénin…
Le 8 mars fut l’occasion pour moi de réitérer aux femmes béninoises mon engagement à apporter des solutions durables à leur autonomisation et leur promotion.
Qu’est-ce que la femme représente pour vous et quelle doit être sa place dans la société ?
Je crois beaucoup à ce proverbe Yoruba qui dit : « la femme est comme le sel dans la sauce ». Sans lui, la sauce n’a pas de goût. En effet, nous savons tous que la femme est le pilier de notre société. Avec le peu de moyens dont elles disposent, elles élèvent nos enfants et entretiennent nos foyers.
En ce qui concerne sa place dans la société, je l’envisage à trois niveaux :
D’abord au plan social : elles sont au cœur de la famille. Ce sont elles qui, dans nos sociétés, assurent l’éducation des enfants, prennent soin de nous les hommes et veillent au bien-être de la famille, en général.
Ensuite au plan économique, les femmes ont un rôle très déterminant à jouer pour le développement de nos Etats. Mais à ce niveau, il est important de travailler pour assurer leur autonomisation car, elles sont encore beaucoup marginalisées. Le développement du Bénin passera indubitablement par les femmes car, le jour où nous parviendrons à assurer la réussite économique de nos mamans, de nos sœurs et de nos filles, le Bénin connaîtra une révolution économique à nulle autre pareille. Mais pour le faire, il nous faut aller au-delà des déclarations d’intentions et poser des actes concrets en faveur de l’émancipation économique des femmes.
Et enfin au plan politique : il faut avouer que le travail à faire à ce niveau est plus profond, car les femmes sont quasi-absentes de la scène politique béninoise, si l’on tient compte du fait qu’elles sont majoritaires dans notre pays (51,2%). Je pense qu’on doit leur faire plus de place. Lorsqu’elles sont responsabilisées, je peux vous assurer qu’elles sont très efficaces, voire plus rigoureuses que nous les hommes. C’est un des axes majeurs de la vision de ma famille politique et c’est pourquoi vous constaterez que la liste ABT est probablement l’une de celles qui présente le plus grand nombre de femmes comme têtes de liste.
Parlons politique cette fois. Les élections législatives sont pour le 26 avril prochain. Vous même, vous n’êtes pas candidat, mais il y a une liste Abt en jeu. Pourquoi contrairement à 2011, vous avez choisi d’avoir votre propre liste ?
Oui l’Alliance ABT est présente aux législatives avec une liste nationale. Contrairement à 2011, nous y allons cette fois-ci d’abord parce que nous sommes prêts. Depuis 2011, nous avons effectué un travail d’implantation à la base à travers tout le pays. Nous sommes prêts parce que contrairement à 2011, nous sommes tous d’accord sur la stratégie à adopter, notre positionnement politique est clair et nous abordons cette échéance avec une confiance totale. Enfin, nous y allons parce que la situation politique de notre pays le demande plus que jamais. Ce qui est en jeu, c’est notre unité nationale à laquelle tout le peuple béninois est très attaché.
Les positionnements des candidats dans les alliances de parti ont entrainé beaucoup de remous et de tiraillements dans certains camps, pas dans le votre. Comment avez-vous réussi à canaliser les ambitions des uns et des autres pour parvenir à une liste de consensus ?
Le fonctionnement de notre Alliance est l’illustration même de comment une démocratie doit fonctionner : le choix des candidats s’est fait à la base par les militants, ça n’a pas été une décision imposée à tous. Et cela s’est fait ainsi parce que je trouve qu’il est important d’écouter ceux qui sont directement confrontés à cette situation de précarité. Quand la stratégie et la méthode sont discutées et acceptées par tous, les risques de remous et de tiraillements sont à mon avis mieux maitrisés.
Quels seront vos thèmes de campagne pour ces législatives ?
Nous sommes porteurs d’une vision du Bénin au sein de l’Alliance ABT. Et c’est cette vision que nous voulons défendre devant nos concitoyens et une fois élus à l’Assemblée nationale. Elle s’articule autour de 3 axes majeurs :
La défense de l’unité nationale et la lutte, sans relâche, contre toutes les formes de régionalisme. Il ne s’agit pas de paroles jetées en l’air, mais d’un préalable à tout développement de notre pays. Aucune politique, aucun projet de société ne peut aboutir s’il ne s’appuie sur une nation unie. Les députés de notre famille politique seront des élus de tout le peuple béninois et à ce titre, ils défendront l’unité nationale. Par ailleurs, dans le contrôle de l’action gouvernementale, nos députés veilleront à ce que la lutte contre le chômage des jeunes, qui est aujourd’hui une plaie de notre société, soit la priorité des priorités. Les jeunes chômeurs de notre pays se comptent par centaines de milliers et chaque année, ce sont 100.000 nouveaux jeunes qui viennent grossir les rangs sans espoir de trouver un emploi. La magnitude de phénomène est telle que l’Etat seul ne peut y répondre, en créant des postes dans la fonction publique. La solution à ce problème majeur de notre société passe par le développement du secteur privé et l’auto-emploi. Il faut mettre en œuvre des politiques incitatives qui favorisent le développement du secteur privé. Les députés de l’Alliance ABT veilleront à ce que l’Emploi des Jeunes soit réellement la première de toutes les priorités. Nous veillerons à ce que dans chaque programme, dans chaque projet, dans chaque financement, accord de crédit, l’impact sur la création d’emplois par le secteur privé soit mesuré. Enfin, Last but not least, nos élus veillerons à ce que la politique menée par le gouvernement en faveur des femmes soit efficace et efficiente car, comme je le disais tout à l’heure, elles seront la cheville ouvrière de la réussite de notre pays.
