Avocat de renom, personnalité politique ayant occupé plusieurs postes de responsabilité tant au plan national qu’international notamment ministre et ambassadeur du Bénin près la France et plusieurs autres pays européens, Me Edgar-Yves Monnou absent de la scène politique national y revient avec la même clairvoyance et la volonté de servir qu’on lui connaît. Tête de liste du Parti du renouveau démocratique (Prd) dans la seizième circonscription électorale, il apparaît, aux yeux de beaucoup, comme l’un des hommes d’expériences sur qui on peut compter pour un parlement performant.
Dans cette interview, il donne son opinion sur la situation socio-économique du pays et sa vision pour le Parlement.
Dites-nous Me, vous êtes avocat de renom, personnalité politique, vous avez occupé plusieurs postes de responsabilité tant au plan national qu’international ; vous avez la soixantaine. Quand on a vu autant de choses et fait tant d’expériences, de quoi rêve-t-on finalement pour son pays ?
Maître Monnou : L’accès à la connaissance, à la technique et à la méthodologie n’est utile que s’il nous permet de changer notre environnement immédiat pour un meilleur devenir du plus grand nombre.
J’aimerais finir ma vie sans regret, celui de n’avoir pas été en mesure de contribuer, pour mettre l’instruction acquise, les capacités accrues par l’expérience et les performances des autres pays au service de mon pays et des populations de nos villes et campagnes. Le rêve que je nourris est celui d’un Bénin nouveau dans lequel la démocratie n’est pas en panne, où aucun autre choix n’est offert à notre peuple que l’indigence, la misère, la précarité et le désespoir pour les jeunes.
Le peuple béninois vous sait compétent et expérimenté sur les questions de développement. Pourtant vous avez été absent de la scène politique depuis quelques années. Pourquoi ?
Lorsqu’on a été longtemps acteur de la vie politique nationale et internationale, ce n’est plus mal de prendre du recul pour observer. Le plus grand danger qui nous guette et asphyxie tous les hommes de pouvoir est celui de penser que sans nous rien n’est possible, ou que nous sommes seuls à pouvoir donner et entreprendre ce qui est utile. Ceci a toujours été le germe de toutes les dictatures et régimes totalitaires. Lorsqu’on se tait pour regarder, le silence devient très éloquent et on apprend beaucoup des autres. On les appréhende mieux et on s’oblige à une plus grande relativité. La grave crise que traverse actuellement notre pays va au-delà de simples interrogations identitaires. Nous vivons dans un pays où le plus grand nombre végète dans le mal-être que le pouvoir en place lui impose au quotidien. Pour ne citer que deux exemples : que reste-t-il aujourd’hui de notre système éducatif et de nos enseignants dans un pays, le Dahomey, qui n’avait pourtant pas volé sa réputation de quartier latin de l’Afrique ? A ce jour, vous ne rencontrez plus que des personnes et surtout des jeunes qui anonnent le français à partir des exemples malheureux qui leur sont donnés par leurs précepteurs « Après nous, c’est nous. » N’est-ce pas une honte vingt- cinq ans après notre historique conférence nationale, exemplaire dans pas moins de vingt –deux autres pays africains, que nous arrivions à de telles onomatopées qui sont autant d’insultes pour nos intelligences ? N’est-ce pas une honte pour un pays qui se veut modèle de démocratie qu’un parti politique y réunisse son congrès et affiche publiquement son ambition de conserver le pouvoir pendant cent ans ? Les ressorts essentiels sont cassés, le pays a perdu ses référants et le sens des valeurs. Il est plus que grand temps de sonner un nouveau réveil.
Vous êtes candidat, tête de liste Prd dans la seizième circonscription électorale pour les élections législatives du 26 avril prochain. Quelle est votre vision pour le parlement béninois ?
