Passée la cérémonie solennelle de leur prise de fonction ce samedi 16 mai 2015, les députés de la 7ème législature issue des législatives du 26 avril, entrent dans le vif du sujet ce mardi. C'est ce jour qu'ils élisent le bureau du parlement dont on sait que le poste de président est l'objet de plus d'attraction. Et pour cause : le président de l'Assemblée nationale est la deuxième personnalité de l'Etat après le chef de l'Etat dont il assure l'intérim en cas de vacance du pouvoir. Voilà une des raisons pour lesquelles le perchoir de l'Assemblée nationale fait l'objet de toutes les convoitises aussi bien dans le camp du parti au pouvoir que de l'opposition. L'exécutif voudrait bien avoir un président du parlement qui soit un allié alors que l'opposition ne voudrait pas laisser lui échapper ce poste qui lui permettrait d'assurer l'équilibre des pouvoirs.
Avant la séance fatidique de ce mardi, nous vous proposons de découvrir la procédure d'élection du président de l'assemblée nationale du Bénin et de faire un point sur les tendances annoncées dans les états-majors politiques.
Election du président : mode d'emploi
Il faut déjà noter que le président de l'assemblée nationale est élu au scrutin uninominal. Selon l'article 15 du règlement intérieur de l'Assemblée nationale, ce scrutin est secret. En clair, le jour du vote, précise le même article, les candidatures sont reçues une heure avant le scrutin. Celui-ci se déroule au plus en trois tours. Aux premier et deuxième tour, le candidat vainqueur doit réunir la majorité absolue des suffrages. Si cette condition n'est pas satisfaite, le vote passe à un troisième tour ouvert aux deux candidats arrivés en tête du deuxième tour. Lors de ce dernier tour du scrutin, le président de l'assemblée nationale doit être retenu à tout prix. Une majorité relative des suffrages suffit et mieux, en cas d'égalité des suffrages entre les deux candidats, la loi fait une prime au droit d'aînesse ; c'est le plus âgé qui est élu.
Rappelons que le bureau de l'Assemblée nationale compte, outre le président, deux vice-présidents, un premier et un deuxième questeurs, ainsi qu'un premier et un deuxième secrétaires parlementaires.
L'élection de ces autres membres du bureau se fait également poste par poste, dans les mêmes conditions que celles de l'élection du président et au cours de la même séance. Il faut signaler que le règlement intérieur préconise que cette élection reproduise autant que possible au sein du bureau la "configuration politique de l'Assemblée".
La bataille du perchoir
L'élection du bureau de l'assemblée nationale et précisément celle du président déchaîne toujours des passions. Les propos de la doyenne d'âge lors de la cérémonie d'installation des nouveaux élus ce samedi en disent long. Rosine Soglo disait à ses collègues d'aller poursuivre "les tractations" et qu'elle était convaincue que certains iraient voir des "bokonon" (charlatans) à cette fin. C'est dire que depuis la proclamation des résultats des législatives 2015 où aucune formation politique n'a eu la majorité (au moins 42 sièges des 83 du parlement) permettant de s'offrir seule la présidence de l'Assemblée, le jeu des négociations a certainement rapproché ou éloigné les uns des autres.
Depuis quelques jours dans le camp de l'opposition éclatée en plusieurs partis, un nom est abondamment cité pour briguer le perchoir. Adrien Houngbédji dont le parti a obtenu 10 sièges est le choix des alliés de l'opposition qui ont fait campagne notamment contre la révision de la Constitution. Ce sont l'Union fait la Nation (13 sièges), l'alliance Renaissance du Bénin-Réveil patriotique (7 sièges), le Parti du Renouveau démocratique (10 sièges), l'Alliance nationale pour la Démocratie et le Développement (5 sièges), le Front des Démocrates unis (4 sièges), et les alliances Soleil (4 sièges) et ABT (2 sièges). On pourrait aussi y ajouter le parti Resoatao (1 siège)
Du côté de la mouvance présidentielle, les Forces Cauris pour un Bénin émergent (33 sièges) doivent aussi négocier le soutien d'autres partis. Les FCBE vont à la conquête de la présidence de l'Assemblée avec comme candidat ... ? Pour l'heure, aucun nom n'a été formellement annoncé. Il se murmure que ce serait soit François Abiola actuel ministre d'Etat soit Komi Koutché, actuel ministre des Finances. Pour ce qui est des soutiens, on sait que l'alliance Union pour le Bénin (2 sièges) est un allié des cauris de même que l'alliance Eclaireur (2 sièges).
Mais le jeu politique au Bénin a déjà démontré qu'il ne faut pas "ranger" les députés selon ce seul critère d'orientation politique. En fait, des alliances et contre-alliances peuvent se nouer face à l'enjeu du perchoir. Pour rappel à ce propos, en 2011, les FCBE avait réussi à rallier à leur cause les députés de la Renaissance du Bénin (RB) pour contrôler le bureau de l'Assemblée. Ces députés de la RB avaient pourtant été élus sous la bannière de l'UN, alliance de l'opposition.
Rien n'est prévisible
Les FCBE pourront-elles cette fois-ci réussir à débaucher des élus du bloc de l'opposition ? Cette opposition a-t-elle des moyens de chasser dans le champ des cauris ? Rien n'est moins sûr. Tout comme l'aboutissement éventuel de la séance qui débute ce mardi à Porto-Novo. En effet, il n'est pas non plus évident que la séance de ce jour aboutisse effectivement à l'élection. Le parlement a déjà habitué l'opinion au report des séances à hauts enjeux. En 2011 par exemple, la séance d'élection du bureau de la 6ème législature démarrée le 17 mai avait ensuite été reportée au 20 mai. Et ce jour-là les députés n'ont pu sortir le bureau présidé par Mathurin Nago qu'au petit matin du samedi 21mai 2011. Pour 2015, les Béninois retiennent leur souffle.
Vincent Agué