Entretien avec le président de ALCRER Martin Assogba)
A la veille des élections législatives, le président de l’Association de lutte contre le racisme, l’ethnocentrique et régionalisme, (ALCRER) Martin Assogba se bat pour des élections apaisées et transparentes au Bénin. Dans cet entretien, il fait sa lecture de la correction du fichier électoral et livre les actions entreprises par les organisations de la société civile pour une transparence dans les élections législatives.
Nouvelle Expression : Le fichier électoral a été corrigé par le COS-LEPI, en tant que membre influent de la société civile, pensez-vous que l’on peut s’y fier à 100% ?
Martin Assogba : Oui, on peut s’y fier. Aucune œuvre n’est parfaite dans cette vie à 100%. Même au niveau de la création humaine, on enregistre des erreurs, c’est le cas des bébés siamois. Le Conseil d’orientation et de supervision de la liste électorale permanente informatisée (COS-LEPI) a fait ce qu’il peut, mais il pouvait faire mieux. S’il faut reconnaître que si le travail avait été confié aux hommes appropriés dans le domaine, je veux parler des spécialistes de la question, des techniciens, on aurait eu un résultat meilleur. Ce qui n’est pas le cas, la LEPI a été confié à des politiciens. Il y a eu des couacs dans la correction. Quelque part, il y a également un problème de civisme, les populations vivent comme des habitants au lieu de se comporter en citoyen. La déception que certains ont eue par rapport aux comportements des politiciens fait que beaucoup de citoyens ne veulent plus s’intéresser à la chose, ignorant que le droit de vote est un devoir, une obligation pour le citoyen. Par exemple, pour l’audit participatif, la population n’avait pas participé comme il le fallait, ce qui a contraint le COS-LEPI à faire des prolongements de date. C’est prolongement justifie le point d’achoppement des milliards que demandait le COS-LEPI au gouvernement, car il fallait payer les prolongations aux agents. Tous ces problèmes se résument au fait qu’on n’a pas choisi les techniciens pour faire la correction du fichier électoral. Ce sont les politiciens qui ont fait ce travail, ils l’ont fait à cause de l’argent et non pas pour les résultats.
Dans la foulée, certains électeurs n’ont pas retrouvé leur carte d’électeur ou l’ont reçue avec des erreurs, comment appréciez-vous cette situation ?
Ces erreurs se font constater parce que les agents commis à la tâche, ceux qui sont chargés de faire les photos, de prendre les noms n’ont pas été bien formé. Résultat, les choses sont faites de manière maladroite. C’est une faillite de la part du COS-LEPI. Les personnes chargées de faire le travail n’ont pas été bien formées, ne sont pas qualifiées pour le faire. Également les appareils qui ont permis de prendre les photos des populations depuis 2011, qu’est ce que ces appareils ont subi comme défaillance ? Beaucoup de personnes se plaignent, de ce fait qu’on ne voit pas correctement leur visage sur les photos et c’est pourquoi, à bon droit, ils ont raison. Mais n’oubliez pas qu’à cause du délestage, dans certaines zones, les appareils ont été utilisés avec l’aide du groupe électrogène, ce qui aurait pu impacter le travail et la qualité des photos. Lorsqu’on branche un appareil sur un groupe électrogène, il ne peut pas donner les mêmes résultats, comme s’il est branché sur l’énergie électrique de la SBEE. Le gouvernement a aussi sa responsabilité. Combien de fois nous souffrons de l’énergie électrique. Nous souhaitons que le 26 avril ne soit pas comme les autres jours, parce que nous avons besoin de l’électricité pour faire le décompte des voix. Nous crions donc haut et fort pour qu’au soir du 26 avril, il y ait de l’électricité dans tout le pays, pour favoriser le décompte des voix et les formalités liées à l’élection.
Pensez-vous que la décision de la Cour constitutionnelle déchargeant le COS-LEPI est salutaire ?
