Le spectacle offert par le Garde des sceaux, Réckya Madougou, dimanche soir sur les plateaux de Canal 3, est digne d’un show médiatique minable et odieux. Avec une verve insipide et plate, elle a servi des lieux communs qui jettent du discrédit sur sa personne et sa fonction. Car, il y a des manquements qui sont intolérables. Surtout, quand vous êtes en face d’un peuple, et à plus forte raison, à un moment crucial de son histoire et de sa destinée. Il faut savoir prendre de la hauteur. A défaut, la sagesse recommande que vous vous taisiez.
Sinon comment accepter qu’une ministre de la Justice ne sache pas, ou ne semble vouloir pas comprendre, que quand on touche le préambule d’une Constitution, (ce qui est le cas ici), vous touchez à tout. Disons-le haut et fort pour que notre ministre se l’entende une fois pour toutes : quand vous touchez au préambule de la loi fondamentale d’un pays, vous en changez la philosophie politique. Une fois que la matrice est touchée, c’est la doctrine qui est changée. Contrairement donc à ce que notre ministre a radoté tout le long de son insipide monologue, nous serons de plain pied dans une nouvelle République, si le projet de Yayi passe.
Réckya Madougou professe du non-sens.
Par rapport à cela, il y a une confusion qu’il faut lui enlever de l’esprit. Un amendement « technique » introduit dans le corpus d’une Constitution, comme elle prétend qu’on l’a fait 34 fois en France, n’est pas une révision constitutionnelle. Les 34 fois qu’on a amendé la Constitution française, ce n’est pas une nouvelle doctrine qui a été proposée. Mieux, l’ajout technique, ou amendement ne se fait d’ailleurs pas sans l’avis de la Cour suprême, ni sans l’aval du Conseil constitutionnel, dans le cas français. C’est le lieu de rappeler à nouveau à la mémoire de Réckya Madougou, que le projet subrepticement envoyé au Parlement n’est pas conforme au rapport de la commission Ahanhanzo. Et n’a pas reçu l’avis de la Cour suprême. Le Professeur continue d’ailleurs de s’en plaindre partout. Comme le dit un des observateurs avertis de la chose politique au Bénin, « avant de changer une Constitution, il faut d’abord apprendre à la respecter ». Donc, dire comme elle le claironne que « scientifiquement c’est impossible que nous soyons dans une nouvelle République » si le projet passait, c’est soit faire preuve de mauvaise fois, ou d’ignorance. Pire, notre « chère ministre » pousse l’outrecuidance jusqu’à dire qu’il n’y a aucun praticien de droit ici et ailleurs qui puisse lui dire le contraire.
Zossou mérite plus de respect
Madougou une fois de plus est passée à coté de l’essentiel. Le spectacle abject, de ce dimanche est indigne. Réckya Madougou devrait plus s’inspirer du combat que mène une certaine Christiane Taubira en France. Plutôt que d’étaler contre-sens et inepties sur les plateaux de télévision. Car un ministre, à fortiori, un Garde des sceaux, ne prend la parole que quand il est sûr de maitriser son sujet. Son collègue ex-ministre, Gaston Zossou a été séquestré, et elle n’est pas au courant ! C’est-à-dire qu’on viole notoirement l’espace privé d’un Béninois, et qui plus est, pas des moindres, et Réckya Madougou ne s’en offusque guère. Elle garde alors quoi comme « sceau » ? Sinon comment comprendre que celle qui prétend être le « garant du droit positif béninois » ne s émeuve pas outre mesure quand on dénie au 21ème siècle la dignité et la liberté à un Béninois. ? Ou bien, elle a mal lu la Constitution du Bénin qui défend la liberté de « l’individu », ou bien alors elle ne connait pas son métier. D’ailleurs, une certaine sagesse recommande que cela n’arrive pas qu’aux autres.
Elle aurait pu se taire
Réckya Madougou aurait pu rendre un bon service à Yayi. Un service de salubrité. Mais obnubilée par la défense d’une cause perdue, elle s’est ridiculement enfoncée. L’honneur, la décence et le sens élevé de sa fonction, l’obligeaient à présenter des excuses au ministre Zossou. A défaut, elle aurait pu montrer une empathie et un peu de désolation. On aurait compris qu’elle y a quand même mis un peu de la sienne. Au contraire, elle affiche un dédain difficile à cerner, prétextant gaillardement qu’elle n’a été informée. D’ailleurs, notre ministre « doute » que Gaston Zossou ait été vraiment séquestré. Soit elle est toujours en vacances, soit elle refuse de voir et entendre la réalité. Et c’est vraiment triste pour le Bénin, qu’une ministre en charge des libertés puisse commettre devant le peuple béninois un impair de cette importance, un dimanche soir à l’heure de la grande écoute. Dire qu’elle n’est pas au courant, c’est faire preuve d’une incompétence grave. Elle aurait pu se taire : cela prouve qu’elle respecte le public.
La bonne foi de Yayi ?
Réckya Madougou est sortie de ses gonds, quand on lui parle de la bonne foi du chef de l’état. Mais, elle a tort. A moins, de prendre les Béninois pour des imbéciles, elle doit savoir que Yayi est le plus célèbre des présidents béninois à ne jamais tenir ses engagements. Donc, le doute est permis quant à sa bonne foi. La démarche forcée, la méthode et la procédure dénuées de bon sens mises en œuvre pour cette révision « inopportune », sont sujettes au doute quant aux intentions du chef du gouvernement. Mettre du vernis sur les nombreux scandales, et emballé le tout dans un verbiage creux, est ce qui préoccupe le moins les Béninois aujourd’hui.