A l’occasion de la célébration de son cinquantenaire ou de ses noces d’or, le Barreau béninois s’ouvre au public à travers de nombreuses activités. Au nombre de celles-ci, la conférence de presse donnée le lundi 13 avril 2015 par le Bâtonnier Cyrille DJIKUI. C’était dans la petite salle B de la Cour d’appel.
« 50 ans dans la vie d’une institution, c’est un parcours trop court, parce qu’il correspond à peine à la moyenne de l’espérance de vie humaine alors qu’une institution est appelée à être témoin de l’histoire sur des siècles ». Cette appréciation du Bâtonnier DJIKUI donne tout son sens à cette conférence de presse donnée à l’occasion des activités marquant la célébration des noces d’or du Barreau béninois créé par la loi 65-20 du 20 avril 1965.
20 avril 1965-20 avril 2015. 50 ans déjà que le Barreau béninois existe ! Son accouchement a été laborieux. Au-delà du poids relatif de l’âge, c’est plutôt la grandeur, l’importance des actes posés et leurs impacts qui font la valeur de l’institution en fête. C’est pourquoi, présenter le contexte de création du Barreau béninois s’avère nécessaire surtout si l’on doit en faire le bilan, en envisager les perspectives et, en définir les défis qui attendent. Ces points importants qui impactent au quotidien la société béninoise méritent d’être connus du public. Dans la remarquable conférence de presse qu’il a donnée, le Bâtonnier Cyrille DJIKUI a présenté les passerelles pouvant permettre une meilleure connaissance du Barreau béninois dans ce qu’il est et ce qu’il n’est pas.
(Lire un extrait de la déclaration linéaire du Bâtonnier Cyrille DJIKUI)
ENCADRE
Extrait de la Déclaration liminaire du Bâtonnier Cyrille DJIKUI
« De dix membres à sa création, le Barreau du Bénin en compte aujourd’hui deux cent environ… »
Mesdames et messieurs,
Chers amis de la presse,
Vous l’auriez déjà remarqué, les cours et tribunaux sur l’ensemble du territoire national, nos rues et certaines places publiques sont ornés aux couleurs du Barreau du Bénin avec son logo entouré de deux palmes en or.
Pour emprunter au registre nuptial, je dirai que les Avocats célèbrent les noces d’or de leur affranchissement de l’autorité hiérarchique du ministère de la justice. Cette métaphore pour dire qu’il y a maintenant cinquante 50 ans que les Avocats qui exercent au Bénin ont été constitués en un ordre professionnel autonome et indépendant.
En cette année 2015, année du cinquantenaire, le Barreau du Bénin nous convie non seulement à faire une rétrospection pour revisiter le contexte de la création du Barreau, mais il nous invite également à faire le bilan de la création de cette institution pour envisager les perspectives et définir les défis qui attendent à court et à moyen terme l’Ordre des Avocats du Bénin.
Voilà l’objet de la présente conférence de presse de ce jour, qui fait suite à celle que j’avais déjà animée le 10 mars dernier, toujours pour annoncer les manifestations du cinquantenaire.
Mon propos s’articulera autour de deux axes: d’une part le contexte de la célébration du cinquantenaire et d’autre part le programme des manifestations.
1 - Le contexte du cinquantenaire
Vous vous en doutez bien, je ne peux parler du cinquantenaire sans faire un retour dans le passé d’il y a 50 ans pour nous rappeler les circonstances de la création de notre Barreau.
Pour mémoire, il me plait de rappeler qu’avant 1965, les avocats qui exerçaient au Dahomey, relevaient de l’autorité hiérarchique directe du ministre de la justice. A cette époque, le ministre avait de très grandes prérogatives sur l’admission à l’exercice de la profession d’avocat, sur la gestion de la carrière des avocats et pouvait prononcer des sanctions contre les avocats. C’était le ministre de la justice qui confiait les causes aux avocats qui devaient en assurer la défense à charge de rendre compte à sa hiérarchie.
Ce système avait le désavantage de ne pas faire grande place à la liberté et à l’indépendance dont l’avocat avait besoin pour exercer sans contrainte sa profession. A cette époque, il était fréquent d’observer une trop grande ingérence du pouvoir exécutif dans les stratégies et les montages juridiques nécessaires à une défense de qualité.
