La gouvernance était au cœur du discours du Chef de l’Etat à l’occasion du 1er août. A l’en croire, la mauvaise gouvernance est aujourd’hui le mal le plus dangereux qui menace les fondements de l’économie béninoise. Et je me demande qui est responsable de ce qu’il dénonce.
Sept ans après son avènement au pouvoir, Boni Yayi a constaté que notre système de gouvernance, « loin de promouvoir un développement intégral et inclusif, conduit au contraire à l’accroissement de la pauvreté. » Venant de la bouche même de celui qui nous dirige depuis près d’une décennie, il y a dans cet aveu d’échec quelque chose de pathétique.
« Accroissement de la pauvreté ». Et il a raison d’autant que dans le rapport 2012 de la BCEAO sur la pauvreté dans la zone UEMOA, même si la situation du Bénin est reconnue comme meilleure à celle des autres pays, elle n’en est pas moins la plus lente à évoluer. Pendant que des progrès sont enregistrés ailleurs dans le taux de pauvreté, au Bénin, les améliorations se font toujours attendre. Le panier de la ménagère est vide. Certains disent déjà qu’il a même disparu.
« Je vous le jure, mes chers compatriotes, mon gouvernement, en symbiose avec nos institutions républicaines et le concours de tous, est déterminé à procéder à une véritable transformation de notre société », a promis le Chef de l’Etat. Quelle société peut-il changer en deux ans et demi, alors qu’il n’a pu le faire en sept ? Entre les promesses verbales qui se font et les réalisations concrètes, tout le monde constate simplement l’échec d’un système, d’une gouvernance qui n’a produit jusqu’ici que beaucoup de promesses et d’effets d’annonces. Que du vent.
« Un des fléaux qui entravent notre marche vers le progrès et le bien être de notre Peuple réside fondamentalement dans la mauvaise gouvernance des affaires publiques comme privées de notre cité commune », a affirmé Boni Yayi mercredi nuit dans son message à la nation. Personne ne songerait à jeter la pierre à Boni Yayi s’il n’est pas au cœur de la mauvaise gouvernance qu’il dénonce avec autant d’aplomb.
C’est à se demander en réalité si ce message est vraiment destiné aux Béninois. Sinon, le saisissant ressassement des maux du Bénin est devenu un leitmotiv inutile voire énervant, à la lueur des responsabilités en jeu dans la mauvaise gouvernance du pays. Qui donc est responsable de l’échec de la plupart des réformes engagées depuis 2006 ?
La réforme du PVI a été conjuguée au passé et ne sera pas reprise de sitôt. Celle de la filière coton attend toujours de fournir des résultats probants. Les principaux responsables de la filière tiennent déjà des séances de prière dans le Bénin dit profond pour en appeler à la clémence de la nature qui s’en est mêlée encore cette année. Et les producteurs de Boukoumbé n’arrêtent pas d’attendre que leur soit livrée une quantité suffisante d’intrants…
Que dire d’une gouvernance centrée sur un seul homme réputé omniscient, sinon qu’elle ne peut aboutir qu’à un constat d’échec. Que dire d’un système de gouvernance basé avant tout sur le poids politique des cadres techniques, sinon qu’il ne peut mener qu’à la politisation de tout l’appareil administratif au point de paralyser les vraies transformations dont le pays a besoin. Que dire enfin d’un pays que l’on tue en toute joie en perpétuant l’application de la règle non écrite des quotas dans les concours de recrutement, sinon qu’on ne peut trouver meilleur moyen pour empêcher l’excellence.
Malgré ce sombre tableau, des acquis sont visibles dans la gouvernance actuelle. Oui, il y a la baisse relative des scandales dans lesquels des ministres seraient impliqués. Egalement, la soumission des membres du gouvernement à leur chef. Enfin, le puissant rôle que joue le principe de la reddition de compte qui oblige chaque responsable au travail. Le problème, c’est que la machine est peuplée de trop de faux diplômés, de trop de gens aux qualifications douteuses mais recrutés quand même, parce qu’ils sont d’une région précise et pas d’une autre. C’est finalement qu’entre les promesses qui se distribuent, et les actes qui se font attendre, le gouvernement n’a pas vu venir le spectre de son propre discrédit.