Le débat qui anime l’actualité de la fête de l’indépendance est bel et bien celle de la révision constitutionnelle. Face aux soupçons de changement de République que pourrait engendrer l’adoption éventuel du projet de loi portant révision de la Constitution du Bénin, il urge de faire un flash back sur les changements successifs de Constitutions et leur condition d’avènement du Dahomey au Bénin... Mais une précision est de taille. Du 28 février 1959 date d’adoption de la 1ère Constitution du Dahomey au 11Décembre 1990, les Constitutions changent mais la république à toujours survécu.
Me Joseph Djogbénou, un des activistes de la lutte contre la révision de la Constitution est claire. Le fait que Boni Yayi dans son projet ait décidé de toucher au préambule de la loi fondamentale entraînera une nouvelle République. En claire il s’agira pour le Bénin de passer à une deuxième République. La Constitution du 11 Décembre 1990 objet de tous les débats aujourd’hui est tout de même le couronnement de 10changements de textes constitutionnels dont le Bénin s’est doté depuis son indépendance. Le Bénin dans son histoire indépendant, a connu beaucoup de soubresauts politiques et de changements de Constitutions dont, la conséquence a été l’avalanche de coups d’Etat et son cortège d’instabilité politique qui ont longtemps caractérisé ‘’l’enfant malade de l’Afrique’’ de 1960 au début de l’année 1972.
Cette instabilité, est principalement due selon Djedjro Francisco Meledje, auteur du livre « le contentieux électoral en Afrique », au fait que l’avènement des indépendances s’est construit sur le renforcement de l’ethnicisation et de la régionalisation de la politique partisane au Bénin. Après les résultats des élections de Juillet 1960 qui ont porté au pouvoir le Président Hubert Maga, le Bénin n’a pu longtemps résister aux rivalités ethnico-régionales au sommet de l’Etat. Le général Soglo a du venir faire le ménage en 1963 avant de retourner une fois de plus le pouvoir aux Civiles. Le 11 Janvier 1964, une nouvelle Constitution est adoptée par référendum. Soumis aux coups d’éclats politiques de ses fils militaires ou civils, le pouvoir tombe en disgrâce et est renversé. Une fois de plus, les Béninois ont jugé toucher le texte fondamental pour essayer de pallier à ce qui dans le temps favorisait les coups d’Etat. La nouvelle Constitution, approuvée le 11 Avril 1968 établit un régime de type présidentiel. Emile DerlinZinsou devient Président, mais il est renversé par un nouveau coup d’État et est remplacé par une direction militaire. Une fois encore, la légalité constitutionnelle va être remise en cause du fait des militaires habitués depuis, à faire irruption dans la vie politique du Dahomey. Les toilettages constitutionnels du 26 décembre 1969 et du 7 Mai 1970 n’ont pu concourir à une stabilité politique du pays.
Le comble de l’instabilité constitutionnelle sera, la formation en 1970 du Conseil présidentiel. Un régime à trois têtes, incapable de fonctionner auquel le commandant Mathieu Kérékou apportera une solution le 26 octobre 1972. Dès lors le Dahomey s’inscrit dans le socialisme scientifique guidé par le marxisme léninisme. Suite à la révision du 18 Novembre 1974, les nouvelles autorités proclament le 30 Novembre 1975, un changement de nom au pays. Le Dahomey devient officiellement le Bénin et le 26 Août 1977, les Béninois adoptent une nouvelle loi fondamentale qui consacre l’instauration du parti Etat qu’est le Parti de la Révolution Populaire du Bénin (Prpb). Malgré quelques initiatives appréciables, le pays sombre dans une dictature et un marasme économique à nul autre pareil. L'Etat dirige tous les secteurs de l’économie, conduit la réforme agraire et développe l’industrialisation. L'ancien Président Émile Derlin Henri Zinsou caractérisera le Bénin après ces dix-sept années, de "pays sans industrie mais gouverné au nom de la classe ouvrière", de "Roumanie sans exportations, de Bohême sans usines, de Pologne sans charbon, de Prusse sans discipline". Au finish, tous les opposants au pouvoir sont persécutés et d’autres contraints à l’exil.
Après dix sept années, ce système politique et économique a eu des conséquences ravageuses sur le Bénin. Les difficultés économiques engendrées par la banqueroute de l’Etat ont poussé en 1985, les étudiants et élèves dans les rues du fait de l’accumulation de plus de 6 mois d’arriérés de bourses et secours scolaires et universitaires. Coincé de toute part et face à l’essoufflement de son régime, Mathieu Kérékou organise une session extraordinaire avec ses lieutenants et convoque la conférence nationale le 7 Décembre 1989. La fin de cette conférence nationale est sanctionnée par la révision constitutionnelle du 13 Août 1990 puis le référendum du 11Décembre 1990. Dès lors, le Bénin est dirigé par cette nouvelle loi fondamentale qui a vécu pendant plus de 20 années déjà.
De tout ceci, il est important de noter que malgré 10 changements de textes constitutionnels, le Bénin n’a pas encore changé une seule fois de république. Les changements de textes constitutionnels majeurs qui caractérisent les trois grandes périodes de l’histoire politique nationale, n’en sont pas arrivés là. Ces trois périodes sont : du 1er Août 1960 à Octobre 1972 ; d’Octobre 1972 à février 1990 et de Décembre 1990 à nos jours. La longévité de la Constitution du 11 Décembre 1990 est remise en cause depuis le dépôt sur la table de l’Assemblée nationale par le président Boni Yayi, du projet de loi portant relecture de la loi fondamentale du Bénin. L’aboutissement de ce projet pourrait mettre un terme à ce record de longévité jalousé par bon nombre de pays.