C’est dans ce contexte qu’en 1962, un procès politique avait aligné aux bancs des accusés, plusieurs hommes politiques du parti UDD considérés comme opposant au régime en place. Parmi les accusés, il y avait le président Justin Tométin AHOMADEGBE. Lors de ce procès, les avocats de la défense s’étaient retrouvés dans une situation inconfortable puisqu’ils recevaient sans arrêt des instructions du ministre de la justice et n’avaient manifestement aucune marge de manœuvre pour défendre effectivement la cause de leurs clients. De ceci, les avocats s’étaient plaints.
Mais entre-temps, en 1963 le régime en place, secoué par de nombreuses crises, a été renversé. Sourou Migan AKPITY devint président de la République avec pour Chef de gouvernement Justin Tomètin AHOMADEGBE et Alexandre ADANDE comme ministre de la Justice.
Ces deux derniers étaient des amis personnels du Bâtonnier François AMORIN. C’est dans ce contexte que, sous l’instigation du Bâtonnier François AMORIN, et tirant leçon de son expérience personnelle, Justin Tométin AHOMADEGBE se montra très favorable à la création d’un organe autonome dont relèverait les avocats.
La décision de créer un Barreau au Bénin a été donc prise par le trio "Justin Tomètin AHOMADEGBE, François AMORIN et Alexandre ADANDE ".
C’est ainsi que le 20 avril 1965, la loi n065-20 portant création du Barreau du Dahomey a été promulguée.
Depuis lors, de vaillants hommes et de vaillantes femmes exerçant cette profession se sont résolument donnés pour faire reculer les frontières de l’arbitraire et sont à l’avant-garde de toutes les luttes protectrices des libertés.
Depuis lors, les avocats sont organisés en un barreau administré par un Conseil de l’Ordre dirigé par un Bâtonnier.
Depuis le Bâtonnier AMORIN François jusqu’au Bâtonnier en exercice que je suis, plusieurs autres Bâtonniers se sont succédés à la tête de l’Ordre.
Par ailleurs, de dix (10) membres à sa création, le Barreau du Bénin en compte aujourd’hui deux cent (200) environ.
Le Barreau du Bénin aujourd’hui a plusieurs défis, entre autre :
-Communiquer pour mieux faire connaître aux citoyens le rôle de l’Avocat dans la cité (« PAS UN PAS SANS MON AVOCAT » est le leitmotiv)
-Se battre pour une mise en place effective de l’aide juridictionnelle ;
-Assurer davantage la défense des libertés fondamentales ;
-Construire la maison de l’Avocat.
(…)
Entretien
« Il faut humaniser nos prisons et les décongestionner car, ils se trouvent des personnes qui y croupissent inutilement »
(A dit Me Cyrille DJIKUI)
En marge de la conférence de presse, le Bâtonnier Cyrille DJIKUI a bien voulu éclairer un peu plus l’opinion publique sur des questions relatives à l’image que se fait le public des Avocats.
Le Confrère de la Matinée : Pourquoi avoir attendu le 50ème anniversaire pour faire connaître le Barreau béninois, comme c’est le cas maintenant ?
- Bâtonnier Cyrille DJIKUI : Vous savez, il y a des évènements qui marquent la vie d’un homme, d’une institution. Il nous a paru utile pour nous-mêmes et pour la société béninoise de marquer notre anniversaire de la plus belle manière. Aussi, avons-nous choisi de le célébrer périodiquement. Cela nous offre l’occasion, dans une durée relative de temps, de dire ce que nous faisons et de prendre conscience, au contact de la société des défis qui nous attendent et dont les relèvements participeront à coup sûr, à de meilleures prestations à offrir. Pour preuve, les caravanes du fonds d’assistance juridique et judiciaire sur toute l’étendue du territoire béninois ont permis à beaucoup de compatriotes et d’autres de se faire une meilleure idée des Avocats. Ceux qui ont été assistés gratuitement ont compris l’importance du leitmotiv que nous lançons à tous les Béninois : « Pas un pas sans mon Avocat ».
