Le Bénin et les Pays-Bas continuent de coopérer jusqu’à nouvel ordre. Le Grand argentier, Komi Koutché a été ferme jeudi 06 avril 2016 sur la question face à la presse. « La coopération n’est pas encore suspendue», a-t-il déclaré hier au ministère des Finances. Selon le ministre, le gouvernement s’évertue déjà à faire la lumière sur les « défauts de gouvernance » révélés dans le Programme pluriannuel d’appui au secteur de l’eau et de l’assainissement (Ppea-II) ; lequel programme serait à la base de la suspension annoncée de la coopération néerlandaise. Komi Koutché a en effet souligné que les techniciens impliqués dans la gestion du Ppea-II ont été invités à aller s’expliquer devant la Brigade économique et financière (Bef). Il a aussi révélé que le Bénin attend un audit international su ce vaste projet. Lire un extrait de sa déclaration.
« Je suis ici pour vous parler d’un dossier qui depuis quelques jours fait l’objet d’une actualité abondante. Il s’agit d’un dossier qui a trait à la coopération bilatérale avec l’un de nos meilleurs partenaires en l’occurrence, les Pays-Bas. En effet, il a été relayé la probable suspension par les Pays- Bas de leur aide au Bénin au motif que dans le cadre du Programme pluriannuel d’appui au secteur de l’eau et à l’assainissement géré par le ministère de l’Economie et des finances, en ce qui concerne la composante Eau en milieu rural, a fait l’objet de quelques malversations. Je voudrais d’abord vous dire que la coopération n’est pas encore suspendue. Les Pays-Bas ont certainement tiré la sonnette d’alarme après ce que nous appelons audit régulier annuel.
En effet, dans le cadre de la coopération avec les Pays- Bas sur ces différents projets, contractuellement chaque année, il doit y avoir un audit par un cabinet recruté de commun accord par le gouvernement béninois et les Pays-Bas. Il s’est fait que pour cet audit au titre de l’année 2014, en ce qui concerne la composante Eau en milieu rural, des défauts de gouvernance ont été relevés. Le premier des constats qu’il faut faire, c’est que dans le cadre des audits normaux que nos différents partenaires ont l’habitude de faire, lorsque le rapport est fait, il y a un processus de validation. Et quand il y a des écarts, les deux parties se retrouvent pour s’entendre avant d’aller de l’avant. Ce même processus a été suivi avec nos collaborateurs. Mais l’étape à laquelle, les hautes autorités des deux parties se retrouvent pour apprécier le contenu du rapport n’a pas été cette fois-ci de mise. Et ce matin, lors d’une audience avec le président de la République, l’ambassadeur des Pays-Bas a dit que selon la partie néerlandaise, les situations étaient telles qu’il fallait immédiatement informer sa base. Nous avons déploré le fait parce que dans la convention avec les Pays-Bas, il était clairement dit qu’avant toute dénonciation, le ministre de l’Economie et des finances que je suis et le ministre compétent de la partie néerlandaise devraient s’accorder. Je voudrais vous dire que ce rapport met la main sur deux formes de défauts. Le premier, c’est ce qu’on pourrait appeler détournement d’objets de crédits.
Il a été constaté selon ce rapport dont nous n’avons pas encore le contenu que des opérations ont été menées sans qu’elles ne soient expressément inscrites au niveau du Plan de travail annuel. Dans le jargon vulgaire, ça s’appelle détournement d’objets de crédits. Cela ne veut pas dire que les intéressés, a priori, ont mis de l’argent dans leurs poches. Mais il y a certainement de fausses notes dans la gouvernance parce que lorsque vous vous entendez avec un bailleur avant de changer toute forme d’activité, il faut d’abord avoir son avis. La deuxième forme de défaut révélée par ce rapport, c’est que la partie néerlandaise pense qu’au regard de ce rapport, certaines opérations de marché public n’ont pas été régulières. On n’a pas encore ce rapport pour pouvoir en apprécier la pertinence. Au regard de tout ça après un compte-rendu que l’ambassadeur des Pays-Bas a eu à faire à sa hiérarchie, ladite hiérarchie a pris des mesures allant dans le sens de l’avertissement du Bénin de la suspension probable de la coopération si des mesures ne sont pas prises. Face à cette situation qui a fait l’objet d’une actualité abondante, le Chef de l’Etat qui tout comme moi-même, n’a été informé de la situation qu’hier (mercredi 06 mai 2015, Ndlr) grâce à une lettre que notre ambassadeur à Bruxelles nous a envoyée, a convoqué une réunion express ce matin pour pouvoir apprécier la situation.
