Même si tous les moyens sont mis à la disposition de l’école, si les enseignants ne sont pas de qualité et en nombre suffisant, c’est que rien n’est encore fait pour permettre à l’école de former des citoyens compétents pour le développement. Pour en finir avec la crise de l’apprentissage dans le monde, la solution se trouve au niveau des enseignants sous l’angle de leur qualité pour un meilleur rendement. Le Rapport 2014 de l’Unesco sur l’Ecole pour tous, s’étant intéressé à la question, a proposé des actions à mener pour fournir à l’école les meilleurs enseignants.
Plus que d’autres facteurs, la qualité d’un système éducatif tient à celle des enseignants chargés de l’animer. Conscients de cette réalité, les rédacteurs du Rapport 2014 de l’Unesco sur l’Ecole pour tous (EPT) ont recommandé la mise en œuvre de certaines actions prioritaires perçues comme des stratégies.
Analyse en prélude au rapport
Une analyse effectuée en prélude au Rapport 2014 de l’Unesco sur l’EPT sur les résultats de l’Enquête internationale sur les mathématiques et les sciences édition 2011 de niveau 4 dans 45 pays constate que «plus la qualité de l’enseignant est bonne, moins le niveau des acquis est faible». Se basant sur le cas de la Pologne, cette enquête a souligné qu’un élève scolarisé ayant un enseignant de qualité médiocre est beaucoup plus exposé à obtenir des résultats médiocres. De façon précise, un tel élève a «25% plus de risques d’avoir des résultats en mathématiques inférieurs au niveau de référence et plus de 34% d’être en dessous du niveau de référence en sciences qu’un élève ayant eu un enseignant de qualité».
Ainsi, il est important d’avoir dans les écoles de bons enseignants. Pour ce faire, diverses actions stratégiques méritent d’être mises en œuvre, selon le Rapport sur l’EPT 2014. La première concerne l’attraction des meilleurs candidats à la profession d’enseignant. En d’autres termes, il s’agit pour les gouvernements du monde, chacun en ce qui le concerne, d’attirer les meilleurs enseignants. A ce propos, il faut observer que ceux qui s’intéressent y vont sur la base de diverses motivations. D’une part, il y a ceux qui sont mus par «la satisfaction d’aider les élèves à apprendre, à réaliser leur potentiel et à devenir des citoyens confiants et responsables». D’autres sont plutôt séduits par leurs enseignants dont la pratique les a inspirés. Ainsi, ils sont portés à transmettre comme leurs enseignants leurs connaissances, leurs compétences et leur amour de l’apprentissage. «Beaucoup se dirigent vers l’enseignement parce qu’ils aiment travailler avec les enfants en les jeunes», soutient le rapport.
Toutefois, l’enseignement ne captive pas seulement les meilleurs candidats. On y retrouve en effet des enseignants qui n’ont pas reçu une instruction suffisante. Cette situation est propre aux pays où l’enseignement est considéré comme «un emploi de second ordre». Dès lors, ceux qui se dirigent vers ce secteur, notent les rédacteurs du rapport, sont ceux qui ne réussissent pas bien sur le plan scolaire pour embrasser les carrières plus prestigieuses.
Pour inverser la tendance et attirer les meilleurs candidats, il est recommandé dans le rapport de fixer les bons critères de recrutement. Ces critères doivent porter sur la qualité et la pertinence de l’enseignement secondaire des candidats. A ce sujet, le système de recrutement doit s’assurer qu’ils ont suivi et achevé un enseignement secondaire de qualité et pertinent. Un tel profil leur «permet d’avoir une bonne connaissance des matières qu’ils vont enseigner et la capacité d’acquérir les compétences nécessaires pour enseigner», soutient encore le rapport. En la matière, les cas de certains pays ont été mentionnés à titre d’exemples. En Egypte, les critères sont très stricts à l’entrée et exigent des candidats à la profession d’enseignant d’avoir un bon dossier secondaire et se basant sur les résultats d’un entretien-évaluation. En plus, les candidats ayant pu s’en sortir à ce niveau « doivent passer un examen pour s’assurer qu’ils correspondent bien au profil du bon enseignant ». Dans d’autres pays où la profession a un statut prestigieux, ce sont toujours les meilleurs élèves qui sont visés pour faire carrière dans le corps enseignant. C’est le cas de Singapour où les futurs enseignants sont choisis parmi le meilleur tiers des élèves diplômés des établissements secondaires. Beaucoup plus sélective, la Finlande ne prend en compte que les 10% des candidats admis dans les programmes de formation des enseignants.
