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Correction de la Lépi : faut-il y croire ?
Publié le mardi 13 aout 2013   |  L`Araignée


Sacca
© Autre presse par DR
Sacca Lafia, Président du Conseil d`Orientation et de Supervision des operations de correction de la Lépi


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L'actualité nationale se focalise ces derniers temps autour de la révision de la Constitution.
Tout en reconnaissant la haute importance de ce débat auquel d’ailleurs nous ne manquons de participer activement, il nous semble tout aussi important de ne pas le laisser éclipser totalement la question de la Lépi qui, faut-il le rappeler, a réussi entre autres à bousculer – pour combien de temps on ne sait – le cycle électoral dans notre pays, notamment pour les élections communales et locales. Sans préjuger des autres conséquences éventuelles de cette situation, le seul fait que soit mis entre parenthèses depuis quelques mois un indicateur essentiel de la vie démocratique de notre pays, c’est-à-dire la tenue d’élections régulières pour renouveler le mandat des élus, nous paraît suffisamment préoccupant pour ne pas négliger le sujet.

Depuis la mise en place du cadre légal, puis organique pour la correction de la Lépi, nous avons beaucoup hésité sur les modalités de notre contribution à ce débat, car dans ce Bénin où la bonne foi est devenue difficile voire impossible à présumer, notre opinion pourrait être hâtivement appréciée sous le prisme étriqué aujourd’hui en vogue de « mouvance ou opposition ».

Notre récente participation au « Café des Leaders » – cette belle initiative de Mme Célestine Zanou – et un bref échange il y a quelques jours avec l’Abbé André S. Quenum nous ont définitivement rassuré sur le fait qu’il est encore possible pour certains Béninois de faire la distinction entre les propos du technocrate, ceux de l’intellectuel et ceux du politique.

Tout en reconnaissant que ces trois personnages coexistent fatalement en nous à des degrés divers, nous tenons à repréciser avant tout propos que, sur les questions électorales, questions sur lesquelles nous considérons sans fausse modestie avoir réuni suffisamment de connaissances théoriques et d’expériences pratiques pour pouvoir nous exprimer valablement, nous resterons constamment dans la posture du technocrate (celui qui présente les différents aspects de la question d’un point de vue technique et sans parti pris), parfois dans celle de l’intellectuel (qui va au-delà du technocrate pour prendre position sur la base des éléments dont il dispose), mais jamais dans celle du politique (qui se détermine en fonction de ses intérêts personnels ou partisans). Car, contrairement aux autres domaines professionnels où nous pouvons nous permettre de nous prononcer en profane ou même en démagogue, quitte à ce que les experts nous relèvent, nous estimons que nous n’aurions aucune excuse à biaiser la vérité sur un sujet où nous sommes censés éclairer les moins avertis.

Ce préalable posé, nous en venons à l’essentiel qui est notre appréciation objective du processus de correction de la Lépi actuellement en cours.



Brefs rappels

Lorsque la loi 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du Réna et établissement de la Lépi a été votée, nous avons été parmi les premiers à attirer l’attention sur les faiblesses de ce texte, tant dans son contenu que dans le contexte qui a présidé à son adoption.

Nous n’aurons par la suite de cesse de tirer la sonnette d’alarme tout au long du processus d’organisation du Réna dont nous prédisions l’échec certain si les améliorations nécessaires n’y étaient pas apportées.

Au lendemain de l’élection présidentielle du 13 mars 2011, nous avons affirmé – et nous maintenons cette déclaration – que la Liste électorale permanente informatisée (Lépi) n’existe pas au sens de la loi 2009-10 du 13 mai 2009.

En effet, contrairement aux listes manuelles traditionnelles, la Lépi ne se confectionne pas ex nihilo pour servir à une élection. Elle est plutôt l’aboutissement logique et automatique d’un processus : le recensement électoral national approfondi (Réna). Il en découle qu’un Réna conduit en violation de la loi ne saurait aboutir qu’à la confection d’une base de données peu ou pas fiable qui à son tour ne saurait générer qu’une liste électorale tronquée.

Il importe de souligner que, si nos Etats en Afrique en sont encore à déployer des trésors d’énergie et de ressources pour la réalisation de listes électorales, c’est en raison de la quasi-inexistence d’un fichier d’état civil digne de ce nom. Si la réalisation de listes permanentes informatisées ne peut pas permettre de résoudre progressivement et méthodiquement cette faiblesse de l’état civil, autant ne pas s’y engager car elle produira alors l’effet contraire et ne fera au mieux qu’accentuer les profondes divergences observées autour des listes électorales.

Dès lors, nous avons estimé qu’au lendemain du processus chaotique du Réna réalisé en 2009-2010, il était techniquement possible, en faisant fi des dissensions politiques, de corriger le tir sans avoir à passer systématiquement en pertes et profits les énormes ressources englouties dans l’opération.

Nous avions alors proposé une méthodologie qui consisterait à corriger, en repartant sur le terrain, les données douteuses issues du Réna. Ce qui permettrait de générer à l’issue du processus une liste électorale informatisée plus fiable, plus pérenne et plus utile à l’avenir.

Et c’est à ce niveau que nous nous démarquons de certains « techniciens » qui tentent de faire croire que nous soutenons la thèse d’une possible correction de la Lépi, alors que celle-ci n’existe pas.

