Dans cette affaire de détournement de 3 milliards qui a éclaboussé le gouvernement Yayi, le ministre de l’Economie et des Finances, Komi Koutché, dit ne rien craindre. Devant les médias à l’issue de l’installation des députés de la 7è législature, il s’est encore défendu. Koutché n’est pas fatigué de clamer sur tous les toits son innocence. S’il trouve encore une occasion pour se dédouaner, il n’hésitera pas. Mais qu’est ce qui peut pousser le jeune ministre de Yayi à intervenir autant dans les médias pour se défendre ?
En parlant tout le temps du dossier et en chantant son innocence, il devient de plus en plus suspect. Les irrégularités et malversations dans la gestion du Ppea-II sont si graves que les Pays-Bas, qui ont financé le programme, auront du mal à encaisser les propos d’un Koutché qui joue au Saint… dans la cour du Diable…
Le même ministre s’était déjà empressé pour organiser une conférence de presse au cours de laquelle il a affirmé que le rapport de l’audit de la gestion 2014 ne lui était jamais parvenu. Le lendemain, l’ambassade des Pays-Bas a rétabli la vérité à travers un communiqué de presse : « Tous les rapports provisoires de cet audit sont connus depuis le 9 avril dernier par toutes les structures du gouvernement qui ont été auditées, y compris le ministère des Finances et celui du Développement ». L’ambassadeur, Jos van Aggelen, a ainsi rabattu le caquet à l’autorité qui a voulu faire diversion. Puis, il y a eu une campagne de communication dans les médias pour banaliser l’affaire et présenter le jeune ministre comme un homme propre. Mais la banalisation d’un scandale de cette ampleur ne peut être applaudie par des hommes éclairés !!! Le Ppea-II visait, en effet, à assurer la disponibilité de l’eau potable aux populations, la maîtrise des risques liés à la gestion de l’eau (inondation, pollution des eaux souterraines…) et à contribuer à la promotion de l’hygiène et de l’assainissement de base. Donc, en détruisant ce programme à travers le détournement des 3 milliards déboursés par les Pays-Bas, ce sont les pauvres populations qui sont privées d’eau, plusieurs forages destinés à les soulager n’ayant jamais été réalisés. Dans ces conditions, il est impensable qu’un ministre s’acharne à se défendre sans pouvoir se préoccuper du sort des populations déshéritées. Komi Koutché ne sait-il pas que le gouvernement des Pays-Bas a décidé de l’arrêt anticipé du Ppea-II et la réalisation du bilan final en vue de la clôture de la convention de financement, de la suspension de la préparation de la prochaine phase de ce programme et de la suspension de tous les autres programmes financés par les Pays-Bas ? Le simple fait de penser aux conséquences de cette décision pour les populations compte tenu des résultats importants obtenus ces dernières années, devrait l’emmener à reconsidérer sa position et se calmer… Lui-même a annoncé un audit international d’investigation sur les faits graves révélés ! A partir de ce moment, les responsabilités seront situées.
Pour Koutché, il est trop tôt de crier partout qu’on est innocent alors que des structures sous-tutelle du ministère de l’Economie et des Finances ont fait des décaissements suspects au profit de plusieurs entreprises dans le cadre de la mise en œuvre du programme. La barre de 60 millions n’a pas été atteinte exprès pour éviter que les marchés soient attribués après appel d’offres. La plupart des marchés tournaient autour de 59 millions pour favoriser le gré à gré. En plus, l’état d’engagement a été imprimé le 1er décembre 2014 à 6h46 !!! Donc, au Trésor public, une structure sous tutelle du ministère des Finances, il y en a qui viennent au service à 6 heures… Avec ces impairs, comment ne pas douter de la bonne foi de Koutché ?
Proposé par son mentor Yayi pour diriger le Parlement, le jeune ministre a sans doute voulu se refaire son image… Pour y arriver, tous les moyens sont bons. Il communique abondamment. Si Yayi est dieu, Koutché est le fils de dieu selon certains médias ! Il surfe sur cette vague, croyant effectivement prendre la présidence au nez et à la barbe de Me Adrien Houngbédji, le candidat de l’opposition. Mais il aura du mal à atteindre cet objectif. Cette affaire de détournement de 3 milliards lui colle à la peau et le défavorise même au sein des députés Fcbe qui ne s’accordent pas sur le choix de leur roi. Alors qu’il se traçait même un destin de présidentiable, notre ministre chouchouté par Yayi à l’image de Emmanuel Macron, son homologue (37 ans), cajolé par François Hollande, est en perte de vitesse…
Epiphane Axel Bognanho