Sommé de répondre aux mesures d’instruction diligentées par la Cour constitutionnelle, le président de la République, Yayi Boni, par l’intermédiaire du secrétaire général de son gouvernement, Eugène Dossoumou, a tout simplement refusé de reconnaitre un an après, qu’il avait tenu des propos attentatoires à l’unité nationale. Cette attitude du premier magistrat prouve bien qu’il a refusé de se remettre en cause et de ce fait manque de sagesse.
Il aurait fallu la cour constitutionnelle du professeur Théodore Holo pour qu’on se rende à l’évidence que le chef de l’Etat n’est pas un homme de sagesse. A la suite des propos attentatoires à l’unité nationale qu’il a tenus le 1er août 2012, deux citoyens, en l’occurrence, messieurs Serge Prince Agbodjan et Aristide Domingo, ont saisi la Haute juridiction pour qu’elle statue sur les propos du chef de l’Etat Yayi Boni lors de l’émission, « A cœur ouvert, le président parle au peuple béninois ». Ils ont souhaité que la Cour déclare contraire à la
Constitution les propos du premier magistrat au cours de cet entretien.
En réponse à l’instruction des recours, le président de la République, Yayi Boni, par l’intermédiaire du secrétaire général de son gouvernement, Eugène Dossoumou, n’a pas voulu reconnaitre un an après, qu’il avait tenu des propos attentatoires à l’unité nationale. Selon lui, « ayant été proclamé élu Président de la République par la Cour Constitutionnelle, avec plus de 53% des suffrages, soit plus d’un million cinq cent mille (1.500.000) de Béninois » qui ont porté leurs voix sur lui, il lui parait « inconcevable et inadmissible qu’une minorité de citoyens regroupés au sein de ‘’l’Union fait la Nation’’ fasse des déclarations appelant à une mobilisation générale des forces politiques et sociales et à une insurrection afin de se constituer en un front unifié pour engager le combat, parce que selon cette minorité la ‘’Nation se porte mal, très mal’’ (…) Par rapport au grand nombre de Béninoises et de Béninois m’ayant soutenu et voté pour moi, les personnes regroupées au sein de ‘’l’Union fait la Nation’’ constituent une petite minorité. »
La décision de la Cour passe sous silence les déclarations de Yayi Boni qui stipulent : « je leur opposerai les miens du Bénin profond et ils vont s’affronter » ; « je peux leur faire mal ces petits-là qui m’insultent tous les matins ». A-t-il esquivé de donner des réponses à ces préoccupations ? Toujours est-il que le chef de l’Etat, dans sa réponse aux mesures d’instruction de la Haute juridiction, par rapport à ses déclarations du 1er 2012, conclut en ces termes : « Mes déclarations, lors de l’entretien avec la presse n’ont rien de propos haineux et ne sont en rien contre l’unité et la cohésion nationales. Eu égard à tout ce qui précède, je demande qu’il plaise à la Haute juridiction de déclarer inopérants les recours n°1408/114/REC et n°1571/133/REC ». En dépit de ce refus de se reconnaitre fautif, la Cour constitutionnelle dans sa décision Dcc-13-071 du 11 juillet 2013 a pris de la hauteur en reconnaissant à l’article 1er que le Président de la République a méconnu l’article 36 de la Constitution du 11 décembre 1990.
L’exemple de Julien Pierre Akpaki
Une faute avouée est à moitié pardonnée. Cet adage universellement répandu n’est pas dans le registre du président Yayi Boni. L’ex directeur général de l’Ortb, Julien Pierre Akpaki avait su bien l’utilisé quand la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (Haac) l’avait interpellé au sujet de la diffusion des résultats provisoires et partiels depuis le siège de la Commission électorale nationale autonome.
A l’audience publique, Julien Pierre Akpaki avait déclaré : « je plaide coupable ». Cette réponse a coupé court à toute autre interprétation. Ne dit d’ailleurs-t-on pas dans l’une de nos langues nationales : « c’est le refus d’homologuer qui prolonge la discussion » Si à l’instruction des recours contre ses propos attentatoires à l’unité et à la cohésion nationales, le président Yayi Boni avait plaidé coupable, il n’aurait plus donné l’occasion de spéculer sur ses interventions belliqueuses du 1er août 2012. En raisonnant et en tirant les conclusions auxquelles, il est parvenu, Yayi Boni a tout simplement manqué de sagesse qui voudrait qu’un an après la tenue de ces propos, qu’il prenne du recul et qu’il plaide coupable. Par ailleurs, le terme ‘’petit’’ qu’il a utilisé au cours de l’entretien ne s’adressait seulement pas aux membres de l’Union fait la Nation.
Mais, il était aussi attribué aux confrères de la télévision « Canal 3 Bénin » qui ont dû revoir, pour leur sécurité, leur ligne éditoriale avant le revirement vers la mouvance de leur patron. Car l’extrait « je peux leur faire mal ces petits-là qui m’insultent tous les matins », s’adressait aux animateurs de l’émission « Actu matin » de la chaine de télévision Canal 3 Bénin. Mais Yayi Boni par son secrétaire général du gouvernement a attribué le terme ‘’petit’’ aux seuls membres de l’Union fait la Nation qu’il qualifie de minorité. Or à la consultation électorale de 2011, où il a été déclaré par la Cour constitutionnelle élu président de la République par K.O, son challenger Adrien Houngbédji, candidat de l’Union fait la Nation a réuni derrière lui, et selon la même Cour constitutionnelle, un million cinquante-neuf mille trois cent quatre-vingt-seize (1.059.396) électeurs. A la préoccupation concernant « je leur opposerai les miens du Bénin profond et ils vont s’affronter », Yayi Boni répond que les siens sont la grande majorité.
LM
Encadré : Une minorité de plus d’un million
A la proclamation provisoire des résultats de l’élection présidentielle du 13 mars 2011, la cour a communiqué 2.972.445 suffrages exprimés. Elle a proclamé Yayi Boni élu président de la République avec 1.579.550 contre 1.059.376 pour le candidat de l’Union fait la Nation Me Adrien Houngbédji. Les résidus des suffrages exprimés, soit 333.519 constituent le poids électoral des 12 autres candidats réunis dont Abdoulaye Bio Tchané (Abt) et Salifou Issa dit Saley. Pour Yayi Boni 1.579.550 sur 2.972.445 soit environ 53% est une grande majorité. Et qu’en conséquence 1.059.376 de suffrages recueillis par l’UN représentent une minorité.
On tombe des nues lorsque des cadres de cet acabit raisonnent de la sorte. Car à l’analyse, 47% de l’électorat ont exprimé leurs suffrages en défaveur du candidat Yayi Boni. Ce sont des citoyens béninois qui pensent le contraire de ce qu’il pense.
Dire que plus d’un million de citoyens sur moins de trois millions constitue une minorité n’est pas juste. Yayi a été proclamé président avec une majorité absolue qui est loin d’être écrasante. Si la décision de la Cour ne s’arrêtait pas seulement au fait de dire le droit, Yayi Boni devrait écoper d’une sanction sévère. Car autant, il n’a pas voulu reconnaitre qu’il s’était mal exprimé, autant, il a soutenu le faux. Lorsque le président est déclaré élu, il devient le président de tout le monde et le père de la Nation. A ce titre son comportement doit être exemplaire.