Je dois rappeler que par le passé, nous avions connu une situation du genre avec les Pays-Bas par rapport à la Soneb dans le cadre d’un projet. Mais sur cette question, nous avons eu le rapport sur lequel les deux parties ont travaillé. La partie béninoise a apporté les clarifications qu’il fallait et nous nous sommes entendus. Cette position a été confortée par la suite par la Banque européenne d’investissement qui était également impliquée dans ledit projet. Sur ce cas, il n’y avait plus de problèmes. Mais pour ce qui concerne la composante Eau en milieu rural de Ppea, le processus n’a pas été le même parce que le gouvernement béninois n’a pas connu du contenu du rapport pour apporter ses observations éventuelles. L’ambassadeur nous a dit ce matin que les cadres impliqués dans le projet ont suivi le processus de validation du rapport. Je dois préciser que j’interviens en tant que ministre de l’Economie et des finances parce que le ministère reste la porte d’entrée des financements extérieurs… L’avertissement donnée par la partie néerlandaise demandait entre autres au gouvernement béninois de prendre des mesures pouvant lui permettre de se rendre compte que des dispositions seront prises pour pouvoir prévenir cela dans le futur.
Ce matin quand le Chef de l’Etat a convoqué la réunion, la première des mesures prises en attendant que le gouvernement prenne des dispositions qu’il faut, c’était de demander à tous les techniciens qui travaillaient sur ce projet-là d’aller faire une confrontation la Brigade économique et financière. Pourquoi une confrontation? Les cadres du ministère de l’Energie qui travaillaient sur le projet ont dit qu’ils ont eu des éléments de réponse qu’ils devraient transmettre au cabinet d’audit mais le cabinet n’a pas cru devoir les prendre avant de fournir son rapport. Le cabinet disait également qu’il avait donné un délai dans lequel il fallait fournir ces éléments. Ça veut dire que le ministère chargé de l’Eau n’a pas fait les diligences nécessaires. Selon le ministère, ces diligences ont été faites mais dans un agenda qui n’était pas celui du cabinet. Le Chef de l’Etat a alors dit que pour des mesures conservatoires, il fallait que le cabinet et les techniciens du ministère de l’Energie et de l’eau puissent se retrouver devant un arbitre constitué de l’Inspection générale des finances et de la Brigade économique et financière pour faire le rapprochement.
Mais la mesure forte qui est attendue de la part des Pays-Bas, c’est le recrutement d’un cabinet international pour faire un audit indépendant… Nous avons des parutions dans la presse qui dénonçaient un certain nombre de chose. Et c’est quand la coopération néerlandaise a sorti cette affaire que nous avons fait le lien avec certaines publications qui ont été faites. En tant que ministre des Finances j’avais reçu une dénonciation d’un fonctionnaire non identifié qui révélait des actes présumés de fraudes au niveau de certaines structures de notre administration. Lorsque nous avons eu la lettre, le premier réflexe, c’était de chercher à rentrer en contact avec son auteur pour que nous puissions avoir plus d’éléments avant de savoir la conduite à tenir. Malheureusement, il s’est agi d’un dénonciateur non identifiable. Mais ce qui était intéressant, c’est qu’il y avait des pièces qui pouvaient servir de pistes d’audit. Et la mesure que le gouvernement a prise immédiatement, c’était de saisir l’Inspection générale de l’Etat avec les pièces jointes à cette dénonciation.
Ce qui veut dire que dans la droite ligne de ce que la coopération néerlandaise pourrait attendre du gouvernement béninois, nous n’avons pas attendu que les Pays- Bas soulèvent le lièvre avant que le gouvernement ne prenne ses dispositions. Mais puisque la procédure devant l’Ige est en cours et que la coopération néerlandaise vient de révéler son cas, ça fait deux processus qui vont se recouper à un moment donné (…) Je rappelle que ce projet a un comité de pilotage qui est assuré par le ministère du Développement. Mais la gestion opérationnelle est assurée au niveau du ministère de l’Eau, notamment au niveau de la Direction générale de l’eau…»