Monsieur le président, quel sera votre degré d’implication dans la campagne de la liste « Abt » ? En quoi va consister votre rôle ?
Je serai à 1000% dans cette campagne. Et c’est aussi parce que je veux pouvoir accompagner nos 168 candidats à travers le pays que je ne me suis pas porté moi-même candidat. Je serai donc là à travers le pays pour expliquer, aux côtés des candidats de l’Alliance, notre projet de société et les valeurs que nous défendons.
La présidentielle, c’est dans un peu plus d’un an. Abdoulaye Bio Tchané, vous êtes cité dans tous les milieux comme probable candidat. Est-ce que vous avez déjà pris une décision ?
Il est encore tôt pour me prononcer de manière définitive, mais avec mes amis, j’y travaille résolument et si Dieu me prête vie et me donne la santé, nous pourrons en parler dans quelques mois.
Venons-en à la situation actuelle du Bénin. Est-ce que vous avez l’impression que le pays traverse des moments difficiles politiquement, socialement et même économiquement ?
La situation de notre pays n’est pas reluisante et le dire est faire seulement le constat de ce que vivent nos compatriotes dans leur écrasante majorité. Au plan social, la pauvreté ne cesse de progresser dans notre pays et c’est un fait que j’observe en sillonnant nos Communes. Toutes les statistiques montrent que plus du tiers de nos compatriotes vivent en deçà du seuil de pauvreté. Et ce dont je parle, ce n’est pas simplement une question de pourcentage, mais la réalité quotidienne de celles et ceux qui ne mangent pas à leur faim, qui n’arrivent pas à se loger décemment ou qui n’ont pas accès à l’eau potable. Malheureusement depuis quelques années, c’est plusieurs centaines de milliers de Béninois qui sont passés en deçà du seuil de pauvreté national. C’est une réalité et nous devons la combattre résolument. Au plan économique il est de notoriété publique que rien ne va. L’économie est sclérosée parce que les acteurs du secteur privé, ceux qui créent la richesse et qui pourraient créer les emplois dont ont besoin nos jeunes, ces acteurs privés sont exsangues. Les arriérés de paiement s’accumulent et beaucoup déposent le bilan, faute de trésorerie. Alors même que l’Afrique en général, attire de plus en plus d’investissements, notre pays ne se met pas dans les conditions optimales pour bénéficier de ce regain d’intérêt. Au plan politique, vous êtes comme moi, témoin des tensions et autres atermoiements que nous avons vécus au cours des deux dernières années. Rendez vous compte, les élections communales sont organisées avec deux ans de retard dans notre pays. La concertation et le dialogue politique sont au point morts et on observe une crispation du débat politique dommageable à la bonne conduite des affaires de la nation. Au point où aujourd’hui, les invectives sont au sein de la mouvance.
Quelle est votre position sur la révision de la Constitution du 11 décembre 1990 ?
Je vous l’ai dit ! Je ne suis pas opposé à la révision de notre constitution car, elle n’est pas parfaite. Mais pour réussir une réforme, il faut bâtir un consensus.
Je constate juste qu’à 12 mois de l’élection présidentielle, il est impossible d’arriver à ce consensus. Je pense que nous devons nous concentrer sur les élections intermédiaires et à une bonne préparation de la présidentielle. D’ici là, aucune révision constitutionnelle n’est envisageable parce qu’elle ne ferait que rajouter de l’huile sur le feu et ce n’est pas une bonne chose pour notre pays.
Un mot en guise de conclusion de cet entretien.
Je vous remercie pour cette interview et vous félicite à nouveau pour le travail que vous faites en faveur de l’information de nos concitoyens. J’aimerais juste inviter nos compatriotes à tous œuvrer où qu’ils soient pour l’Unité de notre pays. Nous devons tout faire, afin que les enfants de ce pays quel que soit le nom qu’ils portent, la langue qu’ils parlent ou le parti dans lequel ils militent soient d’abord des Béninois avec les mêmes droits et les mêmes chances dans la vie de tous les jours. L’Alliance que j’ai l’honneur de diriger œuvrera sans relâche pour cela, pour l’unité nationale, car il en va de la survie de notre Nation.
Propos recueillis par Abib Ishola Arouna