Le Bénin court de grands risques pour sa démocratie avec l’entêtement du président Yayi Boni et de son camp à vouloir contrôler le prochain bureau du Parlement en y installant un des leurs. Cela suppose que, même après avoir quitté le Pouvoir en 2016, Yayi pourrait continuer à tirer les ficelles de la vie politique nationale.
Que veut faire un chef d’Etat finissant en voulant contrôler les Institutions de la République ? C’est la question qui agite tous les esprits avec l’activisme débordant du président Yayi Boni à l’occasion des tractations pour l’élection du bureau de la prochaine mandature de l’Assemblée nationale. La panique est palpable dans l’opinion face à l’éventualité de l’élection d’un président du Parlement proche de Yayi Boni pour remplacer le Professeur Mathurin Nago. En effet, le bureau du Parlement entre les mains du régime en place signifie le contrôle exclusif de la prochaine Cour constitutionnelle qui sera installée en 2018. Le futur ancien président peut s’assurer de maîtriser 4 des membres de la prochaine Cour constitutionnelle qui seront désignés par le bureau du prochain Parlement. Ces 4 membres pourraient ensuite siéger à la Haute cour de justice. En clair, Yayi Boni serait en mesure d’avoir une influence sur ces grandes Institutions de la République, des années après son retrait du Pouvoir, désormais inéluctable pour avril 2016.
Eviter la caporalisation des Institutions
L’une des graves conséquences de ce contrôle du Parlement par Yayi, c’est l’impossibilité de faire la lumière sur les grands scandales qui éclaboussent son régime. Avec un Parlement, une Cour constitutionnelle et une Haute cour de justice acquis à sa cause, il sera difficile de faire la lumière sur les dossiers très préoccupants pour les citoyens. Il faut rappeler que le chef de l’Etat, lui-même, avait échappé de justesse à sa traduction devant la Haute cour de justice en 2010 pour l’affaire des faux placements d’argent. Sous la houlette des députés Saka Fikara et Janvier Yahouédéou, la pétition avait recueilli près d’une cinquantaine de signatures au sein de l’hémicycle. Il fallait quelques signatures seulement pour que le chef de l’Etat et plusieurs de ses proches parents et collaborateurs se retrouvent devant les tribunaux pour le dossier Icc-service. A l’occasion, les experts de la Bceao, dans un rapport explosif, ont identifié la responsabilité entière des services de l’Etat. L’escroquerie a porté sur près 156 milliards de FCfa illégalement soutirés aux ménages par des individus qui se faisaient recevoir par le chef de l’Etat à la Présidence de la République ou à la résidence privé edu chef du gouvernement, en présence de ses ministres.
D’autres scandales pourraient subir le même sort que le dossier Icc si Yayi parvient à contrôler le Parlement. Il s’agit en l’occurrence du détournement des fonds hollandais, la mauvaise gestion de l’organisation du sommet de la Cen Sad à Cotonou, les surfacturations dans l’achat des machines agricoles, le scandale des Gsm etc. Les amis du régime actuel ont ainsi la possibilité de faire en sorte que les nouvelles autorités ne puissent pas entreprendre une lutte efficace contre la corruption et l’impunité. Au-delà du risque évident des entraves à la manifestation de la vérité par Yayi Boni, après son départ du Pouvoir, il est à craindre également la manipulation des principales Institutions. Le pays sera donc confronté à une grande instabilité.
C’est pour toutes ces raisons que les forces politiques de l’opposition s’organisent activement pour arracher le perchoir et la majorité au sein du bureau de l’Assemblée nationale. C’est un exercice périlleux, notamment avec l’implication personnelle du chef de l’Etat qui n’hésitera pas à sortir les grands moyens. Il ne reste que la pression populaire pour accompagner les opposants dans leur combat visant à libérer les principales Institutions du système démocratique béninois des mains d’un Pouvoir accablé par les détournements, la mauvaise gouvernance et les crises sociales tous azimuts.
Patrice Sacca Focco
Bataille pour le perchoir : Koutché, le préféré, Djènontin le 3ème larron
Comme dans le roman « Trois prétendants, un mari » de Guillaume Oyono, la mouvance, retranchée à Parakou, pour peaufiner sa stratégie, est attaquée par le virus de la division. Ils sont trois candidats pour le seul poste de président de l’Assemblée nationale. Des trois, la papauté des Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe) a sa préférence : Komi Koutché, l’idole de Yayi.
Ils sont trois à vouloir succéder au président sortant de l’Assemblée nationale, Mathurin Coffi Nago. Ils, ce sont Barthélémy Kassa, Valentin Djènontin et l’enfant aimé, Komi Koutché. Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années, apprend-on dans le Cid de Pierre Corneille. La quarantaine, à peine, Komi Koutché a gravi très rapidement les échelons pour se faire hisser à la cime de l’Himalaya. Sorti des entrailles de son oncle, Grégoire Laourou, l’ancien attaché de cabinet s’est fait un nom à la Direction de la microfinance, avant de se voir confier des responsabilités ministérielles. D’abord, ministre en charge de la Communication en 2013, il passe au ministère de l’Economie et des finances en août 2014. Bon orateur, les attributions dévolues à son ministère font de lui un personnage central du Pouvoir de Yayi Boni. Elu député aux législatives du 26 mai dernier, Komi Koutché aspire, au même moment que son devancier Barthélémy Kassa et Valentin Djènontin, aux fonctions de président de l’Assemblée nationale. Des trois prétendants, tous élus sur la liste des Fcbe, leur mentor Yayi Boni a sa préférence. C’est ce choix qu’il entend imposer aux internés de Parakou après leur élection. Avec le dernier développement de l’actualité, Yayi procède par élimination. Barthélémy Kassa est écarté de la course au perchoir. En fait, il y a une cabale contre un homme aux grandes ambitions Barthélémy Kassa. Un de ses collègues ministres serait pointé du doigt. Cette conspiration n’est que de règle. C’est celle qui a conduit à éliminer Karimou Chabi Sika de la course à la députation. Le troisième larron, Djènontin n’a pas de chance. Car, Yayi a jeté son dévolu sur le jeune Koutché.
Jean-Claude Kouagou