Le Centre national de traitement (CNT) était une branche armée du COS-LEPI. Cette branche s’occupait de tout ce qui était informatique, prises de vues. Et d’ailleurs la loi avait prévu qu’une fois que le COS-LEPI aurait fini de faire son travail, les cartes sorties, que le CNT avait l’obligation de continuer le travail. Le CNT travaillait déjà en bonne intelligence avec le COS-LEPI. La Cour a agi en bon droit, ceux qui disent que la décision de la Cour n’est pas normale, qu’on ne doit pas confier la distribution des cartes d’électeurs au CNT, moi je leur demande de retourner aux lois qui régissent les élections. Nous n’allons pas intoxiquer pour intoxiquer. Maintenant, il faudrait que le CNT face bien son travail.
Vous aviez informé la presse, il y a environ trois mois, d’un système de surveillance des élections mis en place par l’ONG ALCRER en partenariat avec Social Watch Bénin, qu’en est-il de son effectivité ?
Les membres de la société civile se sont mis en une très grande coalition, dénommée la plateforme des organisations de la société civile soutenues par le PNUD. Nos gens sont en ce moment en formation au Chant d’oiseau, 50 personnes, soit 25 hommes et 25 femmes. Nous avons préféré confier ce travail-la à des jeunes qui manipulent bien l’outil informatique. Déjà, il y a un groupe qui a été formé mercredi dernier, sur la formation des formateurs et qui est déjà en route pour le septentrion pour aller former 50 autres personnes. Ils seront mis en corporate, nous allons installer une situation Roum, c'est-à-dire on aura une cabine technique et chacun des cent membres aura son code pour pouvoir envoyer, au niveau du serveur les choses qu’ils vont remarquer sur le terrain pendant le vote. Est-ce que les bureaux ont vite ouvert, est-ce que dans chaque bureau, il y a tout le matériel qu’il faut, l’encre indélébile, les bulletins de vote, est-ce que dans le bureau de vote, on a pu oblitérer. Nous faisons toutes ces formations pour pouvoir faire la veille citoyenne pour que les résultats reflètent en nombre de députés ce que les populations ont voulu par le vote. Nous aurons les membres de la société civile dans chaque bureau de vote, positionnés du matin au soir. Et nous conseillons à ceux que tous les candidats ou alliance de partis politique puissent positionner leurs représentants dans tous les bureaux de vote pour qu’il y ait moins de fraude. Concernant les cartes d’électeurs, nous ne pouvons pas continuer à déroger aux règles qui encadrent les élections. Depuis près de 25 ans, nous sommes dans la démocratie, et dans la démocratie participative, il faut faire les choses de manière professionnelle, les cartes d’électeurs qui ne seront pas distribuées doivent être retournées à la CENA tel que la loi l’a prévu pour que des tricheurs n’aillent pas prendre ces cartes et les distribuer à d’autres personnes qui iront voter à la place des vrais propriétaires. Nous avons demandé à ce que le CNT voit avec les chefs quartiers pour que ceux qui se sont fait enregistrer et dont on a établi les cartes ; qui sont déjà décédés et dont on a établi les cartes, qu’on puisse les sortir du fichier et les confier à la CENA qui doit les sceller quelque part. Et nous avons dit, toujours par les médias, qu’il faudra que le CNT envoie des messages à tous les coordonnateurs chargés de la distribution des cartes, que les cartes doivent être remises unies nominalement à chacun.
Vous avez un appel à lancer aux citoyens et au CNT ?
Nous demandons aux citoyens de faire la veille, de se comporter comme citoyen dans sa zone et non comme habitant et que nous ne voulons pas des histoires le jour du vote. Aussi, un appel au CNT, à l’endroit de ceux qui ne retrouvent pas leur carte, il faudrait que le CNT se mette en même tant avec la CENA pour que, ceux qui ont leur bulletin d’enregistrement en mains et qui n’ont pas retrouvé leur carte, puissent voter. Car celui qui s’est fait enregistrer et qui n’a pas sa carte, et qui n’est pas un délictueux doit pouvoir exprimer son droit de vote.
Entretien réalisé par Ghislaine Ahouanmahoué