Déclaration des Organisations de la société civile
Les signaux que nous donnent les évènements des 4, 5 et 6 mai 2015
Le premier signal, nous vient de l’irrationalité de détachement militaire
Le lundi 4 mai 2015, aux environs de 11 heures ……., nous avons été alertés par des militants de droits de l’homme au motif d’une ‘’tentative d’arrestation’’ du député Candide AZANNAI. Spontanément mobilisés en délégation de responsables d’ONG, nous nous sommes rendus au domicile du député pour apprécier la situation.
Sur les lieux, nous avons eu de la peine à atteindre le domicile du député du fait de la foule immense de citoyens siégeant en bouclier humain autour du domicile et face à un important déploiement de gendarmes lourdement armés.
A l’analyse, tout en donnant du crédit aux déclarations du ministre de la justice, du procureur de la République, des leaders de l’Alliance Force Cauris pour un Bénin Emergent (FCBE) et d’autres déclarations faisant état d’un simple dépôt de convocation suite à une plainte du Président de la République,
- L’on est en droit de s’interroger sur l’opportunité de ce lourd détachement d’hommes armés pour un simple dépôt de convocation. A-t-on été informé que l’honorable est armé ou qu’il pouvait violenter le porteur de la convocation ? Mais pourquoi le détachement ne s’est-il pas aussitôt retiré après le retrait de la convocation par l’avocat du député ? Surtout avec la mention ‘’dès réception’’ sur la convocation, tout laisse à penser qu’il s’agissait d’un mandat d’amener.
- C’est heureux pour le peuple béninois que l’honorable n’ait pas été trouvé sur les lieux sinon la situation aurait pu être plus dramatique.
C’est un signal pour nous et c’est surtout le lieu, tirant leçon des conséquences déplorées de tous, d’inviter nos autorités politiques et judiciaires à retourner au respect des principes de l’état de droit par la stricte application des textes et lois de la République sans précipitations ni acharnements. L’arbitraire ne doit s’établir en aucun cas dans un état de droit.
Le second signal nous vient de l’usage, sans discernement, de la violence
Sur les lieux, plusieurs autorités, députés et personnalités béninoises dont le Président-Maire Nicéphore Dieudonné SOGLO avaient aussi rejoint le domicile du député.
Ensemble, avec tout ce monde non armé, nous avons
- vécu la violence des échauffourées ayant opposé la foule et les forces de sécurité, violences ayant occasionné des blessés graves et d’importants dégâts matériels dont un véhicule de secours des sapeurs-pompiers.
- souffert, avec le Président-Maire et toutes les autres personnalités présentes, des gaz lacrymogènes lancés contre nous, par les gendarmes, alors que nous nous trouvions dans le domicile du député….
A l’analyse, tout en reconnaissant que les forces de sécurités présentes ont fait relativement preuve d’un professionnalisme ayant contribué à limiter les dégâts, nous dénonçons l’usage sans discernement de la violence (gaz lacrymogènes) sur les citoyens et surtout sur des personnalités et des autorités politiques dont un ancien Président de la République alors que ces derniers se trouvaient dans un domicile privé. Des scènes similaires ont été enregistrées le 6 mai 2015 autant dans la rue qu’ au siège de l’organe de presse CANAL3.
Ainsi, nous avons pris des risques énormément graves. Heureusement qu’aucun incident ou dommage graves n’ait été enregistré sur ces personnalités et autorités politiques. Cela aurait pu enflammer la situation et servir d’élément déclencheur d’une crise que nous aurions beaucoup de difficultés à contenir. Et c’est à juste titre et légitimement que les esprits se sont surchauffés et que les propos ont été acerbes de la part de ces personnalités et autorités politiques mettant ainsi en difficulté les potentielles actions de bons offices pouvant prendre appui sur ces personnalités pour ramener l’ordre public.
C’est un autre signal pour nous et c’est surtout le lieu, tirant leçon des conséquences déplorées de tous, d’inviter nos forces de défenses et de sécurité publique à accompagner leurs vœux et appels à la coopération des citoyens. Tout en dénonçant cet usage disproportionné et sans discernement de la force et des forces de sécurité publique contre les populations et des personnalités publiques et politiques, nous appelons les forces de défense et de sécurités publique à ne pas oublier leur vœux ‘’d’armée républicaine au service du peuple’’. Elles doivent veiller à la préservation de l’intégrité physique de toutes nos personnalités et autorités publiques et politiques en faisant preuve de discernement et de plus de professionnalisme.
