Ce n’est que le 16 mai que la 7è législature de l’Assemblée nationale sera installée, mais déjà le nom de son président préoccupe. Si côté Opposition on semble se résoudre à faire économie de querelles inutiles, côté pouvoir par contre, les arbitrages ne sont pas achevés. Le seront-ils seulement… ?
Au lendemain de la proclamation des résultats provisoires par la Cour constitutionnelle, l’on avait tôt fait de voir naître des appétits chez certains élus de l’Opposition. Mais au fil des jours, cette tendance semble avoir été vite maîtrisée. A telle enseigne qu’à la veille de l’installation de la législature, en plus de la certitude que Rosine Vieyra Soglo sera, une nouvelle fois, doyenne d’âge, le nom autour duquel semble s’agglomérer l’Opposition pour briguer le perchoir est celui d’Adrien Houngbédji. Par deux fois déjà, 1991-1995 puis 1999-2003, il avait occupé le perchoir.
Tendance au sein de l'Opposition
En 2011, il ne s’est pas présenté aux législatives, ayant été candidat unique de l’Opposition (Union fait la Nation) à la présidentielle et revendiquant d’avoir été l’élu du peuple béninois, il ne pouvait raisonnablement pas briguer un siège de député. Ce qui, du reste, lui aurait été aisément acquis. Revenant dans l’hémicycle donc, il arrive avec ce vécu qui lui confère une certaine stature. Et, a priori, il aurait été incompréhensible de le voir réduit sinon aux seconds rôles, du moins à la figuration. Cela a probablement compté dans la tendance qui se dégage actuellement au sein des forces se réclamant de l’Opposition, et consistant à faire bloc autour de lui. Dans le même temps, le choix de porter Adrien Houngbédji au perchoir peut procéder, pour l’Opposition, d’une démarche visant à s’éviter des conflits internes inutiles, notamment avec des présidentiables annoncés qui pourraient se combattre sans réserve et hypothéquer, dès maintenant, la cohésion nécessaire à la bonne marche du groupe. On pense notamment à l’Union fait la Nation. De plus, si une personnalité forte se dégage du lot de l’Opposition en ce moment, qui ait déjà fait ses preuves à ce niveau de responsabilité, c’est encore Adrien Houngbédji ; Bruno Amoussou n’en voulant visiblement pas et Antoine Kolawolé Idji ne montrant pas plus d’intérêt non plus. Candide Azannaï ? Ce serait la ligne ultra radicale de l’Opposition alors que Eric Houndété, quoique désormais rompu aux joutes parlementaires ne semble pas vouloir de cette initiation là, son viseur étant résolument orienté vers l’horizon 2016… Mathurin Coffi Nago ? Deux mandats consécutifs déjà à la tête du Parlement, au cours desquels il a laissé autant de plumes qu’il a acquis en expérience, ne peut plus compter sur les troupes qui, hier, le portaient. De même, son divorce d’avec les FCBE est encore trop frais pour qu’il puisse bénéficier de la confiance de ceux qui le combattaient férocement. Quid de Valentin Aditi Houdé, un autre taulier du Parlement ? Fidèle disciple du général Mathieu Kérékou, de qui il tient apparemment beaucoup en termes de méthodologie politique, il semble être de ceux qui projettent leurs ambitions avec réalisme, n’engageant les combats que lorsqu’ils sont sûrs d’en sortir vainqueurs. Ainsi, il se verrait sans doute mieux occuper quelque autre poste, aux côtés de plus avisé…
Incertitudes…
En face, si les FCBE et satellites avaient réussi leur pari de glaner 50 sièges de députés au moins, les réalités seraient tout autres aujourd’hui. Or, en ne réussissant qu’à compter 33 députés, elles rendent les jeux ouverts et sont contraintes d’envisager toute perspective de contrôle du perchoir avec réalisme et prudence. Pour autant, les ambitions ne manquent pas en leur sein. Komi Koutché, une de leurs figures montantes, on le sait, aurait créé la sensation en accédant au perchoir. Une performance qui apparaîtrait retentissante tant ce TGV politique aura rapidement gravi les échelons sous Boni Yayi : directeur général de société, ministre de la Communication, puis ministre en charge des Finances, le tout avec des résultats somme toute salués ici et là. Mais problème, l’argentier national dont le parcours autorise à vouloir exister après Yayi, devra encore convaincre son monde, tant des voix discordantes se font entendre au sein de la famille. Qui estiment par exemple qu’un Nassirou Bako Arifari ferait mieux l’affaire, sinon un François Abiola, voire même un Barthélémy Kassa que l’actualité des fonds néerlandais éloigne cependant de cette perspective. Toutes choses qui ne rendent pas aisées les projections au sein des FCBE. Des arbitrages devront être engagés, pour concilier les positions, réajuster les ambitions. Mais cela ne suffira pas. Car il faudra, tout en s’assurant de la fidélité absolue des 33 élus, convaincre au moins 10 députés non cauris. Dans cette perspective, si on peut considérer que les deux élus de l’Union pour le Bénin (UB) iraient logiquement grossir les rangs de la majorité présidentielle à laquelle ils n’ont pas fait savoir qu’ils n’appartiennent plus, il manquera toujours au décompte 8 députés. Et c’est là que les choses se compliqueraient davantage pour les FCBE et compagnie. Car, en cette occurrence, l’on est souvent en proie à la surenchère des les petits alliés devenus subitement très stratégiques, et qui peuvent en imposer au partenaire majeur; en l’espèce les FCBE.
Autre difficulté et non des moindres, sera de convaincre des élus d’Opposition en vue de la réalisation d’un accord de législature, au regard de la conjoncture politique actuelle.
En effet, les récents événements ayant mis aux prises le député Candide Azannaï et le chef de l’Etat devraient avoir induit plus de solidarité entre les forces d’Opposition ; obligées par ailleurs de rester fidèles à cette ligne, tant elles se savent surveillées par l’opinion. Cela serait donc de nature à rendre difficile la conclusion d’un accord contre-nature entre forces d’Opposition et Mouvance présidentielle.
Surprise ?
A moins de surprise énorme, et cela n’est pas à exclure en politique, le contrôle du bureau de l’Assemblée nationale devrait échapper aux FCBE. Le contraire serait une sacrée performance. Il leur reste, cependant, la possibilité de revoir leurs ambitions à la baisse, de se montrer assez stratèges, pour ne pas être totalement absentes des instances dirigeantes du Parlement. Ou pour noyer leur chagrin électoral, en ralliant la personnalité d’Opposition qui leur apparaîtrait la plus consensuelle… Seulement, voudront-elles se contenter de peu? Les autres voudront-ils bouder leur plaisir en ne leur réglant pas des comptes…? Rien n’est moins sûr. Toutefois, le caractère composite des forces d’Opposition peut se révéler un facteur favorable aux FCBE qui pourraient plus aisément convaincre les petits groupes d’élus, pour contourner les plus importants. Dans tous les cas, le vrai défi pour les FCBE, c’est d’abord de rester unis jusqu’au bout. Ce qui n’est pas donné en ce moment…
Wilfried Léandre HOUNGBEDJI