Généralement, quand on entend parler des Avocats, beaucoup paniquent à l’idée que ce sont des escrocs. Ceux qui le pensent se disent que quand vous n’êtes pas riche, votre dossier ne peut pas aboutir…
- Nous entendons beaucoup de choses sur nous. A la vérité, l’avocat est mû avant toute chose, par le souci de défendre du mieux possible une cause parce qu’il veut gagner un procès. L’honneur qu’il en tire le promeut et l’oblige à aller toujours de l’avant. Les procès d’intention contre les Avocats sont légion. Savez-vous qu’il y a plus de cas de moins nantis qui sont brillamment défendus ? Savez-vous combien de cas sont défendus presque gratuitement ? A l’image du médecin, c’est comme si l’Avocat a prêté lui aussi un serment d’Hippocrate. C’est vrai, les brebis galeuses ne manquent pas dans les rangs. Mais combien sont-ils pour qu’on puisse jeter ce déshonneur sur le Barreau béninois dont nous nous employons à améliorer la qualité !
Toujours dans le même ordre d’idées, l’Avocat béninois coûte-t-il cher?
- Les Avocats ne sont pas chers et surtout pas ceux du Bénin dont les coûts des prestations sont proportionnels au rang social des citoyens requérant leurs services. Il est important de savoir que l’avocat n’a pas de salaire, il ne perçoit pas de primes et pas de cachet non plus. Il est honoré par les services rendus d’où, les honoraires qu’il perçoit.
L’avocat béninois est-il vraiment libre ?
- Oui, l’Avocat béninois est libre et vraiment libre. La création de l’Ordre des Avocats du Bénin perdrait alors tout son sens si, nous ne sommes pas capables de nous assumer. C’est pour éviter d’être sous ordre, de voir des décisions de justice tronquées, de voir l’injustice prendre le pas sur ce qui est juste que nous avons acquis de haute lutte, notre autonomie. Nous nous sommes affranchis de l’assujettissement pour offrir des prestations plus honnêtes, plus humaines et non plus à la tête du client. Finie l’ère de l’injustice caractérisée qui régnait et qui est maintenant révolue. Ceci étant, ceux de notre corporation qui veulent se mettre sous la coupe d’hommes politiques ou autres pour différentes raisons qui les engagent à titre personnel, peuvent être sanctionnés suivant la grille des sanctions de notre règlement intérieur. Ils peuvent être mis en marge du Barreau béninois dont ils veulent en ternir l’image de marque. L’Avocat doit éviter d’avoir les mains liées. Il doit combattre la corruption et ne pas se laisser corrompre.
Que retenir des caravanes organisées à l’occasion de cette célébration ?
- Les services de défense et d’assistance gratuitement offerts à l’occasion des 50 ans du Barreau béninois nous ont permis de découvrir de nombreux cas d’injustice. Des prisonniers sont oubliés dans les prisons parce que, leurs dossiers n’ont jamais été instruits. Il y a trop de vices de formes et des irrégularités criardes. Bonne note a été prise de nos observations. Un procès-verbal en bonne et due forme sera rédigé et envoyé à notre ministre afin que justice soit faite. Et au besoin, nous sommes prêts à aller voir le chef de l’Etat. Il faut humaniser nos prisons et les décongestionner car, ils se trouvent des personnes qui y croupissent inutilement. Nous avons été saisis de nombreux cas au niveau desquels, nous menons toutes les investigations nécessaires avant d’agir. Nous voulons partager avec les citoyens l’amour de la justice, l’amour d’une vie heureuse en lui évitant au maximum, les risques d’une peine privative de liberté. En tant que tel, l’avocat est aussi un acteur de développement.
Avez-vous un message particulier à l’endroit du public ?
- Le message que j’ai à l’endroit de mes compatriotes est de leur faire comprendre qu’ils n’ont pas à avoir peur des Avocats. Rien ne vaut la liberté. Alors, pour tous problèmes qu’ils ont, ils doivent savoir et comprendre combien il est, important pour eux de se rapprocher d’un avocat pour prendre conseil et savoir la conduite à tenir. Le Barreau béninois n’est pas une jungle remplie de carnassiers. Et pour coller à notre leitmotiv : « Pas un pas sans mon Avocat », des lignes vertes sont ouvertes à tous les citoyens pour n’importe quel problème : ce sont le 64 29 29 29, le 67 40 47 47 et le 90 21 29 29.
Propos recueillis par
Kolawolé Maxime SANNY