Le troisième signal nous vient du communiqué n° 0901/MISPC/SP-C d’interdiction des marches,
Tout le peuple béninois a pris acte du communiqué n°0910/MISP/SP-C de suspension de toutes les marches jusqu’à la fin du processus électoral en cours. Mais dans un contexte de tension, l’on peut se poser des questions sur l’opportunité d’un tel communiqué. L’on peut aussi se demander si nous avons tiré leçons de l’arrêté préfectoral N°2/388/Dep-Atl-Lit/Sg/Sp-Cp-C du 07 août 2012 portant mesures sécuritaires exceptionnelles dans les départements de l’Atlantique et du Littoral qui, après de lourdes conséquences a fini par être retiré sous le motif ‘’de la décrispation de la tension sociale enregistrée’’
Le ministre aurait pu entrer, par les forces de sécurité, en discussion avec les marcheurs ou groupe de marcheurs pour arrêter des itinéraires et encadrer les marches comme cela a été le cas lors des manifestations de février dernier.
Le quatrième signal nous vient du comportement des militants et de la population mobilisée
Nous avons constaté que le béninois est capable, s’il est placé dans certaines conditions, d’agir comme le rwandais, le centrafricains, le somalien… Il a détruit des moyens de secours, racketté les citoyens, endommagé par endroits les bitumes de Cotonou et ailleurs, obligé des usagers à la désobéissance civile, violenté des citoyens…..
Il s’agit simplement d’une conséquence manifeste des différentes frustrations et fractures politiques et sociales au sein de notre société qui mérite mieux.
Le contexte actuel nous interpelle et nous impose l’amélioration et le renforcement de la sensibilisation et de l’éducation citoyenne des béninois et particulièrement de la jeunesse béninoise sur le respect de l’autre, de la différence, de la hiérarchie, la solidarité, le respect du bien public. Le contexte appelle les autorités au respect des institutions qu’ils incarnent et des peuples qu’elles représentent.
Le 5ème signal nous vient de l’opportunité de la marche du 6 mai,
Dans le contexte de l’arrêté préfectoral d’avril 2015 interdisant toute manifestation en période électorale, du communiqué du MISPC, des exigences du contexte électoral actuellement en cours, du communiqué du procureur fait mention de la suspension de la plainte du Président de la République, des conséquences de l’arrêté préfectoral N°2/388/Dep-Atl-Lit/Sg/Sp-Cp-C du 07 août 2012 portant mesures sécuritaires exceptionnelles dans les départements de l’Atlantique et du Littoral, nous nous posons des questions sur l’opportunité de la marche du 6 mai 2015 dans une vision de paix et de pacification d’un climat déjà tendu.
En décidant d’organiser la marche malgré tout, même avec son objectif compréhensif de ‘’Plus jamais ça’’ et l’autorisation de la mairie, nous pouvons conclure que les organisateurs de la marche ont délibérément choisi d’engager un bras de fer. Et, ce bras de fer ne pouvait qu’engendrer les évènements malheureux notés. C’est pourquoi, dans le contexte actuel, nous invitons l’opposition à remettre la balle à terre et privilégier le dialogue et l’esprit de non-violence.
A l’étape actuelle, et très attaché à notre droit à la paix, un devoir pour l’exécutif et les forces de sécurité sous sa responsabilité, les organisations de la société civile appellent :
- le peuple béninois et surtout les militants politiques à la sérénité, à la vigilance, à la non-violence et au respect du bien public et de nos valeurs.
- Les forces de défenses et de sécurité publique à faire mieux dans l’encadrement et la gestion des situations critiques comme celles des 4, 5 et 6 mai 2015. Les organisations de la société civile leur recommandent vivement de faire preuve de discernement et de mesure dans l’usage de la violence et de la force.
- l’opposition au respect des institutions et des textes de la république en privilégiant surtout le dialogue et la paix. Les organisations de la société civile espèrent que les partis politiques ont pris conscience du déficit de formation et d’éducation de leurs militants et prendront les dispositions nécessaires pour nous éviter de basculer dans des violences similaires. Nous recommandons vivement aux forces de l’opposition à sursoir à leur projet de balayage et de nettoyage en guise de contribution à l’apaisement de la situation.
- le pouvoir en place au respect scrupuleux de l’état de droit et des procédures d’interpellation. Au besoin, pour une paix durable, nous appelons le Président de la République à aller au-delà de la suspension pour retirer sa plainte.
Par ailleurs, nous invitons le clergé, toutes les confessions religieuses, le Haut-commissaire à la gouvernance concertée, le médiateur de la République, le Haut conseil de la solidarité nationale à engager des actions de pacification par la médiation en cette période électorale ;
Les professionnels des médias, toutes catégories confondues, à faire preuve de professionnalisme et de circonspection dans le traitement, l’analyse et la diffusion de l’information en ces temps de tension.
Les organisations de la société civile attirent l’attention sur le fait que toute cette crise nous a éloigné des urgences relatives au processus électorales en cours et encourage les acteurs à la reprise en main des questions essentielles pouvant nous garantir des prochaines élections libres, transparentes et crédibles.
Fait à Cotonou le 7 mai 2015
La plateforme électorale des organisations de la société civile du Bénin.