Depuis l’annonce des premiers résultats du scrutin législatif par la Cena puis ceux de la Cour Constitutionnelle, une constance se dégage lorsqu’on tourne le regard vers le prochain bureau de l’Assemblée nationale 7ème Législature. Le camp des « Yayi c’est fini » et «Non à un 3ème mandat de Boni Yayi » ne cache pas son souhait de voir un des leur remplacer Mathurin Nago. Et en face, le même désir, le même souhait de mettre en œuvre à l’occasion de l’élection de ce nouveau bureau, le slogan « Après nous c’est nous ». Dans un camp comme dans l’autre, dans un cas comme dans l’autre, ce dessein est légitime et l’on pourrait penser que pour l’enjeu, la fin justifie les moyens et que donc tous les moyens sont bons.
Seulement lorsqu’on observe un peu le jeu au niveau de la famille politique de Boni Yayi, il apparaît que c’est lui-même, Chef de l’Etat, premier Magistrat, père de la Nation, commandant en chef ou plutôt Chef suprême des armées qui mène en personne, le jeu des procurations, un jeu malsain qui est en contradiction flagrante avec les valeurs qu’incarnent toutes les fonctions supra citées. Dans ce mercato politique salissant aussi bien pour les managers que pour les joueurs pardon les élus appelés honorables, l’argent parle et s’exprime en milliards ou pour les individus « achetés », en centaine de millions. Boni Yayi n’a-t-il promulgué la loi portant lutte contre la corruption et les crimes connexes ? L’indignation de voir le Chef de l’Etat dans ce jeu fait dire au professeur Joseph Djogbénou : « …Dans le contexte africain, il ne suffit pas de voter. Il faut encore œuvrer et agir afin de traduire dans la représentation le vouloir collectif. En l’espèce, il faut que chacun assure, auprès de chaque élu du front de refus de la révision de la Constitution, le service après vente afin que la corruption n’évince point de leur finalité les suffrages exprimés le 26 avril 2015. Le bureau de l’Assemblée Nationale doit être le reflet des positions partisanes développées au cours de la campagne et des suffrages exprimés lors de l’élection. Tout autre résultat traduirait un trafic de conscience et un échec de la confiance. Or, nombre de nos compatriotes ont défié la corruption. Il revient aux élus de les en remercier en la défiant à leur tour.».
Martin Assogba de l’Ong Alcrer est allé plus loin au cours de sa conférence de presse du mercredi 13 mai dernier. Le président de l’Association de Lutte contre la Corruption, le Régionalisme et l’Ethnocentrisme au regard de l’usage massif des procurations en vue, a souhaité que l’Autorité de Nationale de Lutte contre la Corruption (ANLC) se saisisse de ce dossier et demande à tous les journalistes surtout ceux accrédités au Parlement d’aider l’opinion publique a connaître la liste des députés qui donneraient des procurations pour le vote des membres du bureau de l’Assemblée nationale afin que leur mandats en soient informés. De plus, un mouvement, le Far d’Oswald Homeky soutenu par dix promotions successives de responsables d’étudiants (Uneb et Bef) ont adressé une mise garde aux députés de la 7ème législature contre le vote par procuration.
Sur l’un des nombreux fora en vogue sur les réseaux sociaux, Jean Eudes Mitokpè, un confrère de la chaine de télévision Canal3 a opiné sur le sujet en ces termes : « … au delà du débat sur opportunité ou non de la procuration, pourquoi un député élu, qui doit représenter le peuple, le premier jour de son entrée en fonction donne procuration. C’est irresponsable. Il peut être empêché oui. Ca arrive. Mais des dizaines empêchement? Ca frise l’absence totale de réflexion et de prise de décision au niveau de ces élus encore sous tutelle. C’est honteux pour l’élu et condamnable pour celui qui institue ce mode de contrôle. De toute façon quelqu’un avait dit qu’on voulait un parlement de type moutonnier. Nous y voila ! »
Il est clair que contrairement aux nombreux scandales qui ont émaillé ses deux régimes successifs, Boni Yayi, ne pourrait se dérober sous prétexte qu’il n’est pas au courant du deal nauséabond « Procuration contre argent ». Bienvenue au Bénin, le pays où les députés se vendent comme des bœufs, dira l’autre !
Francis Z.OKOYA