Le campus de l’École nationale de police du Québec a abrité les mercredi 8 et jeudi 9 avril 2015 La 4e édition du colloque FRANCOPOL sur la cybercriminalité.
Sous le thème « Escroquerie sur Internet et radicalisation », ce colloque a réuni quelque 125 personnes travaillant dans le domaine de la cybercriminalité issues principalement d’organisations policières, mais également de ministères et organismes gouvernementaux ainsi que d’institutions financières. Quelques partenaires internationaux provenant de Suisse, des États-Unis et d’Afrique ont également pris part à l’événement.
La radicalisation et l’escroquerie sur Internet sont des sujets d’intérêt international, incontournables pour tous ceux qui s’intéressent à la sécurité publique. Réunir des membres de la francophonie autour de ce sujet permet de tendre vers de meilleures pratiques policières afin de mieux circonscrire cette criminalité qui prend de plus en plus d’ampleur.
Le colloque a été organisé conjointement par la Sûreté du Québec, l’École nationale de police du Québec, la Gendarmerie royale du Canada, le Service de police de la Ville de Montréal et le Service de police de la Ville de Québec.
Plusieurs discours ont été prononcés à l’ouverture des assises. Les intervenants sont entre autres :
• Yves Guay, Directeur Dénéral, École nationale de police du Québec
• Martin Prud’homme, Directeur Général, Sûreté du Québec
• Éric Adja, Directeur, Francophonie numérique, Organisation internationale de la Francophonie
• Émile Pérez, Directeur de la Coopération internationale, ministère de l’Intérieur, et président de FRANCOPOL
• Lise Thériault, vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique
Eric Adja a, dans son discours, décrit ce phénomène qui prend des proportions démesurées. La cybercriminalité, cette nouvelle forme de criminalité et délinquance pratiquée par les jeunes continue de faire de nombreuses victimes. Des individus, à travers des pratiques d’arnaques faits de tissus de mensonges sur des questions liée à l’héritage, la loterie, l’usurpation d’identité, le love tchat, l’usurpation de compte mail, la commande avec promesse d’achat… réussissent toujours à soustraire à des honnêtes citoyens d’importantes sommes d’argent. Il a cependant mis l’accent sur la nécessité de favoriser l’approche intégrée pour lutter contre la radicalisation en privilégiant une méthode d’analyse pluridisciplinaire. Il a également souligné l’importance d’encourager la collaboration et la concertation à tous les niveaux.
Pour l’une de ses premières interventions à une rencontre de haut niveau en tant que Directeur de la Francophonie Numérique de l’Organisation internationale de la Francophonie, Eric Adja a su capter l’attention de plus d’un.
Soulignons que seules les conférences de la première journée ont été ouvertes aux médias. La deuxième journée a comporté des sujets réservés aux spécialistes en cybercriminalité.
Francopol est une association apolitique qui vise essentiellement à échanger sur les meilleures pratiques et à réfléchir sur la formation et l’expertise policières tout en privilégiant la collaboration et la concertation.
J. Biao
lire l’intégralité de l’allocution de Eric Adja
Allocution de Monsieur Eric ADJA,
Directeur de la Francophonie numérique (DFN)
à l’occasion du Colloque du 4è édition du colloque sur la cybercriminalité, Ecole nationale de la police du Québec,
Nicolet, Québec, (Canada), 8 et 9 avril 2015
• Madame la vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique,
• Monsieur l’adjoint parlementaire,
• Monsieur le président du Réseau International Francophone de formation policière (Francopol),
• Monsieur le directeur général de la Sûreté du Québec,
• Monsieur le directeur général de l’École nationale de police du Québec,
• Honorables invités,
• Chers participantes et chers participants,
• Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi de commencer mes propos en vous transmettant les salutations de Son Excellence Madame Michaëlle Jean, Secrétaire générale de la Francophonie, qui a pris fonction récemment à Paris, après comme vous le savez, une brillante carrière ici au Canada, où elle a été élevée à la haute dignité de Gouverneure générale.
Je voudrais associer aux salutations de l’Honorable Michaëlle Jean, les amitiés de Monsieur Adama Ouane, nouvel Administrateur de l’OIF qui qui a pris la succession il y a quelques jours de Monsieur Clément Duhaime, un autre de vos compatriotes, originaire de Trois-Rivières, pas loin d’ici.