A la vérité, ce qu’il s’agit de corriger, ce n’est pas la Lépi en tant que telle dont nous avons nous-mêmes convenu de l’inexistence au sens de la loi, mais plutôt les données du Réna dont on extrait la Lépi. Et cela, nous réaffirmons que c’est techniquement possible.

Si nous concédons au politique et même à l’intellectuel de rejeter cette subtilité qui lui paraît soit suspecte, soit risquée, nous ne saurions par contre accepter que le technocrate entretienne la confusion et refuse d’éclairer le politique.

La tentation pourrait être grande pour le technocrate intellectuellement engagé que nous sommes de trancher dans le sens voulu par certains acteurs politiques dont, au demeurant, nous partageons les doutes légitimes sur la bonne foi du camp politique aujourd’hui majoritaire et sur sa volonté réelle de conduire le processus de façon transparente et objective.

Mais, ce mélange des genres serait, nous semble-t-il, le meilleur moyen d’installer une confusion inextricable des rôles qui n’est pas de nature à faire avancer les débats intellectuels et démocratiques dans notre pays.

En fait, nous estimons qu’il revient au technocrate de situer le politique sur les pistes techniques possibles, à charge pour ce dernier de suivre les suggestions ou de les rejeter.

Le refus de concertation entre ces différents acteurs ou le manque de sincérité de l’un ou l’autre des acteurs aboutit inévitablement à des biais qui peuvent fatalement conduire à des résultats contraires à ceux escomptés.

Et il nous semble bien que nous en soyons là aujourd’hui par rapport à la correction programmée de notre fichier électoral.



Solutions préconisées

En septembre 2012, un groupe d’experts dont nous faisions partie a préconisé une méthodologie de correction de notre fichier électoral. Seulement, il reste que si le législateur a pris en compte certains aspects de notre proposition lors de la mise en place du cadre légal, il en a volontairement écarté d’autres ainsi que certaines conditions que nous avons estimé essentielles pour obtenir le résultat escompté.



Constats, indices de nouveaux orages imminents

Il nous semble que chacun peut se faire une opinion à partir de tout ceci en comparant le processus en cours avec les suggestions des techniciens. Néanmoins, nous faisons remarquer que :-

- si les députés à l’Assemblée nationale ont fini par s’accorder sur la nécessité de corriger le fichier électoral et ont engagé des discussions dans ce cadre, le dialogue amorcé a, par la suite, pris du plomb dans l’aile ;

- en fait de parité dans les organes mis en place, on note plutôt l’emprise de fait d’un camp politique sur le processus. Curieusement, ce camp est le même que celui qui a conduit le processus initial dans l’impasse. C’est à peine si les individus qui le composent ne sont pas exactement les mêmes ;

- si le chronogramme indicatif du Cos/Lépi retenu lors du séminaire d’Agoué paraît exhaustif, réaliste et réalisable au regard du cadre légal établi, il est à déplorer l’impasse totale faite sur la première partie de l’audit participatif tel que les experts l’ont préconisé (procéder à l’examen des fichiers, réaliser l’examen de l’adéquation technologique, s’assurer de la qualité du dédoublonnage, veiller à la mise en place d’un workflow manager qui facilite les imports-exports des données d’une base à une autre, organiser la traçabilité des opérations effectuées dans la base (première inscription, modification, nouvelle inscription, …) et le mutisme observé sur la question des personnes recensées sans pièce d’état civil lors du processus du Réna (personnes estimées à plus de 2, 2 millions par la mission d’évaluation de l’Organisation internationale, Oif) ;

- ce dernier constat devient fortement inquiétant au regard de la recommandation de l’atelier du Cos/Lépi à Agoué de convertir les cartes d’électeur en carte d’identité. Une telle décision paraît dépasser la seule compétence d’un organe comme le Cos/Lépi et devrait, semble-t-il, faire l’objet de plus larges études et concertations. Car, il s’agit là de la nationalité béninoise et nul n’ignore le drame vécu par un pays frère en raison du mauvais règlement de la question de la nationalité ;

- le Cos/Lépi peine à réunir les fonds (13,5 milliards de francs cfa) qu’il estime nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Il faut dire que, autant cette somme nous paraît a priori pharamineuse au vu de la mission en question, autant nous n’osons pas aller loin dans l’appréciation vu que le détail du budget n’a pas été rendu disponible.

Au total, le politique a refusé encore une fois de jouer franchement sa partition, aidé en cela par certains technocrates qui ont du mal à se départir de leurs convictions politiques sur des questions où ils devraient rester totalement neutres et professionnels.

Au regard de tout ce qui précède, nous ne pouvons nous empêcher d’exprimer de sérieux doutes sur l’aboutissement positif du processus de correction en cours.

Pour cela, nous suggérons fortement que les politiques aient le courage de se rasseoir tous autour d’une table pour, avec l’éclairage des technocrates, examiner objectivement et froidement la seule alternative qui vaille et appliquer honnêtement la décision qu’ils prendront : soit ils font confiance aux technocrates et prennent en compte leurs suggestions avec tout ce qu’elles comportent comme contraintes, soit ils remisent la « Lépi » de 2011 au placard et optent pour la confection d’une autre liste.

Autrement, il semble bien qu’on n’est pas bientôt sorti de l’auberge.

Clotaire OLIHIDE

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