Le développement de la présence chinoise au Bénin entraîne des défis à relever pour cette économie africaine.
Le Bénin a depuis toujours nourri une relation prisée avec le pays du Milieu. Les ressources mobilisées auprès des partenaires émergents entre 2005 et 2010 par exemple sont estimées à 230 milliards de francs CFA, soit 7% du PIB en 2010, dont plus des trois quarts en provenance de la Chine. Récemment, le gouvernement chinois a une fois de plus accordé un prêt préférentiel de 40 milliards de francs CFA (69 millions de dollars) pour financer les infrastructures de télécommunication au Bénin. L’accord a été signé le 2 mars 2015 à Cotonou entre le ministre des Affaires étrangère et de l’intégration africaine, Nassirou Arifari Bako et Diao Mingsheng, l’ambassadeur de Chine au Bénin. Dans une lune de miel qui se prolonge entre les deux pays, des interrogations se posent cependant quant à la pertinence du modèle gagnant-gagnant vendu avec tant d’éloquence par la diplomatie chinoise.
Du côté de la Chine, l’amélioration du niveau de vie, la consommation de matières premières et d’énergie et l’industrialisation ont amplifié la dépendance du géant asiatique vis-à-vis des importations de ressources naturelles en provenance d’Afrique. La Chine voit dans un pays africain comme le Bénin un marché d’écoulement de ses produits, une opportunité d’agrandir son influence sur l’échiquier international ainsi que l’opportunité de s’approvisionner en matières premières. La vision chinoise est bâtie sur un modèle d’accompagnement technique et financier qui lui réussit plutôt bien dans la plupart des pays Africains où elle est présente.
Les réalisations chinoises sont nombreuses au Bénin. Quelques réalisations phares qui ont marqué les régimes du Président Mathieu Kérékou et celui de son successeur Yayi Boni au Bénin sont : le palais des congrès, la numérisation du réseau téléphonique béninois, le nouveau ministère des affaires étrangères et le premier échangeur jamais construit au Bénin. Le Bénin bénéficie de la coopération financière et technique de la Chine à travers l’accompagnement dans la réalisation de différents projets de développement en termes d’infrastructure, d’industrie, d’agriculture mais aussi une implication grandissante dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la technologie. Les concours sans conditionnalités de la Chine s’expriment sous forme de prêts sans intérêts et de dons qui sont mis à la disposition du pays. Le Bénin devra cependant faire mieux sur deux points pour effectivement établir une relation « 50-50 » telle que préconisée par la diplomatie chinoise : le leadership et sa politique de communication, la protection et la promotion des industries locales.
Le leadership et la politique de communication
Le Président béninois Yayi Boni invitait il y a peu, la China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) à participer au projet de construction d’une raffinerie au Bénin. «Le Bénin appartient au même Golfe de Guinée que le Nigeria, le Cameroun, le Congo, la Guinée, le Gabon. Si tous ces pays ont le pétrole, Dieu ne peut pas avoir été si injuste pour ne pas en donner au Bénin. Je suis convaincu et je suis prêt à parier que vous trouverez aussi du pétrole dans mon pays. Des blocs sont identifiés et disponibles pour exploration mais nous voulons aller vite, très très vite. Envoyez dès les prochains jours une mission d’études préliminaires au Bénin pour que nous allions très vite». Ce genre de propos en dit long sur le type de message véhiculé, le degré d’inclusion des acteurs privés béninois dans les prises de décision d’investissement et la prise de responsabilité du gouvernement béninois face à la gestion de ses ressources naturelles. Il faudra y remédier par une communication exempte de toute victimisation et une complicité réelle avec les acteurs privés béninois.
La promotion et l’émergence des industries locales
Il est estimé qu’entre 2008 et 2011, le nombre de Chinois vivant au Bénin est passé de 1 000 à 100 000. Ce changement sociodémographique n’a pas été sans avantages économiques pour le Bénin. La réduction du coût d’acquisition de certains biens de consommation en témoigne. Le coût d’achat des motocycles par exemple a diminué de 75% depuis la vulgarisation des motos djenanans sur le marché béninois. Cependant, l’effet pervers de ces réductions tous azimuts se fait ressentir chez les commerçants locaux. En effet, ces derniers sont livrés à une rude concurrence face aux commerçants chinois qui se procurent des produits à bas prix directement chez les producteurs en Chine pour les revendre ensuite à des prix imbattables sur le même marché que les commerçants locaux.
Dans le secteur formel, surtout celui des Bâtiments et travaux publics (BTP), les chinois occupent généralement les postes de direction pendant que les locaux sont relégués aux postes secondaires. Peu friands du partage de connaissance avec les locaux et se mêlant en majorité aux 80% du secteur de l’informel du Bénin, les petites unités économiques possédées par les migrants chinois ajoutent une pièce supplémentaire au puzzle de la régularisation de l’environnement des affaires au Bénin.
Il incombe au gouvernement la responsabilité de mettre en place les mesures adéquates favorisant l’inclusion des techniciens béninois dans les entreprises chinoises et institutions chinoises. Des programmes et bourses de formation et de brassage culturel en Chine et au Bénin d’une part et la mise en place d’une technologie dynamique de collecte d’information et de recensement d’autre part sont des points stratégiques sur lesquels le gouvernement béninois doit s’appuyer pour prévenir toute inclinaison de la balance dans le sens inverse. Ceci permettra de poser les bases d’une collaboration digne qui favorisera le développement de l’exportation des produits béninois vers la Chine et la réduction du chômage au Bénin.
La Chine contribue immanquablement au modelage de la nouvelle architecture de l’aide au développement en Afrique et se trouve être un partenaire à priori plus élégant que l’ancienne puissance coloniale au Bénin. Cependant, la forme de communication employée par le leadership béninois emprisonne les opportunités économiques pour les investisseurs et entrepreneurs locaux et dénue le gouvernement et la diplomatie béninoise de toute capacité d’innovation et de prise de responsabilité face à ses problèmes de développement durable. Il y a un besoin ostensible que le leadership béninois appuie sa stratégie de développement sur une meilleure politique de communication. La communication du 50-50 devra être inclusive et protectrice de l’économie nationale plutôt que celle d’un plaidoyer mendiant d’une aide internationale qui consisterait à laisser les ressources naturelles du pays aux mains étrangères.