Je suis très heureux d’être parmi vous avec mon collègue Emmanuel ADJOVI, dans le cadre des activités de la Direction de la Francophonie numérique de l’OIF.
Mesdames, Messieurs,
Belle œuvre de l’esprit humain, l’Internet est hélas devenu également un vecteur de propagation des activités criminelles en ligne. La fréquence et la diversité des crimes commis en relation avec, ou en utilisant, Internet et les systèmes de réseaux électroniques inquiètent un nombre croissant d’Etats, d’organisations, d’entreprises et d’individus qui sont préoccupés par les voies et moyens à déployer pour limiter les dommages engendrés par cette nouvelle forme de criminalité. Les dégâts ne sont plus uniquement économiques avec les conséquences fâcheuses pour le développement du commerce électronique. Ils prennent aussi la dimension des atteintes à la cohabitation religieuse, à la paix sociale et à la sérénité des échanges entre les civilisations. La radicalité du mélange du religieux et de la politique aboutit sur la toile mondiale à une propagande extrémiste, vecteur des actes de terreur qui fracturent les sociétés humaines. La militarisation grandissante du cyberespace à travers l’utilisation des exploits et des outils de « hacking » (cyber-attaque) des Etats constitue également une source d’inquiétude.
Conscients des défis sécuritaires du cyberespace, les chefs d’Etat et de Gouvernement de la Francophonie ont adopté en octobre 2012 à Kinshasa la stratégie de la Francophonie numérique, Horizon 2020, qui se propose de promouvoir la sécurité, les libertés et la confiance dans l’univers du numérique.
En effet, comme le constatent les chefs d’Etat et de gouvernement : « La protection de la vie privée des citoyens et la lutte contre la cybercriminalité sont des défis majeurs pour les sociétés démocratiques dans leur passage au numérique. La création d’un espace de confiance où l’État de droit est respecté représente un enjeu très important pour le développement du numérique et pour un internet unique, stable, sûr et profitable à tous. La protection des données personnelles et collectives, de l’enfance et des catégories défavorisées, des secrets d’entreprise et d’État et des infrastructures sont aujourd’hui des enjeux cruciaux de l’écosystème du numérique. Dès lors, il est urgent de renforcer la confiance et la sécurité de l’internet par de meilleures protections contre la cybercriminalité : atteinte à la vie privée, aux données personnelles et à l’intégrité des infrastructures ».
Pour l’Organisation internationale de la Francophonie, les forces de sécurité, notamment la police et la gendarmerie ont un rôle crucial à jouer dans les réponses aux enjeux ainsi identifiés par les chefs d’Etat et de gouvernement. En tant qu’agents d’exécution de la loi, elles ont traditionnellement pour mission de rechercher les infractions et leurs auteurs, de rassembler et de conserver les preuves en vue de leur présentation aux juridictions compétentes. C’est dire que les policiers et les gendarmes sont en première ligne de la lutte contre la cybercriminalité. C’est pourquoi, la Francophonie a décidé de soutenir depuis 2010 les actions de Francopol en matière de lutte contre la cybercriminalité. Ainsi, la Direction de la Francophonie numérique a contribué et participé à toutes les éditions du colloque annuel de Francopol sur la cybercriminalité. Elle accompagné, en juin 2010, la mise en place à Bruxelles (Belgique) du Comité technique de Francopol sur la cybercriminalité. En novembre 2011, Elle a contribué à l’organisation à Cotonou d’un séminaire régional sur le thème de la lutte contre la cybercriminalité. L’OIF a soutenu également l’organisation des sessions de formation de cyberenquêteurs de la Police et de la gendarmerie au Bénin (en novembre 2012), au Burkina-Faso (en février 2013) et au Tchad (en septembre 2013). Ce qui a facilité la création d’unités de cyberpolice dans ces pays.