J’ai appartenu, entre autres, comme vous le savez, à la première législature du lendemain de la Conférence nationale. De l’avis unanime, ce fut un modèle de capacité de travail, de compétences et de qualité de débats qui prenaient toujours de la hauteur, dans une grande ambiance fraternelle et conviviale. Lorsqu’on a goûté à tout ceci une fois dans sa vie, on ne peut nourrir un autre rêve que celui de le revivre pour le bien de notre pays. Il est grand temps d’ouvrir les yeux de notre jeunesse au monde ainsi qu’au voyage instructif de l’esprit au-delà de la large fréquentation des réseaux sociaux. Nous devons tous ensemble redonner vie à notre administration, qui ne ressemble plus à rien d’autre qu’à un clair-obscur insipide.
Selon les sondages, la liste Prd est créditée d’au moins deux députés dans la seizième et vous-même, vous passez aux yeux du public comme un candidat de taille. Qu’est-ce qui fait votre atout ?
Je me réjouis des énonciations que vous faites, qui somme toute, ne sont que des hypothèses de travail. Les sondages ne sont pas les bulletins dans les urnes, qui, au soir du vote, sont les seules choses qui comptent pour mesurer l’expression de la volonté de notre peuple. J’avoue cependant que notre peuple a assez de cette souffrance atroce qu’il subit au quotidien, de toutes ces personnes, qui, à Cotonou, première ville du pays, dorment sur des briques en ciment, sur des pneumatiques, sur leurs motos, dans des abris de fortune envahis par l’eau de ruissellement à chaque pluie. Il est normal et je le comprends que l’opposition que le Prd incarne depuis vingt-cinq ans trouve là les prémices d’une alternative crédible à proposer au pays. L’avenir, c’est donc aujourd’hui et dès maintenant là où le pouvoir en place, sans être étouffé par la honte de ses nombreux échecs dans tous les domaines et la cassure du pays, il propose encore de modifier notre Constitution pour se maintenir et faire ainsi durer la pauvreté qui s’aggrave. Ceci est inacceptable et toute cette majorité silencieuse qui attend depuis des années que cela change, doit maintenant s’aligner derrière le PRD pour le dire avec force.
Vous êtes en pré-campagne pour le Prd depuis quelques semaines maintenant. Que constatez-vous sur le terrain par rapport à la vie des Béninois ? Quelles sont vos premières impressions ?
Mes premières constatations sont accablantes. On en sort meurtri et triste avec cette sourde impression que ceux qui nous dirigent ne semblent même pas réaliser ni se rendre compte de la vie des gens, ni de leur sort au quotidien. La misère de nos populations est déjà très grave en soi, mais le pire reste la privation de tout espoir pour un changement meilleur. Comment est-il possible que dix ans après tout ce qui nous a été promis pour un monde meilleur, le pays ne produise toujours rien et n’exporte rien ? Je pèse mes mots, car la culture et l’exploitation du coton qui ont pu un moment rapporter au pays le quart de nos recettes budgétaires, est désormais une catastrophe en terme de gestion du secteur et depuis plus rien de nouveau. Pendant dix ans, la bataille du développement du pays a été totalement abandonnée et tous les leviers de fabrication de valeur ajoutée et de richesses ont été désertés. Pendant dix ans, on a fait que nous imposer de faire de la politique : dès le premier mandat de cinq ans, il fallait déjà être en campagne pour un second et au terme de ce dernier, on se remet à l’ouvrage pour prôner une modification de la Constitution comme une panacée, la solution de toutes choses. Si à la Conférence nationale d’il y a vingt-cinq ans, nous déplorions la dramatique situation économique du pays, on peine aujourd’hui à trouver les mots pour qualifier l’abîme où on nous a conduits.
Avez-vous un mot à l’endroit des électeurs qui vous attendent sur le terrain ?
Je réaffirmerai à mes électeurs que la solution, aujourd’hui, c’est le Prd. Le temps qui a passé n’a fait que confirmer la justesse des valeurs que ce parti a prônées depuis plus de vingt-cinq ans : une démocratie apaisée, une réconciliation des différentes couches de nos populations, ferment de l’unité nationale, un progrès économique et social, une redistribution de la richesse pour une meilleure justice sociale. C’est aujourd’hui une évidence que nous en sommes très éloignés.