24 heures après le scrutin présidentiel du 25 avril au Togo, les populations béninoises sont allées aux urnes pour élire leurs représentants à l’Assemblée nationale. Au Togo comme au Bénin, des cas de fraudes ont été recensés, mais les traitements qui en ont été faits, diffèrent d’un pays à l’autre. L’indépendance des institutions et des hommes qui les dirigent vis-à-vis du pouvoir est mesurée à l’aune de leurs positions. Et la Cour constitutionnelle du Bénin apporte de l’eau au moulin du CAP 2015.
Deux pays, deux réalités et deux conceptions des choses. Tel est le résumé de la suite qui a été donnée aux votes des citoyens au Bénin et au Togo. Au pays des Gnassingbé, le président de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), Taffa Tabiou a joué sa partition dans le hold-up électoral.
Les représentants de l’Union pour la République (Unir) et leurs alliés ont servi au peuple des résultats qui sont en déphasage avec la vérité des urnes. Près de 30 Commissions électorales nationales indépendantes (Céli) ont été ignorées par Taffa Tabiou qui s’est empressé, dans la nuit du 28 avril 2015, de lire des résultats préfabriqués.
Et quand le tour de la Cour constitutionnelle est arrivé de statuer sur le processus électoral, nous avons eu droit à ce qu’il convient de qualifier de « déjà vu ».
Le juge Aboudou Assouma, président de ladite cour, et ses pairs ont irrationnellement emboité le pas à leurs complices de la Céni. Ils ont seulement pris le soin de faire coïncider les voix obtenues par les cinq candidats avec le suffrage exprimé. Les juges de la Cour constitutionnelle ont noté l’attribution imaginaire des voix aux candidats dans le bureau de vote de Kpetab dans la Céli de Dankpen. Là, des spécimens de bulletins de vote ont été retrouvés dans les urnes, mais ils se sont arrêtés au retrait de ces bulletins lors du redressage des suffrages. « Considérant enfin, dans la préfecture de Dankpen, qu’il s’agit de dix-sept (17) spécimens de bulletins de vote retrouvés dans l’urne du bureau de vote EPP Kpetab ; que ces spécimens ont été enregistrés comme bulletins nuls », s’est contenté de dire Aboudou Assouma. Sans oublier les anomalies criardes relevées par les représentants du Combat pour l’alternance politique en 2015 (CAP 2015) à la CENI dans les CELI de Bassar, de la Binah, de Blitta, de Cinkassé, de Kpendjal, de Tône, de Tandjouare, de Kéran, de Dankpen, de l’Oti, de Sotouboua, de Tchamba, de Yoto, de Wawa, d’Amou et de la Kozah. Sont invoqués le nombre de votant dépassant celui d’inscrits, les enlèvements et les bourrages d’urnes, les substitutions d’urnes et de procès-verbaux, le vote abusif par procuration et dérogation, etc.
« Toutes ces graves irrégularités auraient dû, conformément au code électoral et à l’accord du 24 avril 2015, faire l’objet de la part de la CENI, d’investigations et de vérifications sur la base des procès-verbaux des bureaux de vote et, le cas échéant, par le recomptage des bulletins de vote dans les urnes. Le refus obstiné du président de la CENI et de nos collègues d’UNIR, du CAR, de l’UFC et du PDR constitue donc une entrave à la vérité des urnes », avaient expliqué les commissaires du CAP 2015. Aboudou Assouma et ses amis n’en ont cure. « Ces irrégularités constatées ne sont pas de nature à entacher la sincérité du scrutin et à affecter la validité du résultat d’ensemble », ont-ils tranché.
Mais au Bénin voisin, la Cour constitutionnelle a été plus loin en statuant sur le déroulement des élections législatives du 26 avril 2015. Avant de proclamer les résultats, le Professeur Théodore Holo, président de la Cour constitutionnelle, a tenu à révéler les irrégularités commises lors du scrutin, dans pratiquement toutes les 24 circonscriptions électorales. La Haute juridiction a constaté des dépassements de voix entre le nombre d’inscrits et le nombre de votants, des défauts de décompte de voix, des décomptes fantaisistes, des défauts de remplissage des feuilles de dépouillement, des surcharges et ratures sur les feuilles de dépouillement, des défauts d’annexion de bulletins déclarés nuls, des défauts de signature des membres de certains bureaux de vote et l’absence de mention de vote par dérogation. Face à ces anomalies, les sept sages de la Cour Constitutionnelle ont procédé à des annulations de voix au niveau de plusieurs bureaux de vote. Soit dit en passant, bien avant, la Commission électorale nationale autonome (CENA) n’avait pas, dans le décompte final, pris en compte les arrondissements où il y avait eu des fraudes.
Un exercice qui a été possible grâce à l’indépendance des juges par rapport au parti au pouvoir. C’est ce qui a sans doute manqué aux juges togolais qui ont préféré ne pas dire le droit. La Cour constitutionnelle du Togo en ne poussant pas plus loin ses investigations sur les cas flagrants de bourrage d’urne, de substitution d’urne, de nombre de votants dépassant celui des inscrits, etc. a cautionné, comme la Céni de Taffa Tabiou, la fraude électorale. De fait, les représentants du CAP 2015 à la CENI ont raison de déclarer élu Jean-Pierre Fabre sur la base des 26 CELI. Leur démarche est légale.