Des activités de sensibilisation et échanges d’informations et de bonnes pratiques ont également été appuyées. On peut citer l’atelier spécifique du comité technique cybercriminalité du réseau FRANCOPOL organisée en juin 2014 en collaboration avec Interpol et la Direction de l’Informatique et des Traces Technologiques (DITT) de la Police Nationale de la Côte d’Ivoire pour la sous-région ouest africaine. Le même type d’activité a été mené en novembre 2014 en faveur des pays de la sous-région d’Afrique centrale.
L’OIF se réjouit que l’ensemble de ces actions ait favorisé le développement d’un réseau d’échanges technique et opérationnel. Elle se félicite aussi de contribuer, depuis 2011, à la participation d’un membre du comité technique aux trois réunions annuelles de la Société pour l’Attribution des noms de domaine et des numéros sur Internet (ICANN). A ce niveau, les agences d’exécution de la loi s’efforcent d’obtenir l’adoption d’un corpus de règles qui favorisent leur travail d’investigation. D’autres activités du Comité technique cybersécurité de Francopol sont prévues pour 2015 et sont appelées à approfondir le travail de développement des unités de cyberpolice en Afrique, notamment dans le cadre d’un partenariat en préparation entre l’OIF et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Mesdames, Messieurs,
Comme vous le constatez, le partenariat stratégique entre l’OIF et Francopol a permis d’engager des efforts pour mettre en place des dispositifs de lutte contre la cybercriminalité.
Le principal message que véhicule cette action de l’OIF est que la lutte contre la criminalité en ligne ne sera couronnée de succès que si elle est menée conjointement aussi bien dans les pays du Nord que dans ceux du Sud. L’actualité de l’internationale djihadiste en Afrique avec Boko Haram au Nigéria et dans les pays voisins, le groupe Al Shabab de la Somalie et l’AQMI dans la bande sahélo-saharienne rappelle que la radicalité politico-religieuse possède incontestablement une dimension mondiale. Les escroqueries d’origine africaine dont sont victimes des citoyens du Nord, notamment canadiens confirment la portée planétaire du phénomène de la criminalité électronique. Refuser de s’inscrire dans une approche globale de la lutte contre ce phénomène, c’est prendre le risque de laisser se proliférer dans certaines régions du monde comme l’Afrique des paradis juridiques de la criminalité transfrontalière et immatérielle. Il n’est dans l’intérêt de personne, en tout cas pas des Etats développés que des zones de non droit prolifèrent dans le cyberespace. C’est pourquoi, nous lançons un appel aux décideurs francophones dont ceux du Québec, d’accroître leur soutien financier et politique à l’action de la Francophonie et de sa nouvelle Secrétaire générale, dans son ambition de lutte contre la cybercriminalité.
Mesdames, Messieurs,
Par son histoire et son parti pris en faveur de la diversité culturelle, l’OIF est également préoccupée par la mise en balance de la cybersécurité avec le respect des droits humains. Elle ne souhaite pas que le développement des moyens et outils de contrôle et de poursuite des crimes en ligne conduise à la surveillance de masse qui limite la droit à la vie privée et la liberté d’expression. En effet, les révélations d’Edward Snowden et les récentes expériences des projets de loi américains (dites SOPA, PIPA, CISPA et ACTA) nous rappellent la nécessité de travailler à la protection des droits humains dans le cyberespace. C’est d’ailleurs pourquoi, les chefs d’Etat et de Gouvernement de la Francophonie ont adhéré lors du Sommet de Dakar en novembre dernier à la Déclaration de la réunion du NETmundial, tenue à Sao Paulo de Brésil, en avril 2014. Cette Déclaration réaffirme en effet l’importance des droits de l’homme sur l’Internet. Benjamin Franklin ne nous a-t-il pas enseigné que « Ceux qui sont prêts à sacrifier une liberté essentielle pour acheter une sûreté passagère, ne méritent ni l’une ni l’autre » ?
Les deux valeurs sont nécessaires. La préservation d’un cyberespace ouvert, libre et sécurisé doit donc prendre en compte la promotion et la protection des droits fondamentaux humains.
Convaincu que vos travaux contribueront à renforcer davantage les capacités des cadres et agents de police québécois et de plusieurs pays francophones ici réunis, je souhaite, au nom de Son Excellence Madame Michaëlle Jean, Secrétaire générale de la Francophonie, pleins succès à vos travaux.
Merci pour votre aimable attention.
Eric ADJA