Encore un nième report des élections municipales, communales et locales au Bénin ; et l’appareil politico-administratif et institutionnel de notre pays étale au grand jour ses incompétences déloyales qui discrédite et jette le déshonneur sur la République.
Des rumeurs à l’évidence du mercredi 13 mai 2015 en passant par les concertations politiques du lundi 11 mai, la décision du report à une date ultérieure des élections municipales, communales, et locales finissent par tomber de la part de la CENA et, plus précisément, de son Président. Est-elle moralement bienséante, politiquement séreuse, cette décision ? Sommes-nous vraiment dans la modernité pratique des modes de préparation et d’organisation des élections au Bénin ? Ou bien continuons-nous de nous obstiner dans l’apparence de l’archaïsme trompeur ? A ces questions, chaque cadre, chaque citoyen béninois se doit de se la poser aux fins d’interpeler sa propre conscience quant à l’avenir de ce pays, car de la personne morale de nos institutions à la personnalité physique, intellectuelle et morale des responsables chargés de les diriger, il ne me semble pas qu’une défense d’honneur et de dignité nous préoccupe et devra nous préoccuper. A notre avis,
tout semble et ressemble à de l’amateurisme ; tout semble et ressemble à de l’impertinence et à de l’inconséquence. Et tout ceci pour les raisons qui suivent.
1- Du choix du moment et de la démarche officielle pour opérer ce report. A quatre jours de la date présumée pour le lancement officiel de la campagne électorale de ces élections, on réunit les responsables politiques pour négocier du report et on finit par décider pratiquement la veille ou l’avant-veille.
Si on sait que la décision préalable ayant fixé la date du 31 Mai 2015 n’émane ni de la CENA, ni de son Président ; si on sait que c’est la Cour Constitutionnelle, Arbitre du dernier recours en matière d’ordres et de disciplines constitutionnels et de régulation d’activités institutionnelles, si on sait que dans la prise de sa décision, la Cour constitutionnelle n’a pas eu besoin de consulter les Partis politiques, alors, on se demande de quelle logique extraordinaire le Président de la CENA s’autorise-t-il d’entreprendre de cette façon sa démarche de report de cette date ? Et de quelle prérogative ? Il aurait fallu, avant d’enclencher une telle démarche, que le Président de la CENA ait reçu mandat écrit du Président de la Cour Constitutionnelle, auteur de la décision initiale et ceci après avoir convaincu cette dernière, et sa démarche serait loyale. Mais nous n’avons pas eu droit à cela. De plus, la date in-extrémiste choisit par le Président de la CENA pour négocier habilement ce report met visiblement en difficulté et piège la Cour Constitutionnelle, car avant qu’elle ne soit saisi et qu’elle ne prononce une nouvelle décision, les quinze jours légaux de campagne se seraient largement entamés et toute décision contraire ne ferait que compliquer le déroulement normal de ces élections.
2- Des raisons apparentes avancées pour ce report
- De la déclaration de candidature, du traitement des dossiers et de la confection des documents électoraux. En avançant une telle raison, cela interpelle les compétences techniques et managériales des responsables de cette Institution. Que nous ayons 546 candidatures d’arrondissement et que nous ayons 5290 villages qui pourraient obtenir plusieurs listes, on le savait et ils le savaient d’avance depuis leur installation avant même que la Cour Constitutionnelle ne prononce sa décision en janvier 2015. La pro activité, le réflexe d’anticipation, le sens de l’organisation conséquente, le sens du sacrifice et la rigueur requise en situation d’urgence devraient être les leitmotive devant déterminer les modes opératoires de tous les processus. Mais si les calculs d’intérêts, les complaisances de reconnaissances devront faire encore partie du jeu dans cette situation d’urgence ; si les règles transparentes en matière d’externalisation des services et compétences selon la démarche de faire faire ne seront pas de mise ; si les principes de responsabilisation et de délégation de pouvoir ne devront pas être sainement au rendez-vous, les chances ou malchances d’en arriver à de telles décisions ne peuvent être qu’évidentes. Et il nous parait que les vraies raisons sont à ces niveaux. Hélas !
Je parie que si une bonne organisation du travail avec la mise à contribution de tous ces outils et principes de travail étaient de règle, on n’en serait pas à ce Nième report de ces élections municipales, communales et locales qui n’ont trop fait de connaitre des prolongations sur des prolongations de manière à faire croire qu’il existe des élections moins impératives constitutionnellement que d’autres. Or, en matière de développement réel et objectif, les élections communales, municipales et locales sont plus importantes que toutes les autres, et ainsi, elles devront bénéficier de plus de diligences, de sérieux et de perspicacités.
- De la distribution complémentaire des cartes, de la proximité des examens de CEP et de la période de pluie. Ces dernières raisons apparaissent évidemment comme des alibis complémentaires pour alimenter les spéculations vaines de certaines franges de la population afin de faire la masse de pour ou de contre. Ainsi pour dire que celles-ci ne tiennent point devant ce qu’on peut appeler raison à l’ère du 21e siècle. Si on sait que c’est en l’état actuel de la situation de distribution des cartes d’électeurs que ce sont déroulées les élections législatives alors même que les résultats n’ont fait que refléter l’intention de vote des populations, il n’en demeure pas moins que celles communales municipales et locales ne satisferont pas leurs attentes. Quant à la proximité du CEP ou la pluie, c’est un faux argument.
En conclusion de tout ce qui précède, on a l’impression qu’une pathologie politico-institutionnelle pernicieuse semble étendre de façon interminable ses tentacules dans le système politico-administratif béninois sans qu’on y est pris la mesure réelle. De COS-LEPI à la CENA de Monsieur TIANDO, le virus de l’incertitude continue de planer sur les élections au Bénin et cela n’est pas sans conséquence sur le développement du pays. Avec ce nouveau report, notre pays le Bénin s’illustre de plus en plus dans le rang des pays à démocratie vulnérable et fragile. Notre crédibilité auprès des Partenaires Techniques et Financiers et auprès de la communauté internationale s’effrite de plus en plus. Les Cadres et intellectuels béninois que nous sommes, inspirons de moins en moins respect et admirations. Nous révélons de plus en plus nos incompétences, nos faiblesses face au pouvoir politico-politiciens, face au pouvoir de l’argent et autres. Il s’avère impérieux que nous nous engagions à restaurer nos valeurs morales, intellectuelles et citoyennes afin de sauver notre pays du cercle vicieux du péril social.
Cotonou, le 14 mai 2015
SADO Nazaire