Difficile pour les ménages de disposer d’eau dans la commune de Djougou. Puits et barrage asséchés, le calvaire des populations connaît son pic avec des réactions d’humeur.
L’affluence devant l’Ecole primaire publique de Yasmssa-Gah dans le deuxième arrondissement de la commune de Djougou était effarante samedi 9 mai dernier. Femmes et jeunes filles se bousculant pour approvisionner leurs bassines en eau. Un brouhaha indescriptible que les intrus peinent à supporter. Le cliquetis des récipients ainsi que le tintamarre des bidons alignés sur une bonne distance témoignent du calvaire des populations. Tôt le matin et tard dans la nuit, la pompe à motricité humaine érigée dans l’enceinte de cet établissement reçoit un monde fou de demandeurs. Pour des riveraines autant faire l’état de siège pour avoir sa provision d’eau de la journée. « Un pas fait en arrière et vous voilà en difficulté. Vous devez rester sur le qui-vive pour ne pas rater votre tour », prévient Sakinatou qui confie être sur les lieux depuis quatre heures d’horloge. Dépassé par cette foule qu’il a du mal à canaliser, l’exploitant de l’ouvrage se contente de requérir la compréhension des usagers. Mais loin de ses cris, les injures et autres jurons fusent des rangs. Qui pour vitupérer son prédécesseur qui lui aurait pris sa place, qui pour tancer l’exploitant accusé de favoritisme.
Dans cette atmosphère qui ne plaide aucunement à l’entente, les plus endurants s’en tirent avec le liquide précieux. Mais à quel prix !
Arrivé sur les lieux à la première lueur du jour, Seydou ne dégagera son pousse-pousse rempli de six bidons d’eau que bien au-delà de 13 heures. Le visage dégoulinant de sueur, il se fraie un chemin, raccompagné par les huées des femmes l’accusant de faire du business avec sa provision. « Walaï (je vous le jure ! en langue dendi) ce n’est pas un jeu d’enfant. Je perds mon souffle », implore-t-il.
La commune de Djougou, de tradition, connaît pendant les mois d’avril et de mai une pénurie d’eau du fait de l’assèchement de puits et de son barrage. Les robinets d’eau potable, s’ils peinent parfois à remplir les seaux du fait de leur faible flux, débitent des gouttelettes impropres à la consommation. Avec une couleur ocre et une odeur fétide de boue qui ne rassurent guère, les ménages se retrouvent bien dans l’impasse.
Denrée rare
Un véritable calvaire que n’a pas manqué de dénoncer Wallis Zoumarou, tout nouveau élu du peuple dans la 13ème circonscription électorale comprenant la seule commune de Djougou, lors de sa campagne électorale sous la bannière de l’alliance ABT. Très préoccupé par l’assèchement du barrage qui jouxte son domicile, il peine à réaliser que cette denrée aussi vitale pour les populations leur soit privée.
Dans les quartiers populeux tels que Bassala, Yalouwa, Taifa, les populations ne cachent pas leur colère. « Nous ne pouvons pas comprendre une telle situation dans une grande ville comme Djougou. Nous avons l’impression d’être délaissés », confie sèchement Régis Goudou, gérant d’une échoppe.
Dans les rues, des femmes portant des récipients, des conducteurs de tricycles et pousse-pousses remplis de bidons jaunes sont à la recherche de points d’eau. Les robinets dans la journée sont vides.
Si les promesses faites par le chef de l’Etat Boni Yayi le 31 mars 2014 d’endiguer la pénurie d’eau en renforçant les systèmes d’alimentation en eau potable pourraient nourrir l’espoir d’un approvisionnement sans faille à Djougou, il n’en demeure pas moins que les travaux de réalisation de 17 nouveaux forages d’exploitation, de quatre unités de traitements, de réhabilitation de la retenue d’eau de la ville, de réservoir d’eau ainsi que ceux d’extension et de renforcement des réseaux d’adduction et de distribution sur une longueur de 104 km, annoncés lors du passage de ce dernier, sont toujours attendus. De même que les 1100 branchements promotionnels.
A l’exception des huit barrages réalisés par la Société nationale des Eaux du Bénin (SONEB) dans l’arrondissement de Bariénou, avec une capacité de production de 40m3/heure, et qui visent à mettre fin à ce calvaire, avec l’assèchement de la retenue d’eau de la ville, force est de constater que dans l’attente des travaux de raccordement de ces forages aux réseaux de stockage et de distribution, les besoins de la population de Djougou restent insatisfaits et sont évalués à 1000 m3/jour soit en moyenne 45m3/heure.
Contacté, Moïse Kossi Djakpo, chef agence Djougou de la SONEB, confirme que les dispositions sont en cours pour ledit raccordement; l’entreprise devant exécuter cette prestation est déjà connue et une séance a été tenue dans la semaine avec ses responsables et techniciens pour démarrer dans les plus brefs délais les travaux.
Les allégations balayées
Cependant, c’est du revers de main qu’il balaie les allégations faisant état de pénurie d’eau dans la cité des Yoms. Ce qui pourrait être qualifié de rupture d’eau n’a duré que trois jours, à ses dires, suite à un problème technique au niveau de l’usine d’eau. Mais tôt, diligence a été faite pour soulager les peines des populations. Si l’état des lieux plaide peu à corroborer ses propos, il ajoutera que ses sorties ces derniers jours sont saluées par les populations qui lui décernent un satisfécit par rapport aux dispositions prises par la SONEB pour contenir la pénurie d’eau. D’ailleurs le phénomène n’aurait aucunement été perceptible cette année tant des projections ont été faites. S’agissant de l’assèchement de la retenue d’eau bien visible à la surface il souligne qu’il ne saurait justifier une éventuelle pénurie. D’autres contingences ont permis de faire face à la situation. Des assurances qui sont loin de satisfaire les usagers durement éprouvés par tant de calvaire dans l’approvisionnement en eau potable des ménages.