Former les formateurs
Pour que tous les enfants puissent apprendre, il faut que les enseignants soient bien formés. «Une éducation de bonne qualité repose sur les possibilités offertes aux enseignants de bénéficier de la meilleure formation, non seulement avant de commencer à enseigner, mais aussi tout au long de leur carrière», recommandent les auteurs du Rapport. En ce qui concerne la formation initiale, il est indiqué qu’elle devrait les outiller en les «préparant à aider les élèves issus de contextes variés et ayant des besoins différents, notamment ceux défavorisés dès la naissance, et ceci dès les premiers niveaux». Mais cela ne se fera pas seulement au niveau de la théorie de l’enseignement. Il doit aussi toucher les expériences pratiques en classe et s’assurer que les futurs enseignants connaissent suffisamment bien les matières à enseigner. Ainsi, ils pourront facilement répondre aux besoins d’aide des apprenants «défavorisés qui risquent de quitter l’école avant même d’avoir appris à lire un seul mot». Par ailleurs, selon les rapporteurs, la formation initiale doit aussi compenser une connaissance médiocre de la matière à enseigner.
Quant à la formation continue, elle intervient comme pour consolider les compétences et les connaissances. De ce fait, elle est tout particulièrement importante, souligne le rapport, pour les enseignants qui pourraient être sans formation ou insuffisamment formés. De même, poursuit le rapport, la formation continue confère aux enseignants la capacité de s’adapter à l’évolution des méthodes d’enseignement et d’apprentissage, tout comme les formateurs eux-mêmes. La formation continue comble également les lacunes de la formation initiale en termes de qualité et de pertinence. «La formation professionnelle continue a été essentielle pour moi. Entendre parler des enseignants expérimentés, discuter d’expériences, mettre en pratique des idées, enseigner en équipe, participer à des conférences qui vous mettent au défi et qui renforcent les connaissances, tout cela est essentiel», témoigne Marian, enseignante australienne dont les propos sont repris par les rédacteurs.
La question de l’affectation des enseignants
Le déploiement des enseignants est fonction de plusieurs facteurs dont la géographie, le genre et les matières à enseigner. Du point de vue du rapport, les gouvernements doivent « affecter les enseignants là où ils sont le plus nécessaires ». Mais sur le terrain, ce n’est souvent pas le cas. On note une inégale répartition des enseignants dans les écoles. Des enseignants sont réticents à travailler dans les zones dites défavorisées, voire éloignées. Ces zones sont caractérisées par le manque d’installations de base telles que l’électricité, le logement et les services de santé. Cette situation rejaillit sur l’apprentissage des enfants de ces régions. Face aux conséquences sur le niveau des enfants, le rapport propose que les gouvernements élaborent des stratégies pour assurer une affectation équitable des enseignants. Mais très peu de pays ont pu réussir ce pari.
Dans certains pays, si officiellement on doit tenir compte du nombre d’élèves inscrits, pour affecter les enseignants, il faut relever que le déploiement ne suit toujours pas les effectifs d’élèves. Selon une étude de la Banque mondiale de 2009 sur le Bénin et dont le rapport fait mention, le nombre d’inscrits dans les écoles primaires de quatre enseignants allait de plus de 100 à 700 élèves. Cela n’est pas sans conséquences sur la qualité de l’enseignement dispensé. L’inégale répartition des enseignants est l’une des raisons qui justifient le départ prématuré de certains enfants alors même qu’ils n’ont pu acquérir les éléments fondamentaux.
Sur le plan du genre, la probabilité que les enseignantes travaillent en zones défavorisées est moins grande que chez les hommes. Pourtant, leur présence dans ces régions pourrait avoir un effet motivateur sur les filles. Leur situation s’explique par le fait qu’elles ont besoin de plus de sécurité et de confort dans certains contextes sociaux. Mieux, si elles sont mariées, elles doivent rejoindre leur mari.
Par rapport aux matières à enseigner, le rapport fait constater qu’il y a fréquemment pénurie d’enseignants en mathématiques, en sciences et en langues étrangères. Cela est propre au cycle secondaire.
Pour combler le déficit créé par l’inégale répartition d’enseignants, le rapport propose un certain nombre de mesures. La première consiste à recruter les enseignants au sein de leur communauté. «Le recrutement local est une solution», indique le rapport de l’Unesco. Même si l’on peut prétendre que certaines régions manqueraient de candidats, il faut retenir que cette mesure offre certains avantages tels que l’acceptation d’un poste rural, contribue à réduire le taux de perdition. En plus de cette mesure, il est envisagé des mesures incitatives. Celles-ci pourraient permettre aux enseignants «d’accepter les postes difficiles». Elles concernent le logement, les avantages financiers, une promotion accélérée.
Au Bengladesh, mentionne le rapport, le dispositif pour motiver, former et employer les enseignants a permis d’offrir à ceux des zones rurales un logement sûr près des écoles, une fois la formation terminée.
Quant aux avantages financiers, ils peuvent prendre la forme de primes pour compenser les difficultés liées aux zones rurales. «Pour être intéressantes, ces mesures doivent être fixées à un niveau approprié », recommande le rapport. Et ces mesures sont en dehors des salaires qui doivent aussi être améliorés s’ils ne répondent pas aux réalités économiques.